L’Exorciste et Sorcerer, deux monuments cinématographiques ont fait l’objet d’une restauration début 2015. Les deux films étaient visibles à l’Eldorado pour quelques séances. Joie, bonheur et horreur de ces deux petits bijoux.

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L’histoire tient en quelques lignes : une petite fille est petit à petit possédée par un méchant démon. Seule solution pour qu’elle arrête d’insulter sa mère et de se planter des crucifix dans le sexe : la faire exorciser. Merrin, aka Max Von Sydow, va venir se confronter à nouveau à ce démon aidé d’un prêtre catholique italien (ben oui), devenu psychiatre, incarné par Jason Miller.

Comment ce film est devenu un film culte ? Culte parce que même si tout le monde ne l’a pas vu, on connaît forcément des scènes, des images, les quelques parcimonieuses notes de musique de Mike Oldfield et une ou deux répliques pas piquées des vers à base de « bites », de « maman », de « lécher » et « d’enfers ».

Quelques éléments donc de la recette du film culte :

  • Le fait divers d’un exorcisme : du pain béni. En 1971, William Peter Blatty s’inspire d’un cas d’exorcisme sur un garçon de 14 ans dans le Maryland. Gros succès de librairie et la Warner achète rapidement les droits. Conseil aux futurs scénaristes : Détective est LA source d’inspiration à ne pas négliger. Notons tout de suite que le glissement du personnage masculin à féminin donne une dimension dérangeante bien intéressante, ce glissement qui gênera certainement tous les réalisateurs contactés pour faire le film.
  • Le film dont personne ne veut: une histoire de production compliquée donne souvent un gros succès. Le scénario s’est refilé comme une patate chaude entre quelques petits noms à Hollywood. Hitchcock, Kubrick, Arthur Penn, Mike Nichols, Boorman, oui oui, rien que ça, refusent tour à tour de réaliser le film. C’est donc à Friedkin qu’on propose le film. Il vient de remporter un grand succès critique et public avec son magnifique French Connection.
  • Deux trucages et trois répliques: face à la surenchère d’effets spéciaux dont seul le Christianisme a le secret (séparation des eaux, multiplication des pains au lait, réanimation…), Friedkin sait qu’il ne peut pas rivaliser et va la jouer discret. Un lit qui lévite, une bonne couche de maquillage et un port de tête particulier vont suffire puisque la peur n’est pas là. Elle ne se situe pas dans la représentation exagérée du Mal. Ce qui fonctionne si bien dans le film c’est la coexistence d’un corps de petite fille et d’un esprit démoniaque. Le plus flippant vient du coup de cette bouille encore enfantine capable de balancer de très grosses insanités. C’est la distorsion qui est flippante. C’est le Mal qui ne serait pas si différent de nous mais au contraire qui serait là tapis en chacun de nous, dans la figure de l’innocence même.
  • Les hormones-hors normes: Comment parler de cet âge ingrat de l’adolescence ? Qui est parvenu à évoquer les changements physiologiques des petites filles et la brutalité de ce passage de Barbie à Ken ? Pialat, De Palma bien sûr avec son magnifique Carrie. Et Friedkin dans L’Exorciste. Non, je n’exagère pas : reprenons le scénario et reformulons-le. C’est l’histoire d’une gamine qui se met à envoyer promener tout le monde, dont le corps change et dont l’un des intérêts principaux serait la sexualité. Ce serait l’histoire d’une gamine qui va grandir et pour laquelle ce passage ne se fait pas sans heurt. Qu’ont fait les contes de Perrault si ce n’est parler de ce passage à l’âge adulte de manière détournée ? Qui est cette petite coquine qui aurait vu le loup dans le bois ? …Hein ? « Coucou le loup, tu veux la voir ma galette ? Entre nous, vous y croyez au petit pot de beurre ?…

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Voilà donc dans le désordre quelques éléments de réponses. L’Exorciste, au-delà de son genre, évoque de manière détournée, l’un des sujets les plus compliqués du monde (oui, je pèse mes mots).

Si vous avez loupé les projections sur grand écran, faites-vous plaisir chez vous. Ce film, comme French Connection, Sorcerer, Cruising et quelques autres sont à voir. Friedkin est un grand monsieur du cinéma. Et il n’est pas encore mort.

– Melita Breitcbach