Toutes les semaines, on va te faire découvrir un disque qui sort des sentiers battus. Pas la peine de t’échiner à te faire croire que tu t’y retrouves dans la jungle des sorties d’albums, EP, mixtapes ou démos… Tu galères. Nous, non. Alors on t’aide. Cette semaine : synthés, guitares et lexomil.

The-Soft-Moon

The Soft Moon
“Deeper”

Tags : rock, new wave, électro
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The Soft Moon est le projet du californien Luis Vasquez. Signé sur Captured Tracks, le label de Mac DeMarco, Beach Fossils ou encore Mourn (coucou le Festival MV), il fait revivre les sonorités 80’s post punk depuis la sortie du premier album en 2010. L’artiste partage sur fond de new wave son univers glauque, et son mal être, apparemment dû à une enfance traumatisante passée dans le désert de Mojave.

PCT-218-SoftMoon-Cover_1400-ALT-600x600-1ourtant, avec ce troisième album, Luis Vasquez amorce un nouveau tournant ; c’est toujours aussi brutal mais il s’ouvre sur de nouvelles sonorités (électro, indus, pop). Il assume aussi de montrer sa tête dans ses clips et délaisse le travail rythmique pour (enfin) chanter franchement. Deeper, est une plongée au plus profond de ses angoisses, qu’il s’est enfin décidé à affronter.

Installé dans le quartier du Neukölln à Berlin depuis 2014, il s’est s’exilé dans la campagne vénitienne pour écrire Deeper. Pour lui, chaque album doit naître dans la douleur, cette recherche de la solitude lui permet d’aller plus loin dans l’écriture. Et contrairement aux deux premiers albums (le premier composé dans sa minuscule chambre d’Oakland et le second écrit à l’arrache en tournée), Luis Vasquez a cette fois pris le temps de faire les choses bien.

Enregistré au studio Hate en Italie, il a travaillé avec le producteur Maurizio Baggio qui l’avait déjà accompagné en tant qu’ingé-son sur plusieurs tournées. « C’est parce qu’il connaissait le projet en live que je me suis senti assez à l’aise pour travailler avec lui. Autrement, je pense que j’aurais à nouveau tout fait seul. Il m’a aidé à retranscrire les émotions que je voulais communiquer ». Ainsi, l’album est plus fermement ancré dans les sonorités actuelles. Et même si le brouillard sonique reste la marque de fabrique de The Soft Moon, cette fois une précision glaciale s’en dégage. D’une noirceur toujours implacable, on découvre au fil des écoutes le travail méticuleux réalisé sur l’album.

softband

On retrouve ici toutes les thématiques chères à l’artiste : vulnérabilité, souffrance, abandon, acceptation… Tous les morceaux aux titres laconiques symbolisent les questionnements de l’auteur. Que ce soit sur le tube 80’s assez classique « Far » ou sur « Without » rappelant plutôt le travail du duo Reznor/Ross, on prend toute la mesure du cheminement effectué par Luis Vasquez. Passé la trentaine, et plus à même de prendre à bras le corps ses démons, même s’il est toujours perdu, il s’est du moins résigné à cohabiter avec ses blessures. « À chaque album j’ai l’impression de me rapprocher de cette paix intérieure, et je vis chacun de mes concerts comme une catharsis, une véritable thérapie ».

L’artiste se met également en scène dans ses clips, et pour la première fois ils se font l’écho des textes. Sur « Wasting » par exemple, qui est la suite de « Far », on voit Luis Vasquez à la merci d’un médecin interprété par l’acteur Robert Foster. Attaché à une chaise, il est forcé de subir des expériences jusqu’à la délivrance. « Cette chanson représente l’acceptation du cours de la vie, avec ses bonnes et ses mauvaises passes. » L’expérience est clairement la base de travail de Luis Vasquez. Ainsi on apprend que le très électro et industriel « Wrong » fut écrit à Berlin après quelques soirées passées dans les clubs de la ville (il a d’ailleurs depuis joué au Berghain).

Sa voix se fait elle aussi plus présente : chants mélancoliques, susurrements entêtants jusqu’aux cris perçants de sa litanie sur « Being », elle fait désormais corps avec le reste. La vocalisation devient thérapeutique et lui permet d’évacuer un peu de cette rage. Une alternative peu onéreuse aux traditionnels médecins psychiatres.

Deeper est de loin l’album le plus personnel de l’américain mais aussi le plus abouti musicalement. Espérons seulement que l’artiste même s’il aspire à trouver la paix intérieure continuera à nous toucher en plein cœur avec son post rock macabre.

– Sophie Brignoli