Dans les tuyaux depuis Janvier en interne, le groupe Ciné Alpes (7ème groupe d’exploitation cinématographique français) propriétaire du cinéma Devosge a sifflé publiquement le 13 juin dernier la fin de la partie pour le petit cinéma d’art et essai dijonnais. Une décision officielle qui cloue au pilori de la précarité de l’emploi les salariés laissés pour compte dans l’affaire.

C’est l’annonce brutale et bien pourrie de ce début d’été à Dijon. Le 13 juin dernier sur les réseaux sociaux, le Centre d’information du droit du travail de Dijon annonçait la fermeture imminente du cinéma Devosge. Peu de temps après, les salariés du cinéma ont confirmé l’information au travers d’un communiqué de presse : « dernière séance le 30 juillet prochain » pour le mythique cinéma dijonnais aux cinq écrans ayant engrangé plus de 75 000 entrées en 2018. Une annonce de licenciement économique compliquée à digérer pour les salariés non reclassés qui appréhendent désormais leur avenir dans le flou le plus total.

Les salariés, dans leur communiqué de presse, dénoncent de manière véhémente les méthodes de leur employeur. Sur les quatre salariés du Devosge, deux seraient reclassés, les directeurs. « Aujourd’hui, c’est colère et tristesse ! » Thomas Gernay qui fait partie des salariés non reclassés est amer : « Aucune mesure de reclassement n’est envisagée, de même côté formation ». Le combat porte donc sur la lutte pour un reclassement des deux salariés qui se retrouvent sur la paille. Et si aucune solution n’est trouvée, alors le combat se portera sur l’indemnité de départ accordée aux salariés, pour que celle-ci soit supérieure à l’indemnité légale de licenciement. Pour eux, aucun biais juridique n’existe. Il confie tristement : « Pour nous, le seul moyen de faire entendre notre colère est la grève et la mobilisation ». Les salariés en lutte attendent en ce moment même de connaitre le positionnement des directeurs pour savoir si oui ou non ils soutiendront la grève (sans grande conviction). Pour l’heure, Cyril Jacquens, le directeur d’exploitation du cinéma qui lui serait reclassé au ciné Cap Vert, n’a pas donné suite à nos sollicitations, tout comme le groupe Ciné Alpes.

Joint par téléphone, Fabien Bauduin, président du Centre d’information du droit du travail à Dijon, qui s’intéresse de près au dossier, explique qu’au départ, les salariés voyaient en cette fermeture un lien concret avec la création de la Cité de la gastronomie prochainement à Dijon. En effet, en septembre 2016, le groupe Eiffage annonçait la création de deux cinémas au sein de la Cité de la gastronomie. Ciné Alpes et l’Eldorado avaient annoncé leur accord pour s’y implanter. Mais d’après les salariés, il semblerait plutôt que cette fermeture ait pour but de préparer le terrain et d’éponger les finances en vue d’une revente du groupe Ciné Alpes (propriétaire du cinéma). Selon Capital Finance, le circuit de salle de la famille Davoine (septième réseau d’exploitation français avec 4,27 millions d’entrées en 2018) « mènerait actuellement une réflexion sur son devenir capitalistique ». De bien grands mots pour dire que ça cherche à revendre, t’as compris. Apriori, plusieurs fonds d’investissement et industriels pourraient se porter candidat au rachat d’une partie ou de la totalité du groupe. Ce qui se dessine dans cette affaire, c’est que le petit cinéma Devosge ne rapporte pas assez aux yeux des gérants du mastodonte Ciné Alpes et quitte à revendre le groupe, autant se défaire des cinquièmes roues du carrosse qui feraient mauvaises figures devant les futurs acheteurs. Du pur néo-libéralisme qui pue bien comme il faut.

Dans la foulée les salariés ont annoncé plusieurs mobilisations de soutien en invitant les amoureux du cinéma dijonnais ainsi que les âmes sensibles à la cruauté actuelle du monde du travail. Oui, tout cela est légal mais qu’est ce que c’est moche sur le plan moral. On t’invite donc à te rendre vendredi 21 juin à midi au pique-nique organisé devant le cinéma. Il sera suivi d’une déambulation dans les rues de Dijon pour dire non à la fermeture du cinoche. Les salariés comptent également profiter de la fête de la musique pour s’offrir un peu plus de visibilité et appellent d’ores et déjà à une seconde déambulation le soir même à partir de 21h pour réaffirmer l’opposition à une fermeture du cinéma. Il se murmure également qu’il pourrait y avoir d’autres actions notamment du côté du Cap Vert (également propriété du groupe Ciné Alpes) dans les prochains jours.

  • Léo Thiery

Crédit photos : allocine.fr