Ils font un max de scènes, tâtent de la planche, enchaînent les dates, comme s’ils fuyaient quelque chose. En cavale ? In Love ? Ils ont trouvé le temps de sortir un projet, d’assurer les premières parties de Last Train et d’être sélectionnés pour les Inouïs du Printemps de Bourges. In Love à la ville, furieux sur scène, discussion avec Bandit Bandit.

Là vous enchaînez les dates, est-ce que c’est des moments qui donnent envie de créer, sur l’instant, en bricolant ?

Hugo : Franchement en tournée, on n’a pas le temps du tout. 

Maëva : Et quand on a du temps, on dort en fait… Généralement on rentre à l’hôtel vers 2-3 h du matin. Le petit dej est autour de 8h. Autour de 10h tu repars, tu arrives ailleurs, tu t’installes, tu fais les balances. 

Hugo : Le peu de temps qu’on a c’est pour visiter la ville, se poser un peu. La création c’est mieux à la maison. 

Maëva : Quand je suis avec mon chat, en pilou-pilou, ça n’a rien de rock. Lui il écrit le matin et moi le matin, je dors. 

Hugo : En plus on est très impliqué dans l’installation, dans la gestion du projet, des interviews. On est contents de le faire, mais ça demande beaucoup de temps. 

Vous vous donnez sur scène, il y a une vraie énergie, Bandit Bandit, sans la scène, j’ai l’impression que ça serait dommage. 

Hugo : C’est vrai. Et ça fait partie du rock en général. C’est une musique spontanée, qui se vit sur scène. Les albums sont un prétexte en fait. Même si on aime le studio. 

Maëva : C’est marrant, il y a des gens qui viennent nous voir en nous disant “Moi j’ai écouté votre ep, j’ai trouvé ça un peu trop propre, presque trop sage, alors que sur le live, il y a ce truc complètement crade.” Qu’ils étaient surpris de la dimension que ça prenait sur scène et qu’ils préféraient. 

Est-ce que vous pensez que le succès de Bandit Bandit ça tient aussi à l’histoire particulière qui vous lit et que vous racontez ? 

Hugo : L’histoire du groupe, elle est clairement liée à ça. Sans elle, le groupe n’existerait pas. Pour moi c’était une idée de merde faire ce groupe, et elle pense pareil. 

Maëva : Le story telling, c’est effectivement une sorte d’alignement des planètes. Je me rappelle la première qu’on a raconté en interview qu’on s’était rencontrés sur tinder, les gens étaient choqués. 

Hugo : Depuis qu’elle a dit ça, tout le monde en parle. 

Maëva : C’est surtout une histoire d’aujourd’hui. On est en 2020. On ne rencontre plus vraiment les gens. 

Hugo : Notre ep parle beaucoup de notre rencontre avec Maëva. Le titre Pixel parle clairement de Tinder. Je trouve ça cool que ça soit des histoires d’amour modernes. Le groupe sans cette histoire, il aurait pas la même dimension ni la même sincérité. Tout coule de source. C’était une connerie de le faire à la base, mais c’était plus fort que nous. Quand tu sens un truc au fond de toi, même s’il y a des risques que ça parte en couille, il faut le faire. 

Maëva : C’est comme notre couple en fait. Maintenant ça fait 5 ans qu’on se voit. Je me rappelle quand je parlais de lui à mes copines. Je racontais cette histoire avec lui. On se faisait du mal. Moi j’ai eu des gros problèmes d’addiction. On s’est sauvés mutuellement. les gens autour de moi me disaient que cette affaire ne marcherait jamais. J’aurai jamais parié un centime sur notre histoire le jour où il m’a accosté sur Tinder. Au final, il y a toujours eu ce truc qui te pousse à t’accrocher même si ça te fait mal et que ça ne va pas du tout. Un truc qui s’explique pas. Viscéral. Maintenant que ça va mieux c’est trop cool, et j’ai l’impression que les années dures valent 20 ans. Bandit Bandit c’est un peu une synthèse de tout ça. 

C’est qu’on pouvait faire de plus beau. La musique a toujours été au centre de notre relation. 

On s’est beaucoup reconquis par la musique. 

C’était soit un gamin, soit ça. On a ce chat qui s’appelle Zézette, et le groupe. 

C’est vrai qu’on dirait un story telling dingue et inventé, mais ça s’invente pas en fait…

Hugo : C’est vrai que beaucoup de gens n’y croient pas. Comme notre manager qu’on a rencontré dans un covoit pour aller à Bourges. Après, aller à Bourges au moment du Printemps, c’était pas innocent. Mais avec Maëva, on croit beaucoup au signe, au destin. 

« On s’est beaucoup reconquis par la musique. »

J’ai l’impression qu’il y a un besoin de nouveauté sans cesse renouvelé dans le projet, que vous pouvez vite vous ennuyer. Qu’est-ce que vous essayez de réinventer ? 

Pour la scène, le premier concert était en avril 2019, donc on cherche encore plein de trucs, parce que c’est pas si vieux que ça. 

Je vous ai vu au Mama et c’était pas du tout la même chose…

Maëva : Ah bah tant mieux, ça fait plaisir ! Nous on se rend pas compte. Antho, notre batteur a tourné avec Citizen Kane, rien à voir, Harry, et Hugo se connaissait depuis longtemps et avaient eu un groupe ensemble alors que moi Harry c’était juste un pote. On devait apprendre à se connaître. 

Hugo : Il a fallu qu’on se cherche et qu’on se trouve sur scène. Même nous, deux, entre nous, c’était particulier. 

Maëva : Oui au début je me raccrochais vachement à lui, c’était mon repère, si jamais je me sentais pas bien. 

Hugo : Donc oui, sur la scène, maintenant on se pose plus trop de question, c’est spontané. Pour ce qui est de la création, je suis complètement dans ce que tu viens de dire, on parlait de ça tout à l’heure avec Campus. On est au stade où on s’interroge sur la continuité des chansons entre elles, pour la suite. Là on a un ep, et évidemment qu’il y aura un album. Sinon on jouerait que 10 minutes sur scène. J’aime me dire que c’est comme un livre, là il y a cet album qui est terminé, et ensuite il faudra créer autre chose. Il est évidemment qu’on va pas reproduire la même chose. 

Maëva : On a le temps là. On va tourner avec l’ep là en 2020. En 2021 on verra pour l’album, et un album c’est 2 ans de tour. Donc a 3 ans devant nous. 

Hugo : C’est sur. Ce qui compte c’est de changer les repères, de ne pas rester sur les acquis. Pour moi c’est ça l’art, la création, c’est ça qui stimule. 

« Choquer pour choquer, s’il y a pas de vrai discours derrière, ça fait chier. »

Qu’est ce que vous trouvez transgressif ? Dans l’art, dans la vie, partout. 

Maëva : Choquer pour choquer, s’il y a pas de vrai discours derrière, ça fait chier. Il faut que ça soit authentique. 

Hugo : Il suffit pas d’être dans la transgression pour être entendu. Je crois que c’est un mot qui ne me parle pas vraiment. 

Maëva : On est en France, on a un maximum de libertés, on peut évoluer comme on l’entend. Quand j’entends “transgression”, je pense à des pays qui ne peuvent pas jouir de toutes ces libertés. 

Dans l’idée, on doit plutôt remercier et soutenir les artistes qui, au péril de leur vie, produisent de l’art et finissent en prison. 

Hugo : On se demande souvent si l’art, la musique, sont utiles. Moi je sais qu’elle m’aide à m’évader plus qu’elle ne m’empêche de mourir. C’est comme ça que j’aime me dire que les gens vont découvrir Bandit Bandit. En allant voir un concert où ils lâchent prise malgré leur problème. On veut leur dire “venez on s’en branle. Lâche toi avec nous.” On veut des moments de récréations de la vie. 

Et vous vous dites que la musique vous a sauvé de pas mal de choses…

Hugo : Oui mais c’est très personnel. 

Oui mais après les gens s’en emparent c’est le fameux intime qui devient universel 

Hugo : Oui, exactement. C’est marrant j’étais fan de Kurt Cobain, parce que je me retrouvais dans son histoire avec ses parents divorcés. Il y a sûrement des gens qui se disent qu’elle est marrante notre histoire, mais je me sens pas utile comme plein d’artistes qui nous précèdent. On est des putains de bourgeois, tu vois ce que je veux dire. On a un toit, on mange, on n’est pas à plaindre. 

Maëva : C’est une autre époque aussi. 

Hugo : Oui. D’ailleurs, il n’y a pas de hiérarchie de la galère ou de la tristesse. 

La bohème est plus installée aujourd’hui, ça c’est sur. 

Maëva : De toutes façons, je pense que de base, les groupes de musique qui perdurent aujourd’hui, Sex, drogue et rock n’roll, c’est bien gentil, mais tranquille. 

Hugo : Tu vois les Psychotic Monks ? C’est des amis. Eh bien eux, avant de monter sur scène, ils sont timides, ils jouent à des jeux de société et ils boivent du thé vert. Mais sur scène, ils dégagent une énergie incroyable. Je suis persuadé que plein de gens dans la salle doivent être persuadé qu’ils prennent des trucs. 

Maëva : Il y a toutes les idoles avec lesquelles on a grandi, le club des 27 etc. Moi ça me fait pas rêver de mourir à 27 piges. J’ai pas du tout envie de ça, même si j’adule ces gens. 

« Moi ça me fait pas rêver de mourir à 27 piges. »

Hugo : C’est ça du storytelling de merde. 

Maëva : C’est des gens qui avaient besoin d’aide, et qu’on a livré au star system. Aujourd’hui, dans le monde de la musique, on a la chance d’avoir une vraie prise de conscience sur la santé des musiciens. En France, ou en Angleterre, où ils n’ont pas des choses comme l’intermittence. Il y avait un grand nombre de suicides. Maintenant les musiciens sont très entourés. 

Hugo : Là, on est au Chantier des francos. J’avais jamais vécu quelque chose comme ça. Là, il y a une personne qui est naturopathe. On aurait jamais songé à se tourner vers ce type de personne. C’est une nouvelle approche de la musique. On en parle beaucoup du rythme de tournée, tiraillés entre la fatigue et l’after. Là on a beaucoup de date, le corps fatigue, il faut garder le moral et se tolérer. 

Maëva : C’est vrai que nous on s’est rajouté le couple. Quand on rentre de tournée, on est ensemble à la maison. 

Hugo : On en parle beaucoup avec les gars de Last Train, à Lyon. Ils tournent beaucoup eux aussi et c’est cool d’être compris. C’est particulier la tournée. Notre manager raconte souvent l’histoire d’un sondier. Sa femme le comprenait pas, elle pensait qu’il faisait la fête tout le temps. Il l’a emmené avec elle en tournée et elle est vite rentrée. 

Maëva : On fantasme beaucoup sur la tournée en fait. Même moi, quand Hugo partait avec ses autres groupes. Je me disais qu’il sortait tous les soirs jusqu’à 8h et qu’il niquait des gonzesses dans tous les sens. Mais en fait pas du tout. Ils sont entre mecs dans le van, ça pue. Il y a rien de glamour. 

Je trouve qu’il y a un côté très littéraire chez Bandit Bandit, ça tient à quoi selon vous ? 

Hugo : Tu vois moi je lis vraiment pas beaucoup. Mais j’écris beaucoup depuis toujours. Je ne sais ce qui m’inspire. Maëva dit que j’ai une façon d’écrire. Quelques mimétismes attrapés à droite à gauche. Un jour j’ai croisé un mec à Nîmes, Nicolas Rey, je l’aime beaucoup, mais je crois pas avoir la même façon d’écrire. 

Maëva : Il inspire indirectement, c’est notre petit Bukowski français, fatigué de la vie mais romantique à souhait. 

Hugo : Sinon pour l’écriture peut-être encore Nirvana. C’est des chansons que je vais passer ma vie à décortiquer. 

Maëva : Et moi, je suis beaucoup dans les essais philosophiques féministes en ce moment. Sorcières récemment (Mona Chollet, ndlr) et Des hommes justes (Ivan Jablonka, nldr). Je suis à fond là dedans. Et je me dis que c’est cool, quand même d’être une fille dans un groupe de mecs. Là, à GéNéRiQ, il y avait Otoboke Beaver, ça fait un bien fou. Je pense à Décibelles aussi. Le rock reste encore très masculin en vrai. Il en faut plus. Il faut bousculer tout ça. 

Souvent, à la fin des concerts, des filles viennent me voir et me dire merci. La dernière fois c’était au Trianon, une fille est venue me dire que depuis 15 ans elle était bassiste, dans sa chambre, et qu’elle osait pas passer le cap de la scène. 

  • Propos recueillis par Arthur Guillaumot dans le cadre du festival GéNéRiQ, au Consortium // Photos de couverture : Pierrick Finelle pendant GéNéRiQ // Les autres photos : Théo Sauvage