Les américains Nada Surf jouaient avant-hier pour la réouverture de La Vapeur. Le leader Matthew Caws nous a parlé (un peu) de musique et (beaucoup) de Trump. En français.

Matthew, c’est pas la première fois que vous venez ici, vous avez vos habitudes à La Vapeur ?

Oui, cette salle fait partie des classiques en France donc quelque part on compte toujours revenir. On a visité La Vapeur, c’est très joli ! Les loges, le plateau sont très bien… Le hall est fabuleux.

Vous rejouez l’album Let Go sorti en 2002. Comment ça se passe quand on ressort un album des vieux placards, il faut réapprendre à jouer les morceaux ? 

C’est un peu ça. Il y a des morceaux qu’on a toujours joués en tournée et d’autres qu’on avait mis de côté et qu’il fallait réapprendre. C’est un exercice cool et intéressant. C’est comme un time travel. C’est l’album favori des fans. On le ré-interprète très fidèlement.

Photo : Vincent Arbelet

Musicalement, sur scène, il y a le poids de la technique que vous avez acquis au fil des années. Vous avez une autre manière de jouer et d’interpréter les morceaux ?

Oui, un petit peu. Puis sur cette tournée on est 5, on est un trio à la base. Maintenant, c’est un luxe absolu, on a un ami, Louis Liner du Texas, qui a joué ses mélodies au clavier partout sur nos disques. Il faut se réadapter aussi.

Tu disais que tu étais l’addition du toi d’il y a 10 ans, et j’imagine que pour la musique de Nada Surf c’est pareil.

Oui, c’est ça. On est passé à travers des styles différents mais sans la volonté de les choisir. Y’a des moments plus rockeurs, d’autres plus posés.

Logique, quand on a 20 ans de carrière, on ne fait pas la même chose que quand on a commencé. J’imagine que vous devez encore chercher une certaine énergie sur scène car Nada Surf c’est quand même une base très rock à l’origine

C’est toujours super de le faire et jouer, ça donne de l’énergie.

Dans la réinterprétation de Let Go, est-ce que vous avez changé beaucoup d’arrangements ou pas ?

Pas du tout, en fait ces dernières années on a changé des arrangements par accident, mais ce soir on essaye de le faire très fidèlement.

Avec la situation politique aux USA, est-ce que votre président vous inspire ? 

C’est très compliqué. Contrairement à ce que j’ai fait avant, je n’ai pas envie de parler de moi-même ou de choses intérieures. La situation aux Etats-Unis est si cauchemardesque que je ne sais pas comment m’exprimer. C’est un désastre tellement grand que je ne commence même pas à comprendre. Et il est possible de ne pas le voir quand on est aux États-Unis. La démocratie américaine est jeune, certains ne se rendent pas compte comme c’est fragile.

« Je n’ai pas choisi d’aimer la France mais je suis très content de cette coïncidence. »

Rock against Trump, vous vous positionnez comme ça ? 

Non, ce qui m’intéresse personnellement c’est que les gens soient civiques entre eux. On en arrive à se dire sur les réseaux sociaux « je ne te parle plus». En cas de crise grave on est citoyen ou bien de droite ou de gauche ? J’arrive à discuter avec des gens qui ne sont pas de mon avis et comme le fil n’est pas rompu avec eux, certains me disent « je te remercie de m’avoir écouté, je vais réfléchir à ce que tu m’as dit ». J’ai une capacité à parler avec des gens non raisonnables tout en ne réagissant pas et à continuer à leur parler calmement et normalement. Dire Fuck Trump (c’est ce que je pense), je ne sais pas ce que ça donne et je ne sais pas si ça aide.

Tu parles extrêmement bien français Matthew, il y a une raison à ça, elle est même liée à l’histoire du groupe. Vous vous êtes rencontrés dans un lycée français… 

Oui au lycée français de New-York avec Daniel Lorca notamment qui est le bassiste du groupe. J’ai développé une affection particulière avec la France. Je ne suis pas Français mais je me sens un petit peu chez moi ici, j’ai passé tellement d’années ici, les années sabbatiques, sans compter les vacances d’été quand j’étais petit, mes parents étaient profs, on a passé de longues vacances ici. 

Pourquoi tu es tant attiré par la France ? C’est quoi la raison ? 

Photo : Edouard Roussel

C’est juste une question de circonstance. Ma mère est francophile, on venait ici quand j’étais enfant. Je n’ai pas choisi mais je suis très content de cette coïncidence. 

D’ailleurs, c’est étrange mais dans l’album Let Go, il n’y a qu’une seule chanson en français. Ça ne vous a pas davantage inspiré que cela ? 

Oui, Daniel Lorca en a écrit une sur cette album. J’en avais écrit une une fois, sur une phase B. C’est très tentant et en même temps très intimidant d’écrire en français parce que je n’ai pas une maitrise experte de la langue non plus. Et mon accent est décevant aussi… 

Vous êtes en pleine tournée ? 

Oui, là on débute notre tournée. On ne va pas rester tant de temps que ça en France. On a seulement 9 dates ici, on est au milieu là. 

  • Interview réalisée par Martin Caye et Thierry Binoche, sur les ondes de Radio Dijon Campus

Photo de Une : Edouard Roussel.