En matière de hip-hop et de rap, c’est souvent la querelle des anciens et des modernes : les adolescents épris d’absolu ont grandi, mais ne jurent le plus souvent que par leurs vieux albums cultes. Face à eux, des kids qui ne risquent pas de réviser leurs classiques, puisqu’il ne bicravent que du cloud rap ou du son codéïné à peine boutonneux. Eh bien voilà enfin un album qui risque de permettre la communion de tout ce beau monde.

Il faut probablement commencer par dire un mot du concepteur son du projet : Myth Syzer, originaire de La Roche-sur-Yon (!) commence à multiplier les collaborations avec des artistes ricains montant eux aussi en puissance, et qui ont su reconnaître sa maestria. Il y a peu, c’est l’immense Hamza, en Belgique, qui avait eu le bon goût de s’attacher ses services avec son compère Ikaz Boï. Une boucherie.

Le mec n’a pas son pareil pour concocter des instrus qui sonnent à la fois anciens et modernes, pour le coup ; cela se retrouve jusqu’à sa dégaine : survet Lacoste cracra de l’époque trous de boulettes, Air Max 95 vissées au pied, ne manque que le sac banane – mais le mec a une gueule de bon gros hipster. Dans ce projet, des samples de Fabe, Don Choa de la Fonky Family viennent nous rappeler quelles sont les références incontestables et incontestées qu’il a souhaité exhiber.

Le chansonnier maintenant, de fait, lui aussi déballe tous les codes de l’époque où Method Man du Wu-Tang  mâchonnait ses cure-dents : hoodie Tommy Hilfiger, pull à capuche Fubu… Débarquant de Montreuil, Prince Waly colle parfaitement au décor de ce rap récent qui, depuis Joke et Bon Gamin, continue de rendre hommages sur hommages aux vrais sons des années 90 : Ill & Cass des X-men, Hi-fi ou d’autres figures de Time Bomb. Honnêtement, a-t-on fait mieux depuis ? Eh bien ce Waly remet tout cela au goût du jour, sur des instrus qui ne sonnent pas du tout vieillot mais transcendent au contraire les sonorités si simples et efficaces de l’époque (souvent sous l’égide du producteur du 45 Scientific et de Lunatic, Géraldo.) François Rebsamen appréciera l’excellent « Soudoyer le maire » décrivant les tribulations d’une ville peut-être pas si fantasmée où la corruption est la règle. Pfff, qu’est-ce que Waly va pas chercher, Dassault et Balkani, bordel ce sont de vrais citoyens. La thématique rappelle « Truc de fous » du 113 clan.

L’EP dure à peine une vingtaine de minutes, mais annonce la couleur pour la suite. Suite qui sera rien de moins que la sortie de l’album d’Ichon qui, à coup sûr, même s’il saura garder la singularité de ce MC chelou et brillant, restera sur la même ligne, son des nineties pourtant so 2016.

– Tonton Stéph
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