Il est parti de rien et a désormais son propre domaine dans lequel il a déjà produit plus de 13.000 bouteilles. Sa toute première cuvée fait l’unanimité. Nicolas Delgutte, 28 ans, ancien serveur du mythique Donald’s Pub à Nevers, nous emmène dans son histoire de jeune vigneron prêt à tout pour faire valoir les terres bourguignonnes.

Tout a commencé enfant, au Domaine de la Coquillerie, désormais devenu le nom d’appellation de ses premières bouteilles. Quand il se remémore ces journées d’antan passées au haras familial, Nicolas Delgutte ne peut s’empêcher de s’émouvoir. C’était les premiers rayons de l’aube qui cognaient sur une tête juvénile, des froids secs à courir à travers champs, l’odeur du cuir tanné dans les écuries, le sourire malicieux d’un grand-père campagnard qui aimait échanger une bonne bouteille de vin contre quelques lapins. C’était les expériences chimiques d’adolescent avec son acolyte fraternel, achetant des sauts de brassage sur Internet en espérant vainement faire de l’ombre à tous les brasseurs de la région. C’était les prémices d’un amour envers le terroir pour lequel Nicolas Delgutte s’est adonné depuis 2017. « La synthèse de ces deux souvenirs m’ont donné envie de me lancer dans le milieu viticole pour toujours ». Ces souvenirs sont désormais mis en bouteille sous le nom du fameux « Domaine de la Coquillerie ».

« Il y a deux choses qui m’animent : le travail de la terre d’un côté et la fête qu’induit l’alcool ».

C’est en commençant par de la médecine que Nicolas finira… dans le vin. Après avoir essayé d’apprivoiser scalpels et blouses blanches, il préfère s’inscrire au lycée agricole de Beaune. « Durant deux ans, j’ai découvert le vin, le travail de la vigne et j’ai été entouré de gens passionnés par le métier ». Après de nombreux petits boulots dans le milieu, c’est en Nouvelle Zélande que ce jeune passionné affine son palet. « La viticulture néozélandaise est très récente, elle a une quarantaine d’années. Là-bas, les vignerons font tout un tas d’expérimentations dans les vignes, dans les caves… C’est passionnant ! ». De la taille de la vigne à la mise en fût de vin rouge, Nicolas s’éduque habilement aux côtés d’experts. A son retour en France, il s’exerce durant deux ans dans les vignes de la région, notamment à Pommard. Avide d’expériences, il ne lésine pas sur les moyens d’expérimenter tous les métiers qui touchent de près ou de loin à l’alcool. Nicolas devient alors l’un des serveurs emblématiques du Donald’s Pub de Nevers. « Il y a deux choses qui m’animent : le travail de la terre d’un côté et la fête qu’induit l’alcool ».

Nico et son labrador // crédit photo : Stéphane Ebel

Après ces nombreuses expériences, l’opportunité de reprendre des vignes dans sa région se présente à lui. C’est « tête plus que baissée » que ce jeune passionné se lance alors dans l’exploitation de ses parcelles du côté de la Charité-sur-Loire, « une toute petite appellation dans la Nièvre ». Depuis novembre 2017, Nicolas exploite quatre hectares de vignes. Certaines à Chanay, Saint Lay et Nannay. Perdus entre de petits villages pittoresques bourguignons et la majestueuse forêt des Bertranges, il entretient ces douze petites parcelles, « une partie en location et l’autre en achat », accompagné de sa mascotte, une jeune labrador. Les débuts ont été vécus avec beaucoup d’appréhension et de solitude. «  La première année, on cultive, la deuxième on vinifie, et au début de la troisième on lance les bouteilles. C’est extrêmement compliqué d’expliquer qu’on fait du vin sans rien n’avoir à proposer au départ ! ». Difficile d’être pris au sérieux et de gérer l’impatience des nombreux Bourguignons curieux de savoir ce que vaut le « jeune Delgutte ». Durant deux vendanges, Nicolas s’est infligé une rigueur perfectionniste dans les vignes comme dans les caves. « J’apprendrai toute ma vie mais je veux absolument être au maximum de mes capacités ! Par exemple, je n’utilise pas d’herbicide, ce qui implique de labourer d’avantage ». Dans les premiers temps, il isole ce qui lui plairait à mettre en bouteille. Ce sera du rouge (vigne de Pinot noir) et trois blancs (deux Chardonnay et un pinot Beurot) qui reflètent à la perfection le terroir et ce qu’ont à raconter ses exploitations d’une vingtaine d’années.

Connu comme le loup blanc à Nevers

Lorsqu’il part dès 7h du matin dans ses vignes, il repense aux mentors que sont ses camarades de promotion au lycée agricole de Beaune « Adrien, Lucas et Louis ! On allait souvent au Bar du Square à Beaune. On buvait tout ce qu’on pouvait et on apprenait tout ce qu’on pouvait également. J’ai beaucoup évolué à leurs côtés, ce sont des gens extraordinaires ». Avec toute l’humilité qui le représente, Nicolas se confesse sur ces modèles que sont finalement ses amis, tout comme ceux qui sont à l’œuvre dans la fabrication de son logo : Jonathan Omar et Lionel Salazar. « On s’est rencontrés au Donald’s Pub, on a travaillé ensemble derrière le comptoir. C’était primordial de faire travailler des copains. L’avantage c’est que les réunions étaient souvent très arrosées ! ». Ces deux designers neversois, Döppel Studio, désormais installés à Paris, ont créé un logo minimaliste représentant « les pas d’un trotteur vus du haut ». Élégance, raffinement, hommage au haras familial : un sans faute.

Question commercialisation, Nicolas se déplace seul pour le moment pour livrer ses commandes. En attendant la mise en place d’un site Internet, ses bouteilles sont mises en vente chez les cavistes neversois, notamment chez Pierre Chevrier à La Maison du Vin. L’objectif prochain est de se mettre en relation avec des agents de vignerons afin de travailler également avec la restauration. Léo Lipowski du Bar le Continental se réjouit de cette nouvelle. «  En tant que barman, ça me fait bien plus que plaisir de voir cette réussite et j’ai hâte de travailler avec lui ! ». Nicolas Delgutte se montre ambitieux et dit vouloir également s’exporter à l’étranger car il détient entre ses mains certes une petite exploitation, mais qui porte le nom d’une grande appellation. « Au moyen-âge, les côtes de la Charité se sont ultra développées jusqu’à la crise du phylloxéra qui a ravagé l’ensemble du vignoble français. Relancée aujourd’hui, elle intéresse même de grands vignerons de Sancerre ou Pouilly qui viennent s’y implanter. Mon but est de contribuer d’autant plus à ce développement ».

‘’Nico’’, c’est aussi et surtout le loup blanc de la ville de Nevers. « De mon voisin à ta cousine éloignée, tout le monde le connaît ! » assure un ami de longue date, Lewis Bicquand. Du skate parc de Nevers qu’il a rodé étant plus jeune jusqu’aux vignes de Beaune, la Bourgogne, ça le connaît. C’est par ses valeurs familiales, son attache au terroir, à sa région et aux gens qui la peuplent, que l’enfant du coin séduit. « Je suis déjà quasiment comblé par l’accueil qui m’a été réservé avec ces premières bouteilles. Mais si on veut me souhaiter quelque chose, alors ce serait de belles dégustations avec des copains, c’est le plus important. » Santé !

  • Victoire Boutron // Photos : Stéphane Ebel ; Illustration : Anthony Gralhien