La semaine dernière, on a sacrifié dix ans d’audition, une partie de notre foie et pas mal d’heures de sommeil pour vous offrir un retour digne de ce nom sur (quasi) TOUS les concerts du Festival MV. De la Péniche au Consortium, en passant par la Bécane à Jules, l’Atheneum, l’Hôtel de Vogüé, le Deep Inside et le FRAC, on a sillonné la ville, façon reporters de guerre. Récit de cette semaine en immersion.

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Samedi 2 avril | Mansfield.TYA / Tiny Feet : dernière de la Vapeur

On a commencé le festival en beauté avec (entre autres) le très chouette concert de Mansfield.TYA pour la dernière de la Vapeur. Si tu fais partie des gros loosers qui n’ont pas assisté à la soirée ET pas vu passer notre article à ce propos, c’est par ici : nos week-ends sont plus cool que les tiens : la dernière soirée de la Vapeur.

Mercredi 5 avril | Masterclass Arnold Turboust / Rémi Parson / Grand Blanc @ Atheneum

20h40 : le concert est censé avoir commencé. Si c’est le cas, tout le monde s’en tamponne. Apparemment les gens se sentent plus concernés par la troisième partie : « Grand Blanc ? Tu veux dire des grands verres de blanc ? » Haha, trop drôle. Le commentaire émane d’une tribu de quadra, crinières blondes et tout de jeans vêtus. Mi-gaulois, mi-punks.

Ça démarre avec Arnold Turboust et les musicos, quelque part entre The Voice et la kermesse de fin d’année. On nous souffle que « le Turboust sur scène là, il a fait un single avec Zaboo ». Ce serait même l’auteur de plusieurs textes de Daho. « Comme un boomerang », « Le Grand Sommeil », « Au large de Miami »… Beaucoup de classiques franchouilles des années 80 interprétés sur scène ce soir. Même le jeu de jambe de la chanteuse est d’époque. Le bassiste se met au micro, timbre plus puissant. Le son est mal calibré, on regrette les bouchons d’oreilles (et ce n’est pas la dernière fois de la soirée).

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Rémi Parson arrive, deux mecs timides à l’accent du sud. La chaleur monte, la bande de quadra métaleux danse devant la scène. La salle est à moitié pleine. On assiste à un mini slam sur les gradins à gauche. Le son est digne d’une BO d’un film d’Araki.

Arrive enfin Grand Blanc. Lumières dans tous les sens, on s’en prend plein les mirettes. La chanteuse blonde platine ondule sur scène et invite les branleurs sur les sièges (nous inclus) à venir danser, en vain. « Est-ce que vous voulez danser du disco ? » Pas sûr que ce soit du disco, mais ça reste plutôt funky. Ça s’ambiance (un peu). Une nana se bouche les oreilles – et restera dans cette position jusqu’à la fin du concert.

Quelques personnes se laissent convaincre et descendent de leurs sièges. Son plus lent et trip-hop. Lyrics vulgaires et chœurs vaporeux. Le son est fort. Trop fort. À la dernière chanson, les mecs ont finalement compris comment appâter le public : « à Dijon vous êtes sympas et chauds, mais pas les meilleurs danseurs de France ». Psychologie inversée. Bien ouej. Et ça marche : on se lève pour aller remuer joyeusement du popotin en écrasant les fils sur scène.

Jeudi 6 avril | Somaticae / Kaumwald / Rival Consoles @ Le Consortium

Il est 21h mais ça envoie déjà du lourd. Grosse boîte à rythme, sons minimalistes, texturés, distordus, voire stridents, Somaticae, qu’on retrouvera dimanche au sein de Balladur, bidouille, expérimente. Le tout reste relativement sombre. Le public, hypnotisé, n’en est pas moins statique. Certes, il est tôt. Mais Grand Blanc avait raison : les Dijonnais sont de mauvais danseurs. Un mec en fauteuil roulant se démène plus que les trente gus réunis.

21h55 : Kauwald arrive, lentement mais sûrement. Le duo attire les gens un par un. Relativement badant à long terme. C’est long, grinçant, une véritable agonie.
Pause clope, j’erre avec ma cigarette éteinte et mes potes n’en ont visiblement que pour leurs bières. Le danseur effréné du début de soirée ressent ma détresse et me file un feu avant même que j’ouvre la bouche. Décidément ce mec fait tout mieux que tout le monde – filez-lui un Sparse Award.

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Rival Consoles envoie plus que n’importe quel connard de DJ parisien et réanime finalement le public. « Wahou un rappel au Consortium, j’pensais même pas que c’était possible, j’avais jamais vu ça. »

Vendredi 8 avril | Gratuit @ Hôtel de Vogüé

Aujourd’hui, c’est Gratuit. Ainsi débute le vendredi du Festival MV à l’Hotel de Vogüé avant les concerts à la Bécane à Jules et à la Péniche Cancale. La singularité du lieu, qui envoûte toujours autant, et l’hélas faible nombre de personnes présentes lors du concert ajoute finalement beaucoup au cachet de Gratuit et construit un cadre plutôt intimiste qui ne dérangera pas le moins du monde le musicien, très inspiré et plongé dans ses créations comme un Cousteau dans sa mer. En français, déclamé quand pas crié, dans le texte, en boîte dans le rythme et toute de synthés vêtue, la musique de Gratuit, dont le tempo rampe sur le sol comme pour nous surprendre, est efficace, très personnelle et très organique malgré les – trois si on ne compte pas le chant – instruments très synthétiques utilisés.

Dommage qu’il n’y ait pas eu plus de monde pour en profiter. La programmation l’a collé, pourtant idéalement, à 18h mais, eh les gars, Gratuit gratuit, donc double tarif, et pas plus de trente personnes pour en profiter ? Vous êtes où les Dijonnais ?

Acid Avengers : Voiron / Jacquarius @ Péniche Cancale

Apparemment, à la Péniche. 22h45 : pas mal de monde se masse devant l’engin. À l’intérieur, les gens sont déjà supra-chauds, plusieurs se trémoussent sur la piste. Acid techno et smileys souriants – codes des raves 90’s. Musique entêtante et répétitive. Stridulations et grosses basses ; on en frôlerait la crise d’épilepsie. Pourquoi partir en teuf en Haute-Marne quand on est aussi bien servi chez soi ?

Le public parait plus jeune que la veille au Consortium : multitude de bonnets et de casquettes vissés sur le crâne malgré la chaleur ambiante. « Mec, j’ai l’impression d’être sous l’eau ! » Ceci est une péniche, je répète une péniche, pas un sous-marin. On se marre malgré quelques menaces de kids paranos : « tu m’voles pas ma bouteille de vodka, okay? ». Mais non t’inquiète. Y a que des gens bienveillants ici.

0h18 : on compte plus de monde dehors que dedans. Des teens en sarouel écoutent de la techno pourrie sur leur portable, apparemment les mecs ne peuvent pas passer cinq minutes sans. Rencontre avec des Franc-comtois et un Mexicain. Quel cosmopolitisme ce soir ! On débat sur les patates de Noirmoutier et le nom de la nouvelle région avec une nana de Montbéliard à l’accent suisse, qui nous appelle à plusieurs reprises les “Bourguignans”. Ok, on veut bien être Franche-Comté friendly, mais meuf, fais un effort quand même.

Samedi 9 avril | Oobe @ FRAC

Au cas où t’aurais pas eu ta dose d’électro entre le Consortium jeudi soir, et la Péniche vendredi, tu pouvais encore faire décoller tes oreilles au FRAC (oui au FRAC, à 18h, qui l’eut cru ?) Bob en simili-cuir, bomber large et survêtement Adidas gris métallique, OOBE ouvre l’avant-dernière soirée du Festival MV aux Bains du Nord. Dans une salle aux murs blancs immaculés, une petite trentaine de personnes présente, dont des gosses – sans bouchons d’oreilles, bien les parents. Quelques curieux se massent sur le côté.

Scénographie relativement sobre : une table blanche au centre, une enceinte et deux projecteurs de part et d’autre. Décalage entre le décor, le public, et le son qui gagne en puissance. La musique est cool : une sorte de techno expérimentale – à comprendre bourrée de samples de voix, de motifs répétitifs, d’effets en tout genre, ça lorgne sur la techno hardcore. Le son est rapide, saccadé, agressif. Silence. On reprend sa respiration – pour deux secondes – et on enchaîne. Vers la fin du set, on a même droit à « King Night » de SALEM, pionniers white trash et dépressifs de la Witch House.

La salle, trop petite, trop confinée, officie comme caisson de basse taille géante : les tympans explosent, le son est beaucoup trop fort et très souvent peu clair. Ajoutez à ça l’heure, précoce, du concert, et vous obtenez trop peu de monde pour une musique plus nocturne que diurne dont on profite difficilement. Assommées, certaines personnes quitteront même le lieu avant la fin.

Clara Clara @ Bécane à Jules

Après le FRAC, direction la Bécane à Jules. On se pointe à 19h, pensant que c’est l’heure de début du concert. Celui-ci ne commencera qu’une heure après, mais ça nous laisse l’occase de découvrir le lieu et de s’envoyer quelques verres du cocktail local donc tout est pour le mieux. Le concert se passe dans l’arrière-salle de la Bécane, qui sert de garage à vélo. Le cadre est plutôt marrant, mais l’acoustique pas top. Dommage.

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Clara Clara, groupe du cru, est dans son élément. Autour de nous les gens semblent réceptifs mais on n’arrive pas à se mettre dedans. Peut être parce que les mecs ne chantent pas super juste. Pause clope, re-cocktail, le concert est déjà fini. Atelier tatouage flash à la sortie, on hésite à se faire encrer un sanglier. Bilan : grosse gueule de bois le lendemain.

Faces Records & MCDE : Pablo Valentino / LB aka Labat @ Péniche Cancale

Deuxième soirée consécutive à la Péniche pour le compte du festival. C’est moins électro que la veille mais ça pulse fort quand même, à base de house très dansante. Il y a moins de gens sous taz que le vendredi mais il fait encore très chaud dans la cale. Comme d’hab’, magie des lieux, les gens sortent beaucoup fumer. Puis finalement rentrent vite, puisque René, un mec complètement bourré et surtout très collant, vient casser les burnes de tout le monde avec des histoires cradingues et joue la victime quand tu commences à lui faire savoir qu’il te gonfle.

À l’intérieur, aux platines, les mecs sont concentrés sur leur truc. Devant la scène, les danseurs sont concentrés sur leur truc aussi. Très beau spectacle de communion et de proximité. Dommage cependant que la jauge n’ait pas été revue à la hausse, sans doute pour des raisons de sécurité, car l’entrée filtrait les groupes alors qu’il restait de l’espace en bas. On a déjà vu la Péniche bien plus blindée que ça. Mais ceux qui sont venus en ont eu pour leur argent et ont bien mouillé le maillot. Bravo à eux.

Dimanche 10 avril | Sixteen @ Le Consortium

Pas foule au Consortium ce dimanche après-midi pour voir le groupe Sixteen. Et c’est tant mieux puisque l’ambiance intimiste se prête au petit nombre. Le dispositif scénique est vraiment cool : trois musiciens sur scène, encadrés par deux projectionnistes aux manettes de vieux projecteurs à bobine. Au fond de la scène, deux écrans accueillent deux films, dont l’image tantôt diffère et tantôt coïncide. L’ombre des musiciens vient s’intégrer dans la projection. Le chuintement des bobines qui tournent ajoute un son berçant qui participe de l’ambiance cocooning du concert. Instant de grâce en ce dimanche après-midi.

Batteur, guitariste et claviériste accompagnent les images d’une disharmonie volontaire quand celles-ci diffèrent pour un son plus homogène quand elles concordent. C’est beau. On repart conquis et ravis de cette note si positive.

Balladur / La Jungle / Lonely Walk / Usé @ Le Deep Inside

Ultime soirée du marathon MV et ultime matraquage en règle de tympans, mais pour le bien du peuple, sûr et certain cette fois, avec un quadriptyque de groupes accompagné de sa sauce au gras. Balladur débute avec ses tracks mid-tempo, on se met en jambes ; deux musiciens sur « scène » (à comprendre : dans la fosse, avec le public, on est au Deep Inside là, on rigole pas !), on commence les premières bières du dimanche soir et on se dandine gentiment, embrumés dans ce léger maelström.

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Maelström qui s’intensifiera avec les deux prochains groupes de la soirée : La Jungle, d’abord, et son math-rock, à deux toujours, puissant et frénétique, ponctué à quelques moments de cris ou de bêlements d’un chanteur – étrangement moustachu – par dessus des changements de rythme constants. Les gens se trémoussent, et ça continue avec le troisième groupe, Lonely Walk, plus classique mais pas moins énergique, typique du son du label Born Bad qui l’héberge d’ailleur. On frôle le punk hardcore très souvent, et les gens au sol le comprennent bien vite. On termine usés.

Usé, enfin, clos la soirée avec un post-punk français déglingué, de quoi prendre par la main la future gueule de bois des auditeurs, le lendemain matin. C’était Deep Inside, c’était chaleur, sueur et punk’n’roll, et c’était la fin de l’édition 2016 du Festival MV. À l’année prochaine.

Le top 3 (par ordre d’apparition) :

  • Gratuit
  • Rival Consoles
  • Sixteen

– Axelle Gavier, Marion Payrard & Doug Ritter
Photos : Chan Masson