Médiateur culturel à La Rodia, Nicolas Sauvage sillonne la région pour animer des conférences consacrées aux musiques actuelles. Au programme : pas de programme. Le Bisontin parle aussi bien de Kelis que de Coltrane ou de grime. Mais quel que soit le sujet abordé, il arrive en général à placer une petite anecdote sur les Jam. Rien d’étonnant à ce qu’il vienne de sortir un bouquin consacré à Paul Weller, fondateur du groupe et icône jamais passée de mod, outre-Manche.

C’est pas un peu casse-gueule d’écrire la biographie de Paul Weller, cet illustre méconnu en France ?

Je ne pense pas, parce qu’entre sa précocité, sa longévité et les mille facettes de son œuvre, il permet de se plonger au cœur de 40 ans de musique anglaise. A la fin de années 1970, il démarre en pleine période punk avec les Jam, qu’il n’hésite pas à saborder en 1982. Le groupe est alors au sommet et le split fait la une des JT anglais. Dans la foulée, Weller se tourne successivement vers la soul US, l’acid-jazz ou la house music, le tout avant ses 30 ans. Par la suite, il fera figure de parrain pour la vague britpop des 1990s. Plus récemment, certains de ses morceaux acoustiques font penser aux œuvres crépusculaires de Johnny Cash.

Tu oublies sa période reggae avec Bob Marley & The Weller, non ?

Déso. Et donc tu disais que le Paul a brassé pas mal de genres musicaux…

Oui, le large spectre qu’il a couvert en fait un artiste-clé. Cela dit, je ne souhaitais pas parler uniquement de Weller, mais également du paysage anglais qu’il traverse et dans lequel il joue un rôle de passeur. En fait, ce côté « larger picture » est le sujet principal du livre.

D’ailleurs, avec plus de 500 pages qui sentent le fish n chips, cette biographie est un vrai annuaire de la musique pop anglaise…

En effet, la liste des influences et des collaborations de Weller est hallucinante. Il a travaillé avec des musiciens aussi disparates que Robert Wyatt, Oasis, Death in Vegas ou Boy George. Boulimique sur un plan artistique, il s’est créé un monde à part. Au fil du temps, il aura aussi bien rêvé d’être John Lennon que Marvin Gaye. Finalement, il est resté lui-même, tout en affolant les charts anglais. Il a rempli 5 Wembley d’affilée et multiplié les 1e places. Bon, en 1982, le single The Bitterest Pill (I Ever Had to Swallow) doit se contenter de la 2e, derrière The Eye of the Tiger de Survivor. En 1980, il avait fait le même coup avec Start !, passé devant Ashes to Ashes.

La couv’ du bouquin

Justement, avec Weller, on pense au côté transformiste de Bowie, sans la win niveau carrière…

Chez Weller, le changement est plus lent et donc moins spectaculaire qu’avec Bowie. On a quand même une pensée pour les fans des Jam qui se sont retrouvés face à un gars qui a laissé tomber le costard étriqué pour le combo « petit pull sur les épaules & coupe blond platine » de sa période Style Council. Niveau succès, c’est vrai que Weller n’a jamais eu de plan de carrière. Il connaît d’ailleurs une belle traversée du désert. A son crédit, ajoutons qu’il n’a jamais mis de barrière entre son travail, son époque et son public. Par exemple, un de ses fans français, qui traînait à côté d’un studio d’enregistrement, a été invité à poser sa voix sur Sound Affects.

Si Weller était originaire de BFC, il serait d’où ?

Pour sa période Jam – du rock prolo, en banlieue de Londres –, on pense à Dasle, à côté de Montbé. Ensuite, sa séquence plus sophistiquée « Soul-funk/petit pull » l’emmène plutôt vers Dijon. Pour ses chansons récentes « guitare / voix », on pense à un coin paumé. Et ça, c’est pas ce qui manque dans la région.

Pour quelqu’un qui ne connaît pas Weller, tu aurais des titres à recommander ?

C’est chaud. Avec lui, il faut aimer se laisser surprendre. Weller propose quelque chose de neuf à chaque album, même s’il y a parfois des faiblesses. Récemment, il a commis un truc qui aurait pu représenter la RFA à l’Eurovision 1979. Mais c’est le lot de l’expérimentation perpétuelle. Par exemple, son dernier disque est sorti il y a neuf mois, mais il joue déjà de nouveaux morceaux en tournée. Weller, c’est un artiste qui, pour moi, se bonifie avec le temps. On est loin d’un Morrissey qui s’est transformé en vieille dame aigrie, n’ayant plus rien sorti de potable depuis des années.

  • Ryan Riesling

Le plein de classe anglaise : Live from a window, Paul Weller et l’Angleterre pop, aux éditions du Camion Blanc (532 pages, 32 €)

Banco ! Banco ! Banco ! >>> Le top 5 Weller de Nicolas (même si, on l’a compris, c’est chaud-bouille)

Man In The Cornershop, The Jam

My Ever Changing Moods, The Style Council

No Tears To Cry, Paul Weller

Down In A Tube Station At Midnight, The Jam

Into Tomorrow, Paul WellerE

Super ! Super ! Super ! >>> Notre top 5 des morceaux entendus dans le salon de Nicolas pendant l’interview

This is England, Kano

Walkin’, Ocean Wisdom

Walk This Way, Fliptrix feat. Buggsy

Stacy’s Mom, Fountains of Wayne (et ouaie)

Night Shift, Lucy Dacus