Il porte assurément mieux le bouc que Manuel Valls. Lui, c’est Gilles Poissonnier, le tout frais président du club de handball pro féminin dijonnais : le CDB. Alors que ses “Artistes” connaissent un début de saison sans inspiration, le président Poissonnier reste positif, inébranlable et cool. Bavard quand il s’agit de parler de ses protégées, on a bougé jusque dans ses bureaux du Wall Street dijonnais où il exerce la généalogie pour causer aléas qui font la vie d’un club de gonz’ souffrant de sa petite notoriété, scène sportive locale et fric. Entre autres.

UN PUTAIN DE BAN BOURGUIGNON POUR FÊTER LA VICTOIRE (Crédit : Foxaep)

Même s’il y a eu une petite éclaircie en Coupe d’Europe, le CDB est avant dernier de son championnat avec 5 défaites en 5 matchs. Comment ça se fait ?

Le problème est posé en plusieurs niveaux, on commence la saison avec 2 joueuses blessées qui sont pas neutres : Barbara Moretto qui revient de blessure et Déborah Kpodar. De plus, on a des soucis de compréhension de calage de budget avec la CNCG, comme avec Eloïse Dewez qui ne joue pas pour le moment, mais ça va se régler, c’est des petites problèmes d’ajustement. Le CDB vient de loin concernant la gestion de son administration. Puis on a enregistré la blessure d’Audrey Deroin contre Nantes qui s’est fait les croisés et de Johanna Latou qui joue mais qui est diminuée en raison d’une blessure à l’épaule. En clair, on joue avec une rotation minimum. Rien à voir avec l’année dernière, à la même époque, où on était en tête du classement, mais les saisons sont longues. 

Et l’atmosphère du vestiaire ? Les filles ne sont pas trop résignées?

Justement, c’est très important. Elles sont extrêmement solidaires heureusement. Elles ont super bien accueillis  les 2 jeunes qui viennent d’arriver comme la Danoise de 19 ans Sarah Paulsen et Helena Rysankova, qui vient de D2 française, pour qui c’est un peu compliqué en terme d’intensité et d’adaptation sportive. Dans la tête, c’est pas génial, mais le groupe vit bien. Je le dis pas péjorativement, mais j’ai été directeur général de la JDA, et il est certain qu’un moral de mec c’est pas le même qu’un moral de nana. 

« Quoi qu’il arrive à partir du moment où y’a un club de foot de Ligue 1 dans une ville, c’est compliqué »

Et vous, du coup, vous étiez membre de la JDA : comment a débuté votre relation avec le hand féminin ? C’est une sollicitation ?

C’est exactement ça. Je suis plus gestionnaire administrateur que sportif au sens du sport en question. J’étais libre à l’été 2015, on m’a demandé par des amis communs d’intégrer le club pour régler les soucis d’administration et de gestion qui en avait bien besoin. Puis, on découvre le sport et on y prend même un certain goût. Le basket j’adore parce que je vais voir la JDA, je regarde pas la NBA. En revanche à la JDA y’a l’ambiance, le spectacle, c’est une équipe dijonnaise. Après pareil, j’irai pas voir les mecs du hand masculin pour autant mais chez les filles il y’a une certaine fraîcheur, pas que de l’esthétisme, c’est autre chose, y’a de la spontanéité.  Le sport masculin est devenu trop élaboré, trop académique.

On imagine aussi que la gestion d’un club pro féminin demeure plus compliquée au milieu de l’environnement sportif dijonnais composé du DFCO, de la JDA, du DBHB, du Stade Dijonnais et même des Ducs qui galèrent pas mal en ce moment… C’est pas plus difficile en terme de sponsoring ? Pour cultiver un intérêt autour du CDB et du sport féminin en général ?

C’est justement là le gros problème. Quoi qu’il arrive à partir du moment où y’a un club de foot de Ligue 1 dans une ville, c’est compliqué. C’est comme Coca-cola/Pepsi. Pepsi, il lui reste que des miettes mais elles sont encore très belles. Le 3ème dans le soda, il a quasiment plus rien. À Dijon, tu as le DFCO et la JDA, la JDA dans une moindre mesure, mais qui brasse beaucoup de partenariat. Nous, on prend les dernières miettes avec le reste. C’est le problème de la recherche de partenariats, d’intérêt pour un sport féminin qui n’est pas médiatisé même si on a un partenariat avec Beinsport qui ne retransmet qu’un match par journée. Le hand féminin ne semble pas apporter beaucoup pour les partenaires à part une passion personnelle ou l’envie de passer une bonne soirée en loge VIP. Et pourquoi ? Parce que le sport féminin n’a pas encore trouvé son économie sur le plan national et local. On n’est pas dans un univers machiste, mais c’est pas encore le réflexe, si tu dis handball à un partenaire, il va penser handball masculin. C’est des problèmes plus profonds qui ont des conséquences sur notre budget, c’est un combat de tous les jours mais c’est compliqué pour tout le monde y compris pour le DFCO, à une autre échelle. Après tu as des partenaires qui foutent 45.000€ au DFCO et ne sont pas trop considérés, ça les énervent ils peuvent passer chez nous, se disent que la hand féminin c’est bien, mais ils ne mettent que 2.000€…

Monsieur le Président (Crédit : CDB 21).

 

Du coup, ces problèmes économiques impliquent forcément des compensations. C’est pour ça que vous accentuez des efforts en terme de formation (Eloïse Dewez, la gardienne Lena Leborgne, Marion Lahcene sortent du centre de formation) et y compris en terme de communication sur les réseaux sociaux ?

A mon avis, un club pro qui se structure bien doit être assis sur un centre de formation. Mais au CDB, on n’a que 10 contrats pro pendant que les PSG du hand féminin que sont Metz ou Brest, en ont 15 et détiennent 2,5 fois notre budget. Pour nous ça implique des restrictions sur la masse salariale des joueuses et on est dans l’obligation de se faire plus connaître que les autres. Quand tu dis « DFCO » ou « JDA », les gens sont peut-être pas intéressés par ces sports mais connaissent. Quand tu dis « CDB », c’est autre chose. On a une grosse politique de communication qui est appuyé par Vincent Fournier, qu’on a beaucoup de chance d’avoir. Quand y’a des magazines comme le vôtre qui s’intéresse à nous, c’est bien, je pars du principe que notre club doit être inséré dans sa cité mais pas pour autant se faire qu’autour de Dijonnais. C’est un club dijonnais, faut que ça vive à Dijon et que ça serve ses habitants. Faut que ceux qui dirigent ce club soient identifiés comme des gens du cru, sinon les gens n’adhèrent pas. Surtout ici.

« Faut montrer qui est le patron dans cette
région Bourgogne-Franche-Comté »

Donc si on pige bien, pour vous, la corrélation entre le budget et la performance sportive est indéniable…

Y’a pas à faire, c’est exactement comme ça. Au hand féminin, vous pouvez avoir une joueuse pas chère au SMIC qui devient exceptionnelle. Mais à la base, une joueuse de cette trempe donne des performances convenables de milieu de tableau, avec la possibilité qu’elle progresse sur la saison comme ça a été le cas avec nous. Dans ce cas, on revalorise le salaire comme Kpodar, ou alors en signant des contrats pro avec des promesses de reconduction dans 2 ans comme avec notre gardienne Leborgne. Par exemple, l’an passé, Sonja Frey était rémunérée faiblement et à la fin de la saison tout le monde la voulait, le téléphone ne s’arrêtait plus et c’est ce qui s’est passé : elle est partie. Ensuite, il y a des joueuses à 2000€, ça devient intéressant, mais après à 3000€, 4000€, ou 7000€ c’est des joueuses exceptionnelles qui cartonnent obligatoirement et c’est forcément des joueuses qui peuvent faire la différence toutes seules. C’est une question de budget, de rémunération, c’est comme ça. Par exemple, Nice a recruté 2 joueuses à 3500€ et elles ont battu Brest, Metz, etc. Y’a pas de secret, Nice est transformé. Sinon, faut des miracles. Le sport c’est comme ça maintenant.

Gilles & les filles (Crédit : Page Facebook du CDB 21)

Quels sont vos objectifs pour le club à moyen/long terme ? 

Déjà, la mission était de stabiliser la gestion et l’administration de ce club, enfin de cette entreprise, société commerciale. Ensuite temporiser, valoriser l’image de notre club, ce qui est le cas chez les élus et les partenaires, car malgré tout, on a plus de partenaires que l’an passé. Le conseil départemental et Dijon Métropole ont regardé avec beaucoup de satisfaction nos résultats de l’an passé et vont nous apporter un concours supplémentaire. Et puis ensuite, fixer un objectif de plus jouer la fin de tableau mais les 8 premières places et les play-off. Avoir un budget plus important et des joueuses plus importantes pour gagner des titres. Mais il faut inscrire le club dans le durée à Dijon, il n’est professionnel que depuis 2012 et il y a beaucoup de chose à faire.

Au regard des perf’ actuelles, les partenaires sont pas trop inquiets ? 

Pour le moment non, ils arrivent quand même. En revanche, en terme de public c’est autre chose, le public se déplace au Palais des Sports quand ça gagne. L’an dernier, on avait 1700 spectateurs, par moment même 2000. Aujourd’hui c’est 500 spectateurs. Après, c’est sur qu’on n’obtiendra pas des partenariats en plus si on finit en bas de tableau, et encore moins si on descend. Dans ce cas là, c’est la catastrophe.

Et la rivalité avec l’Entente Sportive Bisontine Féminine , ça se passe comment ?

Le président Thierry Weber m’a accueilli tout de suite et m’a dit qu’il était à ma disposition. Honnêtement, il n’y a aucune rivalité. Cela dit j’insiste, c’est Dijon qui devrait avoir un bon club de handball féminin, c’est nous qui devrions monter en puissance. Faut montrer qui est le patron dans cette région Bourgogne-Franche-Comté même si Besançon a déjà de l’avance et un palmarès, avec notamment notre coach actuel Christophe Maréchal qui avait réussi le quadruplé en 2003. Comme quoi.

– Mhedi Merini
Photos : DR

Interview réalisée le 26 septembre 2017, au petit matin.