C’est la deuxième édition des Rendez-vous de juillet, festival des histoires vraies, ce week-end, à Autun et Bibracte. Le moment idéal pour rencontrer de vrais gens avec de vraies histoires, échanger sur des sujets de société, installé dans l’herbe, entre potes ou en famille, pépouze. Avec une première édition au top, ils remettent le couverts. On a discuté avec les fondateurs des revues XXI et 6mois et organisateurs du festival.

C’est reparti pour un tour alors ?

Marie-Pierre Subtil : Oui, parce que c’était bien, enfin, c’est ce que nous ont dit les festivaliers, ça leur a plu. On a eu du monde, entre 7 et 10 000 personnes, difficile à quantifier, mais ce qui est sûr, c’est qu’on avait jamais vu autant de monde, en même temps, sur le Mont Beuvray. Le samedi soir, les navettes ont monté plus de 4 000 personnes dans une ambiance très sympa.

Alors on peut rappeler le principe du festival, les récits du réel, avec de nombreux invités, des journalistes, des cinéastes, des photographes, qui sont au final des témoins, ils viennent raconter les histoires qu’ils ont vécu…

Marie-Pierre Subtil : Oui, on demande aux intervenants de ne pas faire des tables-rondes ennuyeuses mais qu’ils racontent des histoires qu’ils ont vécues. Ce sont des gens qui ont compris quelque chose et qui en rendent compte. Les journalistes animent des ateliers, construits autour d’une dizaine de thématiques, avec les invités qui ont préparé leur histoire pour la raconter. Ils conviennent ensemble, ce qu’on appelle dans le jargon professionnel, d’un “angle”.

Patrick de Saint-Exupéry et Marie-Pierre Subtil

Les thématiques sont nombreuses, vous avez constitué une équipe pour élaborer la programmation j’imagine ?

Marie-Pierre Subtil : Oui, on fait ça avec des journalistes de la rédaction des revues mais on a élargi aussi à des journalistes-amis parce qu’on était peu nombreux. On imagine ensemble des thématiques et après chacun voit qui il peut inviter.

Patrick de Saint-Exupéry : Je peux vous dire que c’est un énorme travail parce qu’il faut arriver à identifier des personnes qui ont non seulement une histoire à raconter mais aussi l’envie et la capacité de la raconter. Ça suppose beaucoup de brain-storming et après il y a toute la mise en place de ce programme, pour qu’il y ait une cohérence dans ce projet. L’organisation est d’ailleurs coordonnée par Sharlie Minette et Thibault Brugat-Dreux. Tout ça pour que les gens aient la possibilité de rentrer dans des univers, au travers d’histoires contemporaines, qui parlent du monde d’aujourd’hui.

“Le principe, c’est l’horizontalité. L’idée, c’est que le festivalier puisse boire sa bière en compagnie de l’intervenant, qu’il puisse taper sur l’épaule de l’auteur qu’il a lu et qu’il admire” Marie-Pierre Subtil

 

Parmi les thématiques, on a “Les conquérantes”, où on parlera des femmes, on a aussi une thématique “Lanceurs d’alerte”, “Sport”, on parle de “L’écran roi”… Le programme est extrêmement dense.

Marie-Pierre Subtil : On cherche à faire des thématiques qui parlent aux gens. “L’écran roi”, par exemple, c’est parce que je suis allée, avec Thibault (qui organise le festival à Autun, sur-place), rencontrer une classe de seconde, dans un des deux lycées d’Autun, et on a été très surpris par la déconnexion des élèves vis à vis de ce qui se passe dans le monde. C’est à dire que quand on leur a demandé ce qu’ils lisaient comme journaux, magazine, qu’est-ce qu’ils écoutaient comme radio, comment est-ce qu’ils s’informent, seulement 2 élèves sur 80 se sont prononcés.

Patrick de Saint-Exupéry: La question de fond sur ce thème c’est : est-ce que les écrans nous permettent d’avoir accès au monde ou est-ce qu’ils nous servent d’abord à nous représenter dans le monde. On voit que, chez les jeunes, les écrans permettent la représentation donc c’est très réflexif. Lorsqu’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, on s’aperçoit qu’aujourd’hui la majorité des jeunes sont dans cette construction et ça induit une fragilité car on ne se construit pas dans la représentation mais en se confrontant à la vraie vie, avec ce qu’on va échanger les uns avec les autres.

“Quand on a cherché un lieu pour le festival, on a visité Bibracte et on a été séduit.” Marie-Pierre Subtil

 

Donc ça, c’est un exemple des thématiques qui prendront place dans la ville d’Autun, parce que vous serez présents dans toute la ville, c’est ça ?

Marie-Pierre Subtil : Oui, le festivalier a une carte qui serait l’équivalent d’un menu au restaurant, il doit choisir. Par exemple, le vendredi il y aura un film projeté au cinéma mais, en même temps, une pièce de théâtre et dans huit autres lieux, d’autres thématiques.

Vendredi 13 et dimanche 15 juillet c’est à Autun mais le samedi on fait 20 petits kilomètres, en navette, et ça se passe à Bibracte.

Marie-Pierre Subtil : Quand on a cherché un lieu pour le festival, on a visité Bibracte et on a été séduit. Malheureusement, on a constaté qu’on ne pouvait pas mettre 4000 à 5000 personnes sans eau, ni électricité, pendant trois jours là-haut. Donc on est allé voir la ville la plus proche et on a décidé de faire le festival sur les deux sites. En terme d’organisation c’est compliqué à gérer, c’est comme si on organisait deux festivals en fait. Mais la journée à Bibracte est incroyable parce que tout le monde se retrouve dans la nature avec La Clairière des histoires vraies, l’Experimentarium de l’université de Bourgogne qui propose des activités.

Et même un tournoi de foot !

Patrick de Saint-Exupéry: Oui, oui, je pense qu’il faut parler de ça aussi parce qu’on apprend plein de choses mais c’est aussi festif. C’est trois jours où on croise plein de gens, il y a de la musique, on prend une bière sur la terrasse, on se promène…

Et les gens jouent le jeux, je me rappelle l’année dernière, on retrouvait les intervenants dans les différents ateliers, comme dans un village…

Marie-Pierre Subtil : Le principe, c’est l’horizontalité. Souvent dans les festivals vous avez le carré VIP mais nous on ne veut surtout pas ça. L’idée c’est que le festivalier puisse boire sa bière en compagnie de l’intervenant, qu’il puisse taper sur l’épaule de l’auteur qu’il a lu et qu’il admire et qu’il puisse jouer au foot avec lui en haut du Mont Beuvray.

 

Vous avez tous deux choisi d’installer le festival à Autun. Comment fait-on pour impliquer les acteurs locaux, la ville notamment, pour soutenir un tel projet ?

Marie-Pierre Subtil : Ça a été difficile, il faut l’admettre, on a senti un certain scepticisme. Pour favoriser l’intégration on a fait beaucoup, on tient à ce que les Autunois et les gens de la région puissent y participer, même s’ils ne peuvent pas s’offrir un pass. Donc il y a une grande partie de la programmation qui est en accès libre. Thibault a oeuvré à la participation des jeunes, avec un mouvement qui s’appelle La Zone d’expression prioritaire, qui fait travailler les jeunes déscolarisés, en amont, sur la question “Qu’est-ce que c’est que d’être jeune en milieu rural ?”, et ceux qui le voudront pourront venir témoigner, dans le temps prévu à la thématique “Debout les bourgs”.

“Ce que je vois avec ce festival, c’est qu’il y a une réelle dimension poétique. “ Patrick de Saint-Exupéry

 

Il y a les agriculteurs qui viennent aussi faire les cochons à la broche notamment, sur le Mont Beuvray…

Marie-Pierre Subtil: Oui oui, on fait tout pour que les festivaliers et intervenants puissent se restaurer grâce aux produits locaux donc les fermes, les éleveurs du coin sont sollicités et ce sont eux qui sont sur le Mont Beuvray et la Place du Champs de Mars pour proposer les repas.

Patrick de Saint-Exupéry : Et puis il y a les habitants d’Autun qui ont proposé des chambres aussi, pour accueillir des gens. La première année on s’apprivoise mais cette année il y a un état d’esprit qui se développe et qui est extrêmement profitable. Et puis aussi, ce que je vois avec ce festival, c’est qu’il y a une réelle dimension poétique. Lorsqu’on entend une histoire, il y a une poésie qui s’en dégage et c’est aussi la raison de la présence de l’artiste Gaël Faye. La ville d’Autun est magnifique, chargée d’histoire.

Marie-Pierre Subtil : Beaucoup d’Autunois sont venus nous voir à la fin et j’ai constaté qu’ils passent du temps à dénigrer leur ville, qui souffre, qui a connu les trente dernières années des fermetures d’usines, une hémorragie démographique, etc, donc l’image de soi n’est pas extraordinaire à Autun, et là, on a été très surpris, on est d’ailleurs restés quelques jours de plus à aller rencontrer les gens. Les Autunois nous disaient : “C’est incroyable, quand on a vu tous ces jeunes dans les rues, cet air de fête, la ville totalement animée, on a été fiers de notre ville et ça ne nous était pas arrivés depuis longtemps”.

 

  • Interview réalisée par Chablis Winston, également diffusée sur les ondes de Radio Dijon Campus

Photos : Page Facebook du festival, Raphael Helle.