On est allé taper dans la balle au Golf de Norges. Ambiance Porsche Cayenne et pantalons à carreaux.

On ne va pas te parler de mini-golf ici alors remballe tes souvenirs de camping. On joue dans la cour des grands pour une fois. On t’emmène là où l’herbe est fraîche, taillée, bien verte. À Norges, plus exactement. Ici, le complexe porte le nom d’un ancien coureur automobile : Jacques Laffite. Non, ce n’est pas une marque de champagne. Mais ça aurait pu. Parce qu’ici, tu te sentirais mal avec ton pack de Kro. C’est là que se côtoient les sommités dijonnaises. Qui sait si ce gars en futal rouge et béret qui remplit son seau de balles n’est pas un estimé neurochirurgien du CHU François Mitterrand, un Franc Maçon dijonnais ou carrément le patron des franchises Thiriet de la région ?

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Mais oublie tes complexes de prolétaire, toi aussi tu peux te défouler sur le green, le fairway, le rough, bref sur l’herbe. Pour six euros, on te prête un club et deux seaux de balles. Ensuite, à toi d’arriver à taper dedans pour les envoyer le plus loin possible. Ça s’appelle le practice. Et tu vas devoir te payer un paquet d’heures ici avant de bien saisir le mouvement pour être efficace. Tu ne dois pas taper comme un frappeur au baseball, c’est mauvais pour ta colonne vertébrale et tes poignets lorsque tu mets un coup dans le sol, ce qui est inévitable au début. Tu dois donc apprendre la gestuelle, c’est technique. C’est la condition sine qua none pour être accepté sur le parcours. Ça serait le bordel si des mecs qui ne savent pas tirer venaient l’embouteiller. Tu peux bien sûr prendre des cours mais les prix sont cruels donc regarde plutôt des vidéos de tutoriels sur Youtube.

On n’a pas le même pull jacquard mais on a la même passion

Ici, on garde les pieds sur terre. Si tu n’as que de la petite monnaie ne t’en fais pas, les employés à l’accueil seront ravis de voir à quoi ressemblent des pièces : « c’est pas grave, j’ai que des gros billets. » Visiblement, même si on n’a croisé personne dans ce genre, tu peux te pointer en survêt’ Lacoste et en 205 sans problème. Mais les clichés ont la vie dure et tu reconnaitras vite les habitués à leurs tenues bigarrées. Jouer au golf semble aller de paire avec un goût vestimentaire plus que suspect. Certains ont le sourire en coin quand ils te voient galérer à taper dans la balle ou quand ton tir part de travers dans la forêt. C’est sûr, ceux-là se foutent de ta gueule.

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Qu’en est-il du jeu en lui-même ? Le golf a mauvaise presse ; d’abord parce que sa plus grande star, Tiger Woods, est un désaxé sexuel, que par tradition c’est un sport machiste (il paraîtrait que golf signifie Gentlemen Only, Ladies Forbidden) et aussi parce que les types que tu croises ne ressemblent pas forcément à des athlètes et qu’ils se trimballent en voiturette comme des feignasses pour faire deux cents mètres. Si tu croises pas mal de femmes actives à Norges, qui ont réussi dans la vie et qui l’affichent au volant de leur 4×4 BMW et sapées en Ralph Lauren, toujours dans des coloris dégueulasses évidemment pour ne choquer personne, il reste que ce n’est pas franchement le sport qui te fera le plus transpirer. En plus, tu ne peux pas éclater de ton rire gras et franc sans te faire invectiver par le mec d’à côté qui a besoin de silence pour pratiquer sa passion, son échappatoire du week-end pour ne pas voir ses gosses, qui se tapent des notes de merde dans l’école privé où il les a mis et qui coûte une blinde, et sa femme qui fait chier à la maison.

Sinon, l’endroit est bucolique. Quand il fait beau c’est un super spot pour te prendre pour un mec de la Haute. Tu peux aussi manger au restaurant, boire un coup au bar ou aller jouer au tennis sur les courts dispos en extérieur et en intérieur. Laisse tomber la piscine qui n’a pas été nettoyée depuis un bout de temps si tu veux éviter de te trimballer avec un eczéma tout l’été. Le Golf de Norges organise souvent des tournois et ça se termine par une bonne bouffe, comme à la fin d’Astérix mais avec moins de sangliers et plus de petits fours. On n’a pas été invité. Sans doute parce qu’on s’est pointé en Citroën. Enfoirés.

– Loïc Baruteu
Photos : Florian Winter, L.B.