Aujourd’hui, je vous parle pas de livre en particulier, pas de bédé… mais du président. Alors, j’en entends qui ricanent… c’est pas une chronique politique (quoique) où je reviendrais sur « notre président bien aimé à tous » Nicolas – bon ami des dictateurs du maghreb, de Ben Ali à Kadhafi –  et ses voeux à la presse, aux ambassadeurs et aux restes du monde. Vous avez entendu, l’autre jour, que quand il veux il parle tout doux, tout gentil… fini la gloriole du « casse toi pov’ con » et autres « pédophile » aux journalistes. Vous me direz, à Dijon, c’est un autre style, c’est plus bricolo et moins verbal, on dévisse les roues de voitures des journalistes quand ils enquêtent sur ce qui gêne ou quand ils remuent trop fort…

Bref, pas de politique ici, sauf que le président du jour dessine des rapports sociaux, croque la banlieue, le lumpenprolétariat, les paumés ou les losers. Notre président du jour c’est Baru, le président du festival d’Angoulême qui démarre jeudi. Alors Baru, clairement, c’est pas l’auteur le plus connu de ces 20 dernières années. Bien moins que des Margerin, Bilal, Sfar et autre Sattouf, malgré un prix du meilleur 1er album et deux du meilleur album de l’année glanés à Angoulême depuis 1985 .

Mais la présidence d’Angoulême sert à ça… rééquilibrer les choses. Ca fait 20 piges que dans son p’tit coin de l’est de france, à Nancy précisément, Baru travaille son oeuvre et ses thèmes. Avec lui, pour être très clair, c’est l’anti-sarkozy qu’Angoulême honore. Un président qui aimerait le rock mais considérerait le hip-hop, aiderait les sans-papiers, serait pote avec les prolos et vomirait les riches. Et surtout, comble de la présidence branchée, il serait… discret. Talentueux et discret, vous voyez un peu le truc.

Comble du comble, notre prez’ Baru est le sosie français de Jim Jarmush. C’est aut’ chose que De Funès… Chez Baru, toutes les bédés sont ancrées (encrées ?) dans un terroir social fort et souvent émouvant. Dans sa petite vingtaine de bouquins sortis jusqu’à présent, ça sent le cuir de prolo, la crasse de l’O.S ou l’envie, la crainte de l’ascension ou du déclassement social, c’est selon. Mais, même dans ses bédés les moins réussies, tout ce contexte, ces typologies, cette lutte de classe sont au service de l’histoire. On n’est pas dans de la bédé cégétiste, hein ! Baru, bien que sympatisant et pratiquant de Pif le Chien, travaille des histoires et des climats sombres de polar et de petites frappes. Comme dans son dernier bouquin, Fais péter les basses Bruno, qui met aux prises une vieille équipe de casseurs pré-retraités à la nouvelle école issue des banlieues. Papys rangés et pantouflards contre merco benz benz. A l’arrivée, tout le monde se fait enfler !

Ca aurait pourtant été plus « facile » de faire gagner les vieux roublards à l’ancienne, moraux et courageux face à ces jeunes vicelards et têtes brulées. Facile, oui, mais sutout pougado réac’… Alors, entre nous, Fais péter les basses Bruno est un bon bouquin mais le scénar’ est quand même très linéaire et, malgré le succès de librairie (la 1ère edition a assez vite été épuisée), c’est peut être pas le bouquin par lequel faudrait commencer son Baru.

J’vous propose plutôt Pauvre Zhéros, roman graphique, social, où deux losers finissent par balancer une grenade dans un internat, orphelinat, camp de redressement à l’ancienne… sur un scénar’ de Pierre Pelot. Truc très noir mais très drôle et qui vise juste (avec la grenade). Dans le même genre, L’Autoroute du soleil : 500 pages de pur road trip qui pousse entre les balles et sur l’asphalt un gonz sortant de prison contre ses anciens part’naires et qui devient papa, éducateur malgré lui. Ou sinon, pour terminer, L’Enragé, ou la gloire par la boxe et la déchéance par l’orgueil et le flouze. Avec un petit loulou de banlieue devenu tête de gondole et flambeur. Histoire à la Scarface.

Graphiquement, parce que c’est quand même du dessin, Baru lorgne vers la caricature, avec un dessin rond empathique dans lequel le mouvement a son importance… voiture, fuite, coup de poing ou explosion. Caricature ok, mais pas simpliste, genre le perso principal de L’Enragé est blanc bien que banlieusard et pote avec les renois du quartiers.

Et puis, Baru c’est aussi de la musique dans les images. Et comme on a l’âge, pas seulement l’âge de ses artères mais aussi, et surtout, celui de ses tympans, Baru coordonne pour Angoulême un coffret 2 CD sobrement appellé Rock’’n’Roll Antédiluvien et commenté ainsi par notre nouveau président : « 31 tueries. 50 ans d’âge. Dédiées à toutes les buses qui n’’auraient pas encore remarqué que bande dessinée était l’’autre nom du rock’’n’’roll ». Baru président  ? Yeah man ! Mais ça dure que 4 jours ! Dernier rappel avant Angoulême ? Quay d’Orsay est très bien, Omni-Visibilis est une sombre merde, Pour l’Empire c’est bon, Belleville Story c’est joli, Château de Sable c’est bien aussi, et Asterios Polyp et Les Derniers jours d’’un immortel sont paraît-il très bien. Et les résultats, c’est dimanche !

Nota Bene : notre ami et dessinateur dijonnais Mr. Choubi sera en dédicace à Angoulême. Bon courage et joyeux excès. Tu nous fais un beau p’tit report sur ton blog ?

Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême : www.bdangouleme.com

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