A l’occasion des 6èmes Rencontres cinématographiques de Dijon, du 20 au 22 octobre prochain, la Ville et l’ARP (la société civiles des Auteur-Réalisateurs-Producteurs) organisaient à l’Olympia l’avant-première de The Artist, dimanche 2 octobre à 16h. Il fallait être vraiment cinéphile pour aller s’enfermer dans une salle un dimanche après-midi où il faisait 27°C dehors…
Au cas où vous n’auriez pas entendu parlé de The Artist, petit résumé : c’est le dernier film de Michel Hazanavicius, le réal’ des deux OSS 117 et de la Classe Américaine. En débutant à Canal +, il a aussi réalisé Derrick contre Superman, ça mérite donc de s’y pencher. Dans La cité de la peur, le con, Régis, c’est lui. Autant dire qu’on avait très envie de le rencontrer le gaillard. L’histoire de The Artist est on-ne-peut-plus simple : dans le Hollywood des années 20, Georges Valentin (Jean Dujardin) est la star du cinéma muet. Jusqu’au jour où le parlant débarque. L’acteur sombre alors dans l’oubli. Mais sa rencontre avec une jeune actrice (Berenice Bejo), nouvelle star du parlant, va tout changer. Bon ok, sur le papier, rien d’original.
Mais parlons du film tout d’abord. Après le succès des OSS 117, Hazanavicius a carte blanche pour faire à peu près ce qu’il veut. Il décide donc de réaliser son projet fou : faire un film en noir et blanc et… muet. Quand on voit de plus en plus de personnes qui ne veulent pas regarder des films noir en blanc (une épidémie je vous dis, on est perdu) ou ceux qui font vade retro satanas devant de la V.O, autant dire que The Artist semblait voué à l’échec total…
Eh bien non, The Artist sera la révélation surprise du cinéma français. Mais si, il y a toujours des films comme ça chaque année. L’an dernier c’était Des hommes et des dieux. Cette année c’est La Guerre est déclarée. Mais The Artist prendra aussi sa part du gateau. Pour tous ces films, les cinéastes peuvent dire merci au festival de Cannes. Car cette année, le président Bobby De Niro a flanché : The Artist sera un succès surprise. Déjà grâce à son prix d’interprétation masculine pour Jean Dujardin. Un prix « utile » selon Bérénice Bejo et elle a bien raison. Le succès de The Artist sera garanti par la présence de Dujardin, désormais star du cinéma français et primé. Représenté en gentleman masqué, il n’a jamais aussi bien ressemblé à Belmondo.
Rappelons dans les grandes lignes comment The Artist a pu voir le jour. Thomas Langmann, fils de Claude Berri, un des producteurs les plus influents du pays, donne son feu vert et son soutien au projet. Lui et Hazanavicius décident de partir aux States pour trouver le financement. La Warner est séduite et dit banco. Résultat : The Artist est tourné dans les studios à Hollywood en 33 jours, avec un casting français (les 2 acteurs principaux) et américain (seconds rôles de prestige avec John Goodman et James Cromwell). Hazanavicius nous le dit, outre une organisation au poil, les producteurs n’ont pas touché au montage ni même à la bande-annonce, un vrai miracle quoi.
En tout cas on admire le risque du challenge, surtout dans le cinéma français, qui n’en prend plus beaucoup malheureusement. Et le pari est réussi. The Artist nous charme d’amblée et parvient surtout à ne pas nous faire sombrer dans l’ennui. Le score musical rythme parfaitement l’intrigue et se risque même à se susprendre durant quelques courtes pauses. Ces courts moments de silence sont d’ailleurs très intéressants. Très belle scène également où la star du muet découvre le son surgir dans son quotidien. Hazanavicius rend hommage au cinéma muet, celui de Murnau, Lang ou encore Chaplin. Malgré un petit côté parfois légèrement parodique, The Artist ne tombe pas dans le panneau du pastiche.
Le film doit beaucoup à son casting : tout d’abord la pétillante Bérénice Béjo, ravissante, jamais dans l’excès. C’est elle la vraie star du film. Même si Jean Dujardin s’en sortadmirablement, avec son flegme naturel bien qu’on ait du mal à s’enlever l’image de OSS 117 de la tête. Quant à Michel Hazanavicius, il s’avère être un cinéaste hyper sympa, à la cool, sans langue de bois. Entre quelques gags, il a répondu sans problème à toutes les questions du public. En travaillant au sein des studios Warner, il était ravi de revenir aux bases du métier et de tout réapprendre, d’une certaine façon. Les frères Weinstein, qui ont notamment lancé la carrière de Quentin Tarantino, proposent de distribuer le film aux Etats-Unis. Les Weinstein sont doués pour user de leur influence sur les résultats des Oscars (en ne lésinant pas sur les moyens pour courtiser le jury). Ils ont d’ailleurs triomphé lors de la dernière cérémonie avec Le Discours d’un roi. Gageons qu’ils feront tout pour que The Artist soit de la partie.
Photos : (c) Warner Bros. France