Avant la Winterpause, la fête de la nativité et le déballage des cadeaux La Redoute, il y a un match ce mercredi, vous savez la Ligue 1 ! Et pas n’importe quel match, mettez les petits plats dans les grands, allez chercher le trois pièces au pressing, le 21 décembre se tient le derby Bourguignon entre auxerrois et dijonnais, et c’est déjà un classique. L’occasion était trop belle de parler de nos voisins, de l’AJA, entre célébration et dézingage en règle…

L’AJA, 32 ans de maintien

L‘Association de la Jeunesse Auxerroise est une vieille dame indéboulonnable, assise depuis plus de trente ans dans son fauteuil orthopédique entre la 8ème et la 14eme place. 32 ans exactement, et chaque année la même litanie : « on joue pour le maintien ». Jamais l’AJA depuis qu’elle s’est installée solidement en première division n’est redescendue à l’étage inférieur. Une vraie perf’ tant Auxerre a frayé avec la ligne de flottaison, toujours au coude à coude dans le dernier rush.

Mais l’AJA, club multi-centenaire donc, emblème du terroir, c’est aussi un sacré palmarès, des accessits et une vitrine des trophées bien garnie. Avec six coupes Gambardella, deux coupes des Alpes et l’Intertoto glanée en 1997, non j’déconne. Je reprends avec un titre de champion de France, quatre coupes de France, et une demie-finale de coupe européenne. L’AJA a connu la « vie de château » et le faste de la vie de champion.

La décennie 90 est sans aucun doute celle de l’âge d’or, qui vit l’AJA truster les podiums nationaux et terroriser la vieille Europe. L’Auxerrois pur jus a encore en mémoire les sanglots de Stéphane Mahé le soir du 20 mai 1993 et ce penalty foiré, bien comme il faut, lors de la séance de « roulette russe » contre Dortmund. Au comptoir du « Bar d’la poste » au centre ville, on en cause encore. Quel match, bon sang de bonsoir ! Après avoir créé la sensation au tour précédent contre le grand Ajax des frères De Boer, les joueurs de Guy Roux défient le Borussia Dortmund de l’immense Andreas Moller. Les ajaïstes qui jouent alors un football enlevé, d’aucun dirait « champagne », rendent coup pour coup à la formation allemande. Mais voilà, comment contredire Gary Lineker et son célèbre: « le football se joue à onze contre onze et à la fin ce sont les Allemands qui gagnent ».

Emmené par leur deux clutch player de l’époque, Corentin Martins et Christophe Cocard, les Auxerrois qui auraient dû mener par 6 buts à 0, s’il n’ y avait toujours une jambe allemande ou les gants de Stephan Klos, finissent par s’incliner au bout du suspens, à la séances de pénos, après ce qui restera le match le plus aboutie de leur histoire.

1996, le « gang de l’Yonne » remet ça et réalise sans conteste son plus beau coup. L’exploit inouï pour un si petit club, d’empocher le championnat au nez et à la barbe du PSG de Raï, Valdo et… Vincent Guérin. Tous coiffés sur le poteau à deux matches du terme par ces ptits chiards d’Auxerrois. Auxerre double ses gains la même année, avec un deuxième trophée, la Coupe de France.

A Auxerre on nage alors en plein bonheur, on se teint les cheveux en tricolore, on balance Guy Roux dans le hammam du vestiaire, on chiale, on chante du Queen à tue-tête, bref c’est un truc de malade.

Mais à bien y songer, le sacre de l’AJA n’a rien du larcin en bande organisée. Auxerre mérite amplement le titre honorifique de champion de France et compte dans son effectif quelques uns des plus beaux joyaux du foot héxagonal.

Que l’on pense à son stoppeur, l’inénarrable Taribo West et ses scoubidous roses fluos dans les cheveux. Que l’on pense à Laurent Blanc, devenu « président » sur les bords de l’Yonne, le premier rideau, c’était vraiment du costaud. Dans l’entre-jeu, avec un Corentin Martins à la patte de velours, Sabri Lamouchi, et Bernard Diomède sur les ailes, la feuille de match ressemblait à un hall of fame. Auxerre avait le profil d’une grande équipe avec de sacrés spécimens dans chaque compartiment du jeu.
 Et devant, tu peux te moquer, mais la doublette Stéphane Guivarc’h / Lilian Laslandes donnaient des sueurs froides aux portiers adverses et savaient scorer. Et faisait mouche presque à chaque match. T’es qui toi d’ailleurs pour te moquer ?!

L’AJA d’aujourd’hui : les « disparus de l’Yonne »

Autre temps, autres mœurs. Aujourd’hui les murs de la maison AJ Auxerre sont défraîchis, jaunis. La boutique du club ne vend plus qu’une mince poignée de maillots floqués « Le Tallec », et l’esprit de la gagne s’est délayé dans du mauvais Chablis. La rengaine du maintien est revenue. Le maintien, foutu maintien ! Alors qu’hier encore on était tous « à la parade », équipe de semi-dieux aux cheveux décolorés, l’Auxerre d’aujourd’hui est entrée dans le rang. Nonobstant la belle qualif’ pour la Champion’s League d’il y a 2 ans. La fameuse année où l’AJA s’est mêlée à la bagarre pour le podium sous une fausse identité. Avec un jeu rigidifié et ultra-défensif, un jeu qui ne lui ressemblait pas.

Cette équipe « bâtie pour le contre » dixit Jean Fernandez le coach de l’époque, avec pour capitaine Benoît Pedretti, autant le dire tout fort et tout net, était un bras d’honneur fait à l’histoire du club, à ses années folles et au petit Corentin (Martins).

L’AJA du moment est dans la tourbe, dans le limon, et pointe à l’heure où j’écris ces lignes au 14ème rang avec le même capital point que le dernier non-relégable. Qui n’est autre que le visiteur du soir, le DFCO. Après un départ en boulet de canon, bien drivée par l’épatant Alain Traoré, le Burkinabé qui a planté pas moins de six banderilles lors des cinq premières journées, Auxerre a depuis le pied sur la pédale de frein et roule au ralenti.

Traoré est moins bien depuis quelques matchs, et les joueurs de Laurent Fournier empilent comme au Jenga (vous savez, ce jeu de construction) les couacs, les petites et les grandes désillusions. Chaque défaite est automatiquement imputée à l’arbitrage, voilà un petit signe de lâcheté, signe d’une équipe qui va pas très fort. Bref, le slogan du premier sponsor partenaire Airness, « Airness success », sonne en ce mois de décembre comme un paradoxe du côté de Joigny. Enfin, l’affaire de samedi dernier et les présumés propos racistes lancés par l’arbitre de touche à Kamel Chafni est venu foutre un peu plus de bordel encore dans la maison Icaunaise.

Avec des dijonnais qui eux aussi marchent sur une jambe et ne sont pas à la fête en ce moment, le derby Bourguignon de mercredi va se présenter comme un match de baballe entre vingt-deux boiteux avec pour marotte la distinction chauvine locale de maître du territoire.

Rangez vos grilles lotofoot, cette fois-ci, je ne me lancerai dans aucun pronostic, tant ça semble être du fifty-fifty entre nos deux porte-étendards Bourguignons. Quel aboutissant, quel enseignement pour le perdant du match ? Et bien une dégringolade, et des vacances de Noël « gueule de bois », point barre. La seule chose qu’on peut dire à l’avance avec certitude, c’est que le spectacle de mercredi risque de ne pas être bien folichon.

Entre des joueurs crispés, qui ont la trouille, je vois mal les deux équipes jouer un football sensationnel. Dans ce derby des mal-classés, le battu du jour va passer un réveillon à la fraîche dans la zone de relégation. Un Noël sans traiteur renommé, ni caviar : un samedi soir à réveillonner devant la télé, à boire du mousseux avec un bon poulet. Point de chapon à la farce fine et morilles, un Noël pourri j’vous dis !

Alors comme tout dijonnais qui se respecte, je souhaite bien entendu un mauvais réveillon à la sous-préfecture de l’Yonne et à tous les immatriculés du 89. Et un excellent Noël aux habitants de notre belle capitale des Ducs. Et à vous tous chers lecteurs, ça va sans dire.

Julian-Pietro Giorgeri