Toutes les semaines, on va te faire découvrir un disque qui sort des sentiers battus. Pas la peine de t’échiner à te faire croire que tu t’y retrouves dans la jungle des sorties d’albums, EP, mixtapes ou démos… Tu galères. Nous, non. Alors on t’aide. Cette semaine : rap, grosse barbe et obésité.

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Action Bronson
“Mr. Wonderful »

Tags : hip-hop, piano-guitare, surcharge pondérale
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Après Rare Chandelier (produit par The Alchemist) en 2012 et Blue Chips 2 en 2013, Mr. Wonderful serait le premier vrai album de notre gros rouquin préféré, Arian Asllani dans le civil. Enfin, premier album, on ne sait pas vraiment. Entre les mixtapes, les projets montés avec d’autres rappeurs, d’autres producteurs ou les clips vidéos… On se dit surtout que l’important pour Bam Bam Baklava, c’est de faire le con et montrer ostensiblement partout où il le peut son gros ventre et sa barbe de djihadiste. Son crédo : cultiver cette obscénité délicieuse et ce mauvais goût dont on raffole.

Né d’un père albanais et d’une mère new-yorkaise, Bronson est originaire de Flushing, quartier résidentiel du Queens où tu peux assister au célèbre tournoi de tennis Flushing meadows. Pas si loin du stade des Mets, l’une des deux équipes de base-ball de la grosse pomme. Ça c’est pour la carte.

Côté musique, Bronsolini / Bronsonlino / Bronsonleski aime parler de nourriture. Essentiellement. Et il s’y connait un peu puisqu’il était chef cuisto par le passé. On le voit d’ailleurs régulièrement à l’affiche des vidéos Fuck ! That’s delicious signées Munchies, la branche « cuisine » de Vice. La bouffe, un thème récurrent chez Bam Bam, rappelez-vous en 2011 : Bon appétit… bitch !!!!!

Pur produit Vice, Action Bronson s’est fait une réput’ grâce à son flow, sa belle bedaine et les innombrables vidéos où on le voit manger des pizzas, venir rapper dans une maison de retraite ou cogner un mec de la sécu sur scène.

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L’album démarre par la petite bombe produite par Mark Ronson, Brand New Car, avec un sample de Billy Joel. Action Bronson l’adore, c’est le « meilleur lyricist du monde » d’après lui. Morceau tubesque, qui a pu se réaliser entre autres grâce à une lettre écrite par le rouquin et Ronson eux-mêmes à destination de BiIly Joel, exprimant leur admiration pour le pianiste new yorkais.

Côté flow, ça bouge pas d’un poil, 90’s style, sa voix ressemblant comme deux gouttes d’eau à celle de Ghostface Killah. Punchlines à gogo, délicatesses sur la consommation d’herbe ou questionnement sur sa vie, Bronson est tellement facile qu’il s’amuse même à chantonner parfois, comme sur City Boy Blues.

Un album mi-hip-hop crado avec des morceaux « qui te niquent les burnes » (Falconry, The Rising), mi-piano/guitare pop FM (Only In America, Baby Blue). On sent aussi qu’il n’en a rien à foutre des instrus lentes et sirupeuses qui font des ravages chez les rappeurs d’Atlanta. Il reste en famille : The Alchemist, Statik Selektah ou Party Supplies à la prod’, et aussi donc Mark Ronson pour lorgner sur la frontière qui le sépare du grand public.

Guitares psychées, instrumentations de stades, ballades rock FM… voilà les autres plaisirs cachés du gros. On le savait depuis Blues Chips 2 ou Easy Rider qu’on retrouve à la fin de ce disque. Sommet de son art : Actin’ Crazy, l’un des tracks de ce début 2015, avec cette instru dantesque signée Noah « 40 » Shebib, le big boy et collaborateur privilégié de Drake. Un mec qui bosse pas avec n’importe qui. Là, il voulait Bronson. Il l’a eu. « If the opportunity is there you know I’m going through that door. That’s how it is for me. I made that opportunity happen, and we made a beautiful song. »

En fait, Action Bronson aime les choses que les autres rappeurs n’aiment pas en général. Ou ont honte d’assumer. Les solos de guitare, la fragilité pop. On l’imagine écouter des refrains débiles qui passent en radio, assis sur sa cuvette de WC, bandana aux couleurs des States sur le front. Peinard.

– Pierre-Olivier Bobo