Alors aujourd’hui, planquez les enfants pasqu’y’a vraiment rien pour eux. Et pourtant, on va parler bédés illustrées comme on disait jadis. Tiens, comme on disait, au début, pour parler des bédés de Roberto Raviola alias Magnus. Ahhh… je vois qu’il y a des connaisseurs sur ce site, comme Pierre-Olivier Bobo (le boss de SPARSE.fr)… j’en doutais pas !

Pierro le connait sans doute pas seulement pour son Alan Ford, hein, publié en France dans les années 75 et édité en italie à la fin des années 70. Bédé parodique qui mettait aux prises un anti héros avec un monde d’espions et qui, à l’époque, avait fait un tabac de l’autre coté des Alpes. Nan, Pierro ou toi lecteur, peut-être te souviens-tu mieux d’une précédente réédition : Les 110 Pilules, hein gros coquins… ne rougissez pas ! Rappelez-vous l’histoire du riche Hsi-Meng Sen qui avait reçu d’un moine 110 pilules qui… qui… décuplent… la force sexuelle !

Là, dans cette nouvelle publication, au titre déjà tout  afriolant – L’internat Féminin et Autres Contes Coquins – vous trouverez encore votre con-(m)pte. Alors, moi j’vais vous l’avouer, j’ai pas, comme l’ami Pierro, lu énormement de bédés de fesses. Ben oui, c’est comme ça… et je découvre quoi là ??? Un type capable de vous dessiner à merveille un corps féminin plein de courbes et de volumes.

Des déesses, en noir et blanc, aguicheuses et appétissantes qui croisent, sous le génie du dessinateur des persos – comment dire sans être mal compris ? – enfantins, nan ça va pas, mais caricaturés, croqués comme dans des bédés d’enfants, des illustrés à pas chers. C’est pas compliqué : un moment j’ai cru que Donald était en train de se taper la princesse ensorcelée ! J’vous assure ça fait un drôle d’effet. Autre moment étrange dans ce ping-pong des références : le médecin, dans l’histoire de l’internat. C’est, je vous assure, une tronche de manga avant l’heure. Le type à tout : la même tronche, mêmes lunettes, mêmes gouttes de sueurs, même calvitie, même regard lubrique, mêmes attributs qu’un Tortue Géniale et consorts de bédés nippones.

Alors Magnus, vous l’aurez compris, dessine à merveille ses contes érotiques et fait forcément, parce-que c’est efficace, monter le désir d’une page à l’autre, mais surtout brouille d’une main agile les pistes, les genres et les esthétiques. Pour terminer avec cet Internat Féminin et Autres Contes Coquins… j’ai découvert que Magnus était le premier à dessiner en gros les bites. Visiblement dans la profession, ça se faisait pas trop, sûrement le dernier rempart moral. Vous imaginez la situation du mec en train de dessiner des boulards et qui se dit genre « ah, nan, ça c’est pas possible, si maman voit ça… », et là croyez moi, Magnus ne s’en prive pas ! Hein, Pierro…

Autre livre, pas pour les enfants, mais qui se lit à deux mains : Coeur de Glace. Attention exclu, le livre sera dans le commerce seulement à partir de vendredi ! Mais dès aujourd’hui, notez que vous devez le lire. Là encore, on est dans un genre perverti : un magnifique conte cruel, dessiné comme une maison de poupée. On se croirait dans un livre du XIXème, avec des personnages aux visages poupons, des ogres méchants et en guenilles, des animaux qui parlent et une sorcière vicieuse et perfide.

Dans Coeur de Glace, ça commence très mal : une fillette se fait enlever par des ogres. Elle est à deux doigts de passer en casse-dalle quand une p’tite ogre décide d’en faire son amie. Elle s’en occupe, passe du temps et noue un semblant de lien d’amitié. La petite fille tient sa survie de son histoire. Tous les jours, comme dans les 1001 nuits, elle raconte son parcours et pourquoi elle se trouvait dans la forêt, à la recherche de son ami disparu, enlevé par la reine de glaces. Assez vite, avec la complicité de cette ogresse, elle s’échappe pour continuer son aventure mais tombe entre les mains d’une vilaine sorcière qui tentera tout pour la transformer en plante…

Dis comme ça, c’est un conte simple et enfantin sauf que… sauf que… Pion au dessin et Marie Pommepuy au scénar’ détournent le genre pour nous plonger dans une atmosphère non pas féérique mais cauchemardesque. Les couleurs diaphanes tirent sur le noir, les lumières sont des halos et les clairs-osbcurs servent de ligne de fuite.

On croisera ici un cheval à moitié éventré, une girafe prisonnière au cou voûté, un enfant-plante écorché vif pour réussir sa fuite, des corps humains décharnés, des enfants cruels… Mais la morale reste sauve et c’est ça qui évite au bouquin le naufrage. Pervertir un genre est facile : suffit de mettre les méchants à la place des bons, ça donne au mieux une comédie. Mais déplacer les codes, rester dans le conte, l’univers faussement enfantin, juste ce qu’il faut pour y croire sans être grotesque, ça c’est fort !

Pour ceux qui avaient aimé en 2009 Jolies Ténèbres, vous retrouverez cette atmosphère étouffante et géniale dans Coeur de Glace et pour cause, Pommepuy est la moitié du duo Kerascoët ! A lire, à lire et à lire… bouquin forcément en sélection dans un an à Angoulême, la sélection 2010 étant close.

L’Internat Féminin et Autres Contes Coquins – Erotix, Delcourt – autour de 15 euros

Coeur de Glace – Long Courrier, Dargaud  – 15 euros

Retrouvez la chronique BD de Martial sur les ondes de Radio Dijon Campus tous les mardis à 8h40 et vers 12h20.