Cette semaine on parle du dernier Tardi, Ô Dingos, ô châteaux ! Une nouvelle adaptation de Manchette. Y’a quelques temps, Tardi avait passé au dessin La Position du tireur couché, et encore avant Le Petit bleu de la côte ouest. Autant vous dire que le bonhomme connait sur le bout des doigts l’univers de l’auteur de polar. Un univers dur, rétro, planté dans le décor de son époque, les années 80, où les les coups de flingues font gicler les caboches.

Dans cette trilogie, le personnage principal du Petit bleu… est un déprimé. Dans La Position du tireur couché, c’est un con. Et dans Ô Dingos… l’héroïne est une perdante. Vous comprendrez tout de suite que ça peut pas bien se passer dans les polars de Manchette. Là ça gringe dès le départ, une nurse chargée de gérer un sale môme se fait enlever par une bande de bras cassés. Deux frelots pas futés. Un troisième larron qui servira qu’à se faire dessouder et un tueur à gage, presque cerveau de l’équipe, vieille gloire de la flingue en fin de parcours et bouffé de l’intérieur par le crabe.

Au milieu, un môme, orphelin, fils de riche, sous la responsabilité d’un tonton grand dirigeant et blindé jusque là grâce à son neveu. Et cette fameuse nounou à peine sortie d’un HP, un poil alcoolo et flicophobe.
Que des paumés de la vie et des seconds couteaux.

Bon, vous comprenez pourquoi avec une liste pareil de plombiers-zingueurs, l’histoire est pas à la gaudriole. Ça va dégueuler, vomir ses tripes, transpirer, picoler, faire exploser des tronches, tirer dans le tas au beau milieu d’un supermarché, cloper, plomber et même summum du luxe : étriper et manger tout cru un saumon fraîchement pêché.

« La Lecture des ruines : inventif et poétique »

Alors c’est volontairement que j’vous balance la sauce comme ça parce que tout le talent de Tardi, c’est d’illustrer, dessiner ça, sans édulcorer et sans non plus se rouler complètement dans la fange carnassière de ce polar à hémoglobine. Là, Tardi, arrondit les angles, appuie de manière très subtile sur les rares sentiments positifs qui émergent. Et bien sur le noir et blanc crée la distance, provoque le recul. C’est le talent ! C’est tout, mon bon monsieur !

En regardant vite fait ce qui se dit sur le livre de Manchette, je découvre que le bouquin, édité en 1972, était aussi une critique de la société de consommation. Certes y’a quelques éléments comme ça mais c’est d’abord et avant tout un road trip, une course poursuite, un bon gros polar. Tiens, au passage, on en reparlera la semaine prochaine mais le bouquin est dans la sélection polar d’Angoulême 2012.

Dans un autre genre, c’est ressorti de ma bibliothèque : La Lecture des ruines, de David B. Initialement sorti en 2001, ça a été réédité l’année dernière par Dupuis et c’est simplement un régal ! David B., comme Tardi, aime les choses vieillottes et les resucées.

Comme Tardi, David B. a une passion pour les choses du début du 20ème, fin du 19ème. La Lecture des ruines se déroule pendant la 1ère Guerre mondiale. Tous les agents secrets, mais aussi tous les loufiats du bas-fond parisien, londonien, courent après un ingénieur militaire devenu fou et inventeur de machines telles que « le canon à rêves » ou « les barbelés vampires ». C’est inventif, poétique, les vivants croisent les spectres dans les tranchés. Un livre magnifique à lire d’urgence.

Martial

La Lecture des Ruines – David B. –  Dupuis / Aire Libre, 14 euros
Ô Dingoz, Ô Châteaux ! – Tardi – Futuropolis, 18 euros

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