Ton magazine favori à beau être rempli d’enfoirés prétentieux et barbus, ça ne les empêche pas d’aller parfois au cinéma Cap Vert, au plus proche de la faune locale, et d’apprécier un blockbuster bien mainstream. Et parce qu’Interstellar est un fantastique film à l’interprétation relative, Sparse te livre une grille d’analyse pour briller en société.

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Quel autre genre que la science-fiction peut se vanter d’être aussi avant-gardiste et pourtant résolument réaliste ? La science-fiction, c’est le pouvoir créatif de l’homme qui prend le pas sur la réalité. L’homme raisonné devient alors capable de dessiner son propre monde à la simple force de son esprit. Léonard de Vinci dessinait les ancêtres de nos avions. Jules Verne prévoyait le premier voyage lunaire. La sci-fi emmène l’humanité là où elle n’osait l’imaginer.

Et le turfu mon copain, c’est coloniser une planète hors de notre système solaire. Christopher Nolan voit tellement plus loin que B2O. Au-delà de la critique, à laquelle je ne me prête pas ici, le dernier film du réal’ le plus en vue du moment a la signature commune à presque tous ses autres longs-métrages : des moments clés qui se prêtent à l’interprétation personnelle.

Si Inception laissait le spectateur face à son imagination à la fin du film (on a découvert bien plus tard le fin mot de l’histoire), Interstellar semble avoir moins de points d’entrée propices à la divagation. Et pourtant, c’est l’inverse. Après avoir éculé des centaines de commentaires d’analyse sur le dénommé Internet, trois théories principales ressortent pour expliquer la fin du film.

  1. Le film est tel qu’il est, pas besoin de changer quoi que ce soit

La plus simple des théories. Inutile de chercher à spéculer pour se donner un genre et un motif pour écrire dans des magazines. Le long-métrage est très bien comme ça et Nolan n’a pas cherché à éclipser des éléments du film. Bah si. Même en partant de ce postulat, il y a des éléments qui chagrinent et restent volontairement troubles.

En considérant que les « êtres supérieurs » qui aident l’humanité en créant le trou de ver soient des humains évolués du futur, alors on se retrouve dans un paradoxe classique de la science-fiction : la boucle temporelle. On a besoin de coloniser une nouvelle planète, on passe à travers un trou de ver, on colonise la planète, et des années plus tard, on créé ce même trou de ver dans le passé pour permettre à l’humanité de coloniser une planète et ainsi de suite. Le serpent qui se mort la queue. Une théorie qui rappelle en clin d’œil la tirade de Mattew McConaughey dans True Detective, lorsque Rust Cohle écrase sa canette de bière pendant son interrogatoire, expliquant que le temps peut être vu comme un cercle, se répétant inlassablement.

Du coup, cette boucle temporelle est ultra frustrante. Si l’homme a réussi à aller dans le futur et à maîtriser les dimensions, pourquoi doit-il s’emmerder à aider l’humanité du passé, puisqu’il a déjà dépassé ce moment ? Est-ce le futur qui détermine le passé ? Et si tel est le cas, l’humanité du futur peut-elle exister après avoir créé le trou de ver dans le passé ? Un paradoxe qui pousse à la réflexion. Pour bien le comprendre, il faut juste se dire que cette intervention du futur avec le trou de ver est une constante, et sans, les hommes seraient morts depuis belle lurette.

  1. Cooper est mort en entrant dans le trou noir

Ha, celle-là, on nous la sort pour tous les films qui laissent une marge à l’imagination. Le ressort a été utilisé tellement de fois qu’il en est devenu une grille de lecture.

Une fois que Cooper sort du fameux tesseract (un coup de Wikipédia là-dessus si vous cherchez un sens à votre vie), il est retrouvé flottant dans l’espace, à proximité de Saturne, là où le trou de ver lui a permis le voyage interstellaire. Heureux des hasards, il est chopé en vol par l’arche humaine, qui s’apprête à coloniser une nouvelle planète. Mais passons. Une fois à l’intérieur de celle-ci, le réalisateur n’a pas semblé donner beaucoup d’importance à son ultime moment avec sa fille, désormais bien plus vieille que lui, joie de la relativité. Sur son lit de mort, la descendance de Murphy ne semble guère se soucier de Cooper, aka le mec qui a risqué sa peau en fonçant dans un trou noir pour permettre la construction de cette foutue station spatiale. Etrange. Tout autant bizarre que c’est son amour pour sa fille qui l’a fait tenir pendant tout le film, et que, quasi morte, elle lui dise de se casser, et lui s’exécute sans trop broncher.

Cooper devient spectateur d’un bien étrange film, comme s’il n’avait plus aucun pouvoir d’action sur ce qui défile devant ses yeux. N’est-ce pas l’affreux Dr. Mann qui lui explique que face à la mort, le cerveau humain à tendance à envoyer des images positives, comme celles de sa famille ? Tic tac, tic tac, vous comprenez ? La fin devient alors trop belle, Coop’ est sur l’arche salvatrice (qu’il avait déjà visitée), dans sa maison reconstituée, il revoit même les joueurs de base-ball à la fenêtre ainsi que sa fille, usée, ridée, mais noble. Que des images réconfortantes. Pourtant, ça ne lui suffit pas, ça ne lui convient pas, ce n’est pas le genre de vie qu’il souhaite. Alors il disparaît et embarque dans un vaisseau pour rejoindre Amelia Brand… A moins qu’il vient d’accepter sa mort, comparaison au vaisseau manquant.

  1. Le trou de ver, tout ça, c’est les aliens

On reprend la première théorie. Sauf qu’on va dire que les « êtres supérieurs » sont en réalité des extra-terrestres. La scène (grandiose) du tesseract pose un méchant doute. Le robot sympa Tars parle des « êtres du Bulk » pour désigner ceux qui ont placé cette étrange salle au cœur du trou noir. Cooper se croit super malin et lui fait la leçon en lui expliquant que c’est l’homme qui a créé cet engin, mais si Tars avait raison ?

Pas une seule fois dans le film la perspicacité de l’intelligence artificielle n’est remise remise en question, faisant un joli pied-de-nez au passage à HAL de 2001. Alors que Coop’ délire et croit détenir la vérité, effaré qu’il est à essayer de communiquer avec sa fille dans la 3ème dimension, Tars est mesuré et rationnel.

Si c’est une forme de vie évoluée non-humaine qui nous donne un coup de pouce, alors plus de problème de boucle temporelle. De quoi soulager vos méninges. Le trou de ver n’a pas été créé par on-ne-sait qui en regardant dans le passé, mais par des aliens dans l’instant présent. Nous ne sommes pas seuls, et c’est justement parce qu’on y croyait plus que cette aide messianique arrive au bon moment. Une théorie plus chaleureuse que la première, qui vient définitivement chambouler les certitudes de l’homme dans un cosmos dont il perçoit seulement maintenant la nature.

Malgré toutes ces explications, il reste toujours une part d’ombre dans la ligne temporelle du film. Pour les déglingos qui veulent percer son mystère, ça se passe sur ce graphique.

– Valentin Euvrard

Interstellar. De Christopher Nolan. États-Unis. 2014. 2h49. VOST. Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain …

Visible à l’Eldo en VOSTFR, tous les soirs à 20h15.