Alors que la rentrée musicale est globalement assez pauvre, entre gros succès à venir (M83, Lana “check ma bouche” Del Rey) et albums moyens (Clap Your Hands Say Yeah, Watch The Motherfuckin’ Throne), certains s’en sortent pas trop mal, voire très bien : The Rapture, The War On Drugs, Sallie Ford & The Sound Outside. En plus, tout le monde s’en fout de la musique et passe son temps à liker “Bref” sur facebook et à googler les photos “cadeaux des dieux” de Scarlett Johansson.
Au milieu tout ça, il y a quand même un album dont on a peu parlé mais qui vaut vraiment le détour : il s’appelle Family And Friends et est l’oeuvre de Serengeti, alias David Cohn, MC de Chicago. D’abord, ça fait plaisir de voir que les types d’Anticon peuvent encore sortir des albums qui respectent leur son, fait en famille avec ceux qui ont fait l’histoire du freak achipé californien : Advance Base (ex Casiotone for the Painfully Alone) et Yoni Wolf (ex cLOUDDEAD et actuel Why?) se sont partagés la production des instrus. La prod justement est soignée, entre ligne de guitare discrète et beat posés. On reconnait parfois la voix de Yoni, les claviers hypnotiques font mouches (The Whip, PPMD), le tout est sobre mais loin d’être insuffisant.
Entre la science de la mélodie lo-fi de chacun, le flow et les lyrics de Serengeti sont les vrais guides de l’auditeur dans ce qui est le premier vrai album de David Cohn, après des productions DIY depuis presque 10 ans. Si Serengeti sonne comme le nom d’un arrière gauche pourri du PSG qui fait une pige d’un an sur prêt de Palerme, Wikipedia m’apprend à l’instant que c’est le nom d’un parc en Tanzanie. David Cohn n’en a surement rien à foutre, tant son flow nonchalant mais ciselé peut s’adapter aux différentes ambiances entendus sur Family and Friends : bordel minimaliste sur Ha-Ha, beat badass presque gangsta sur Long Ears…
Kayne écrivait dans Jesus Walks : “You know what the midwest is? Young and Restless, where restless niggas might snatch your necklace. And next these niggas might jack your Lexus”. Aussi puissant et génial soit monsieur West, Serengeti nous emmène dans un autre Midwest, celui des types normaux, névrosés, il nous raconte l’histoire d’un mauvais combattant d’ultimate fight, nous décrit une fille de publicité, le tout avec un sens de la narration et de la conversation plus intéressant et mieux écrit que Phillipe Delerm. Il dresse des portraits, n’écrit pas de punchlines ravageuses, mais balance une écriture profonde et brillante, sur des beats parfois tendu (Dwight), electronique (A.R.P.) ou même groovy (Flutes).
Un album bref, sans déchet, par un type humble qui rappelle sur Flutes : “I’m not complaining, not a bit”. Nous non plus mec, t’as la classe.