Sur la porte de son échoppe, Sylvain Duchesne se revendique être « coiffeur-humoriste », mais pourquoi ? Curieux, me voici en route vers le salon de celui qui a été élu meilleur coiffeur humoriste de la rue de la Revenderie à Nevers depuis 2009, le seul du quartier. Si vous aviez rêvé un jour de vous faire dégager les oreilles tout en ayant un vrai show, je vous emmène dans le théâtre de vos envies.

« Heureusement que tu viens te faire couper les cheveux parce que bonjour la touche ! » Voici à peine une demi seconde que je suis entré dans le salon et Lydie, coiffeuse depuis 2 ans au sein du salon, me charrie déjà. Je m’installe dans le siège, prêt à me faire chouchouter, quand Sylvain me surprend en m’expliquant que rien ne le prédestinait à devenir coiffeur, qui plus est à ouvrir son propre salon qu’il détient depuis maintenant 9ans. « J’ai commencé par faire un an d’électromécanique, pour plaire à mes parents, je n’ai même pas fini mon année, ce n’était plus possible ». Grâce à quelques connaissances dans le métier de la coiffure et à son talent reconnu par son maître de stage de l’époque, Sylvain décide de se lancer dans l’aventure en 2009 et ouvre son propre salon à Nevers, rue de la Revenderie. La règle d’or : se sentir comme à la maison. « Beaucoup de gens viennent juste pour parler, boire un café, la porte est ouverte, on n’est pas forcement là pour faire rentrer de l’argent. » Ambiance brève de comptoir, on adore. La magie opère lorsqu’un client entre, nous claque la bise à tous, dépose son café sur le comptoir et attend impatiemment sa blague du jour que Sylvain dégaine en moins de deux. « Dans une maternelle, des petits de 3/4 ans posent plein de questions à leur maîtresse dont celle de la naissance, la maîtresse leur explique que les petits filles naissent dans des roses et les garçons dans des choux. Dans le fond un petit lève le doigt et dit ‘’ mais c’est pas du tout comme ça ! Mon père m’a tout expliqué, il m’a dit que le papa il m’était une petite graine dans la choupinette de la maman’’. Alors la maitresse lui répond que, oui c’est mignon ça aussi, mais ça c’était juste avant que le petit surenchérisse et dise « et après il la pousse avec sa bite ! » Voilà…

« Les concurrents d’aujourd’hui
sont plus des vendeurs que des coiffeurs »

Lydie m’explique son rôle aux côtés de ce personnage. « Je ne fais même pas exprès de faire des blagues, je participe instinctivement à cette atmosphère ». Si Sylvain est aussi attaché à cette trame humoristique dans son travail c’est notamment pour pallier aux travers de son métier dans lesquels excellent ses concurrents. « Les concurrents d’aujourd’hui sont plus des vendeurs que des coiffeurs », autrement dit, ils ont tendance à vous vendre la prochaine crème contre les frisottis comme si ils vous vendaient leur mère. Ici, vous pouvez acheter quelques produits sans que l’on ne vous force et tout en gardant intact votre PEL.

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Viens le moment redoutable du shampoing, celui qui vous fait mal à la nuque et pendant lequel vous frôler le coup du lapin. Mais c’était sans compter sur Sylvain qui vous console avec une multitude de blagues qui vous font oublier votre malheur. « C’est un mec qui va dans un bar et demande un verre mais ce que personne ne sait, c’est que le serveur a un œil de verre, à la limite on s’en fout mais là il éternue et l’œil de verre tombe dans le ponch du mec, qui se le siffle. Dans la nuit, une douleur et un mal de ventre l’amènent à consulter. Il va chez le médecin qui lui demande de se mettre à quatre pattes car il va devoir lui insérer une caméra pour aller voir ce qu’il se passe. Le mec se met en position, tu vois un peu ce que ça peut donner, et le médecin commence à introduire la caméra, le mec se retourne inquiet et fixe le médecin qui le rassure. Deuxième essai : le mec se retourne à nouveau, le médecin pète un plomb et crie ‘’on le fait ou on ne le fait pas l’examen Monsieur ! ‘’ Bon, le mec se calme, l’examen reprend, il insère la caméra et lui dit « j’aperçois quelque chose oui… un gros truc… Un œil ! Ah, on peut dire que vous êtes méfiants vous ! » En général c’est extrêmement fin.

« Beaucoup de gens viennent juste pour parler, boire un café, la porte est ouverte, on n’est pas forcement là pour faire rentrer de l’argent »

Cependant, si vous n’appréciez que le silence au dessus de votre cuir chevelu, vous pouvez tout à fait spécifier à Sylvain de se taire. « En général, tout le monde apprécie mais un client habitué me le demande lorsqu’il vient se faire coiffer. Je respecte sa décision mais ce sont les plus longues minutes de ma vie. » Dans le cas contraire, Sylvain peut être pris à son propre piège par des clients qui participent à cette euphorie jusqu’à se mettre à nu, au sens premier du terme. « Il faisait très chaud et mon ancienne coiffeuse dit à mon client « t’as qu’à te mettre à poil ! », pris aux mots, il revient s’asseoir, entièrement nu. Les gens déambulaient dans le salon et moi je coiffais mon pote, à poil sous sa blouse ». Ces situations cocasses sont la clef de voûte de son univers et font de ce salon ce qu’il est : le théâtre de vos envies.

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Lorsqu’on demande à Sylvain de nous tracer son avenir il nous donne rendez-vous le lendemain, mais lorsqu’on lui parle de rêves, le personnage se confie plus intimement. En ce qui concerne le salon, les deux amis confirment ne pas aimer la folie des grandeurs « on est tout petit, tout bien ! ». En revanche, Sylvain détient un rêve absolu, celui de faire un one man show. « J’ai failli le faire avec Talent de Scène, mais il faut écrire, il faut avoir la technique. Entre faire le con dans ton salon et produire quelque chose de concret, il y a une grande marge, c’est compliqué ». Comme entre-deux Sylvain nous explique avoir eu l’idée de créer un café humoristique au sein de son établissement, avec des représentations un soir par semaine. « À une époque tu pouvais faire ça, maintenant c’est plus difficile : les banquiers vont te rigoler au nez. Il y a un décalage entre les financiers et nous. » Si ces projets sont pour l’instant en standby, Sylvain a toutefois envie de prendre le temps de noter quelques anecdotes et quelques blagues pour ensuite pouvoir construire un vrai spectacle, quand le temps le lui permettra.

Sylvain me raconte avoir accueilli le légendaire sniper Laurent Baffie, en représentation à la Maison de la Culture de Nevers à ce moment là. Il était passé voir ce qu’il appelle « le caniche », une cliente permanentée dans le salon. « Il a trouvé l’endroit sympa, est rentré et s’est assis. Il est juste venu se marrer et est reparti, sans même se faire coiffer. » Si le roi de la punchline est venu certifier la bonne humeur du salon de Sylvain, vous ne pouvez que valider à votre tour.

« Nevers, New York, Tokyo »

En prime, vous pouvez repartir avec des stylos qui changent chaque année de noms. En passant du « coiffeur de stars » pour rendre hommage à ses clients, Sylvain a également inscrit sur ces petits souvenirs « coiffeur paysagiste » basé à « Nevers, New York, Tokyo ». De quoi être drôle, jusqu’au bout du stylo. Et si vous êtes vraiment sympas, le patron vous proposera de profiter de sa pause avec lui et Lydie en terrasse du Continental, le bar d’en face, le temps d’un café ou d’une partie de fléchettes.

Sylvain n’est pas qu’un fanfaron, c’est aussi un homme reconnaissant qui peut être sérieux quand il s’agit de remercier l’unique et la douce. Celle sans laquelle il n’aurait jamais ouvert son propre salon, celle qui aurait pu soufflé à Jean Claude Duss sa fameuse réplique : « Alors si je peux me permettre de te donner un conseil, c’est: oublie que t’as aucune chance, vas-y, fonce. On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. » Et ça a marché, on la remercie également, car sans elle nous n’aurions jamais pu nous faire shampouiner par le coiffeur le plus drôle de France et de Navarre.

– Victoire Boutron et Benjamin Moreux