La talentueuse photographe Roxanne Gauthier est amoureuse de la couleur. Elle l’a avoué lors de notre rencontre.

Il est 16 h 45. Il fait froid dehors, mais il fait bien chaud dans le bar. J’ai rendez-vous avec Roxanne Gauthier, photographe dijonnaise. Le ciel est gris. Mais les couleurs flashy de ses portraits repeignent l’atmosphère ennuyeuse d’hiver qui couvre la ville. En jaune, peut-être. Ou en rouge. Ou plutôt en bleu, comme en été. Il est impossible de choisir une couleur qui définit cette artiste.

Elle vient d’exposer au resto Treize Lucioles, à Dijon, ses photos de Madagascar, où elle est allée en 2014. La série a été présentée lors du Festival 360º la rentrée dernière. Elle a immortalisé le rythme de vie de ce pays : des villages pauvres en passant par les gamins qui jouent. Ce voyage l’a beaucoup marquée. Elle est revenue changée et plus consciente qu’il faut faire gaffe à la planète. C’était un vol long, mais ça c’est la moindre des choses. C’était un choc culturel tellement grand qu’elle a été incapable de prendre des photos les premiers jours. Après, elle a récup’ un appareil Polaroïd pour offrir une photo à tous ceux qu’elle a photographiés. C’était sa manière de pourvoir s’approcher des gens et de se laisser émouvoir par leurs histoires. Elle n’a pas pu ajouter les Polaroïds à sa série. C’est dommage. Mais elle a reçu d’autres choses en échange : la joie de voir les gens heureux.

Roxanne a un don pour les relations humaines. Après une demi-heure de discussion, il me semble l’avoir connue depuis toujours. Elle rit et m’avoue qu’avant elle était très timide, elle n’osait pas prendre les gens en photo ! Petit à petit, elle a découvert le monde des portraits, et c’est devenu son domaine.

« Ses images ont une valeur anthropologique énorme »

 

Aujourd’hui, elle aime bien photographier les gens qu’elle ne connait pas. C’est un challenge. C’est une découverte. C’est un moment d’intimité qui permet de percevoir la sensibilité de l’autre. Bien qu’avant, il faille créer un climat de confiance. L’appareil photo peut être le pire des cauchemars ! L’artiste entend tout le temps : « Je suis moche. » « Ne t’approche pas trop ! » « Je ne suis pas photogénique. » C’est l’appareil qui perturbe. Une horreur. Mais quand Roxanne est derrière, la peur disparaît. Elle a donné un sens spécial à la photographie : « J’adore faire en sorte que les gens se trouvent beaux sur mes photos. C’est comme une thérapie pour apprendre à s’aimer et à s’accepter. »

C’est difficile de définir son style. Elle a des multiples facettes parce qu’elle déteste la sensation d’enfermement. Elle est rigolote quand elle dit : « j’aime bien faire le caméléon ! ». Si je dois en choisir une, je prends sa facette érotique dans laquelle elle joue avec la mise en scène. Elle libère son imagination. Elle explore le corps nu et, en même temps, elle le fusionne avec des couleurs saturées. Elle est à l’aise dans ce domaine, mais tout le monde n’est pas prêt à ces travaux.

L’originale

« Eros in love », une série inspirée par des tableaux de l’histoire de l’art, est une merveille. Elle a pris des œuvres d’Édouard Manet, de François Boucher ou de Rembrandt où il y a des corps nus. Après, elle en a fait sa propre interprétation avec des corps réels, naturels ou avec des tatouages. 

Roxanne a construit un éventail de personnalités avec ses portraits. Ses images ont une valeur anthropologique énorme. Elle le sait. Et c’est pour ça qu’elle adore son métier. Si un projet n’a pas une relation humaine, il ne lui correspond pas. Les séries qu’elle a réalisées avec l’espace socioculturel de l’Acodège sont parmi ses meilleurs souvenirs parce que chaque photo est pleine de complicité. Chaque photo est pleine d’humanité. Chaque photo est pleine de vie.

  • Judith Sal. 

Photos : Roxanne Gauthier.

Mate les galeries de Roxanne Gauthier, ici : Madagascar & Eros in Love