Soulist est ce qu’on appelle un artiste « multi casquette » : créateur des fameuses soirées What The Funk à Paris, animateur radio ou encore dj, il aime passionnément le mélange des genres, la culture musicale anglaise et le groove. C’est au détour d’une soirée à Lyon au mois d’août dernier qu’on a croisé le bonhomme, l’occaz’ rêvée de parler avec lui du Worldwide festival, de Souleance (son duo avec Fulgeance) et d’eurodance. Le tout entre deux bières. Ou peut-être plus.

 

Parmi tes précédents concerts en 2011 et sous le nom Souleance, tu as joué au Worldwide festival à Sète. Raconte-nous un peu l’ambiance de cet événement atypique et tes coups de coeur…
Gilles Peterson, l’organisateur de ce festival, a beaucoup de contacts et c’est quelqu’un qui sait s’entourer. Je ne pense pas que ce festival pourrait marcher en France et rameuter autant d’Anglais s’il n’était pas tenu par Gilles. Après, niveau concerts, autant j’ai adoré le live de Mount Kimbie même si le son manquait un peu de volume, autant le concert de la formation Flying Lotus / Richard Spaven / Dorian Concept semblait bricolé un peu vite, voire pas bien travaillé. Cela dit, leur live à Paris quelques temps après avait tout défoncé donc bon…

Pas fan des productions de Fly Lo?
Si, c’est un excellent artiste bien sur. Après, ce coté unanime autour de sa musique – le mec peut péter sur scène tout le monde dira que c’est génial – j’aime moins. Mais… grand producteur. Tout son travail avec son label Brainfeeder, ses soirées, les collaborations multiples, il se renouvelle continuellement, c’est bien.

As-tu aimé d’ailleurs l’album de Thundercat sur son label?
Excellent album ! Un très bon mélange de jazz fusion et d’électronique futuriste.

Thundercat s’occupe des arrangements à la basse pour bon nombre d’artistes depuis des années, Erykah Badu, Fly Lo… que penses-tu de ces artistes « dans l’ombre » qui sortent enfin un album sous leur propre nom ?
Et bien à l’instar de Dorian Concept, compositeur autrichien, arrangeur, excellent pianiste, ou encore Richard Spaven, batteur de tant de groupes dont notamment Guru, The Robert Mitchell 3io, 4Hero, José James, Mark De Clive Lowe ou encore Cinematic Orchestra, ces artistes sont là depuis de nombreuses années finalement, et ces récentes sorties sous leur propres noms ne sont finalement qu’un projet de plus, mais toujours aussi bon.

Toi aussi tu collectionnes les casquettes: DJ Soulist, Souleance, les soirées mythiques « What The Funk », raconte nous un peu ton histoire.
J’ai commencé tout simplement dans un bar, comme beaucoup, à mixer, essayer de programmer des artistes. Certains d’ailleurs qui sont devenus vraiment connus, genre Teki Latex, je suis plutôt fier d’ailleurs d’avoir contribué à sa popularité. Après, cette réelle envie de monter des soirées vient de l’époque où je vivais et bossais à Londres. J’étais nourri par la culture musicale anglaise, du reggae à la bass music bien grasse, mais aussi la pop, qui en Angleterre a une place très importante. Je prends souvent l’exemple des Anglais qu’on retrouve au pub à chanter sur du Kylie Minogue et du Robbie Williams puis sortent au Ministry of Sound (célèbre club londonien) écouter du garage dubstep ; ils sont autant désireux d’une culture mainstream que du coté underground, à vouloir découvrir des artistes tech-house, dubstep, drum-n-bass, hip hop… Ils entretiennent une réelle culture du clubbing par la danse, et ça m’a réellement influencé. Et en revenant d’Angleterre pour Paris, j’ai voulu monter une soirée boogie, disco, avec des DJs mais des groupes aussi, qui se prêtent à une ambiance de club. Le concept proposé, c’était : faites nous confiance, on vous fera danser toute la nuit et il y en aura pour toutes les oreilles. On « booke » autant des artistes reconnus que montants : Mister Thing ancien membre des Scratch Perverts, des artistes de la scène hip hop, Rawkus, Rich Medina, les tropical diggers de Sofrito à Londres… Et assurant très souvent les warm-up de ces soirées, tout en les commanditant, j’officie sous le nom DJ Soulist.

Quand est-ce que tu t’es mis à la composition sous le nom Souleance avec ton comparse Fulgeance ?
Après quelques essais qui n’ont pas aboutis, j’ai rencontré Fulgeance à un festival de courts métrages nommé Off-Courts. Lui préparait son live et en sympathisant il me dit : « faisons un dj set ensemble pour la fête de clôture ». Superbe entente. Je lui ai envoyé quelques samples, et de là est partie l’idée de sortir un maxi, sur un white label, avec des re-edit et remixes. Et en voulant aller plus loin ensemble, on a décidé de réellement travailler ensemble et de sortir un EP en mixant Soulist et Fulgeance pour donner Souleance. On a alors envoyé ces 3-4 titres à quelques labels étrangers, principalement anglais et allemands.

Pourquoi ce choix de labels étrangers ?
On n’a pas envoyé nos productions aux Francais, mais pas par snobisme. Je pense que, paradoxalement, les groupes français, toutes musiques confondues, à partir du moment où ils ont une reconnaissance à l’étranger, ils reviennent en France avec une certaine forme de crédibilité. Il y a toujours des exceptions bien sur, comme les gars d’Ed Banger.  Après, le style musical de nos compositions correspondaient plus à quelque chose d’Anglo-saxon, d’où notre démarche.

Quels sont les influences des productions de Souleance ?
Il y a beaucoup de samples, c’est la combinaison du talent pur et simple de Fulgeance et de mes influences funk, soul, hip hop, musique brésilienne… On mélange tout ça et pour le coup ça donne des productions qui me semblent plus accessibles que les deux premiers projets solo de Fulgeance. Mais c’est pas parce que c’est plus accessible que c’est moins sérieux, moins bien fait. Et les producteurs et « compileurs » étrangers ont été super réceptifs, Gilles Peterson a mis un de nos titres dans sa compilation Brownswood Bubblers 4, avec le track Manana, composé d’un sample rare de Chubbly Checker. Cette reconnaissance donne une certaine forme de crédibilité qui est super agréable.

Impossible de ne pas te demander quel est ce sample de votre track Passarinho
Alors là c’est un apport de Fulgeance, ça vient d’une vieille chanson obscure de musique brésilienne, ça veut dire petit oiseau qui vole… mais voilà, le plaisir c’est cette combinaison d’influences qui fonctionnent bien, et encore plus lorsqu’on est sur scène.

Et pourquoi cet edit de Crystal Waters, Gypsy Woman ?
Alors c’est très simple : l’été dernier j’arrêtais pas de chanter à la gueule de Fulgeance ce fameux lalali, lalala, lalali, lalala et un jour il craque et me dit : vient on fait un re-edit… Ce que j’aime, c’est que la dance des années 90 a à la fois un coté cheesy, mais y’a tellement de bons morceaux. Et ce qui se dégage sur cette chanson c’est quand même que les paroles sont ultra tristes, l’histoire d’une meuf à moitié SDF, qui essaye de se saper et de rester digne pour chopper un boulot… bref c’est un morceau imparable !

Sur la vidéo d’un de vos morceaux, One Step, vous avez mis des images de Jazzy Jeff et Will du Prince De Bel-Air. Fan de la série j’imagine ?
Série mythique, le montage été fait par un pote de Fulgeance. Dans cette série que j’ai suivie toute mon enfance, mon personnage préféré reste Carlton. Et pour les gens un peu geek, sachez que la plus grosse campagne de Pepsi avec Michael Jackson, cette fameuse campagne où il s’est brulé les cheveux, et bien parmi les danseurs dans le fond, tu vois Carlton qui s’avère être un surdoué de la danse. Et dans le clip, c’est le gamin qui imite Mickael Jackson. Mais dans le Prince de Bel-Air, il passe toujours pour le mec bien sapé-bien coincé, alors que c’est un danseur invétéré !


Propos recueillis par El Pescador

à Lyon, août 2011.

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Pour écouter :
Le Plaisir (EP)
Le Monde (EP)
Soupape (EP)
Out soon : La Belle Vie LP, Gourmandise 7″