Comme il n’y a plus de pognon chez Sparse depuis qu’on envoie les reporters en mission à Berlin pour tester un panel de drogue adéquate à une soirée minimale, bah on reste à Dijon. C’est rarement la fête dans la rue, autant en profiter.
Ça fait deux ans que t’entends parler des climats de Bourgogne à l’Unesco, et deux ans que tu passes ton temps à expliquer à tes potes que non, les autorités régionales n’ont pas poussé la provoc’ jusqu’à essayer de faire classer un des climats les plus dégueulasses de France à l’Unesco ; que les « climats de Bourgogne », c’est des parcelles de vignes encloses, exposées idéalement au soleil et que c’est ça qui fait que ton vin de Bourgogne, tu le payes trop cher. L’opération les climats à l’Unesco, c’est comme l’AJA dans les 90’s : toute la Bourgogne est derrière, « c’est un formidable élan populaire d’amour pour une si belle région » (c’est bon, j’ai bien dit ?). Donc grosse opération : on fait la Saint Vincent à Beaune, à Nuits-St-Georges et à Dijon (en te faisant croire que c’est une ancienne ville viticole, patatipatata…), vu que ça ruine les villages de la côte à chaque orga.
A l’annonce de la tenue de la grande fête du vin bourguignon dans notre belle cité des Ducs, on est dubitatif… trois villes (Dijon, Beaune, Nuits-St-Georges) pour une fête qui a justement bâti sa réputation sur l’ambiance cœur de village. On se demande ce que ça va donner. Est-ce que ça ne peut pas être une énorme orgie ? Y’a quand même 250.000 personnes dans l’agglo dijonnaise, et on va leur donner la possibilité de boire impunément.
Autant vous le dire tout de suite, justement, la St Vincent à Dijon, ça n’est pas la fête. Y’a du monde dans la rue, c’est vrai, il y a des « animations », oui, mais c’est pas la fête. Ou j’m’y connais plus. Le désavantage de la St Vincent, c’est que ça se passe à la St Vincent, les 28 et 29 janvier cette année. C’est sur que c’est pas les férias. Y’a peu de rugbymen torses nus. Pour se motiver, on se fait croire qu’on va boire des bon trucs, alors que tout le monde sait pertinemment qu’on ne sentira plus rien des le 3ème verre.
Justement, des verres à la St Vincent dijonnaise, on en boit sept maximum. Le principe : à chaque point de dégustation, on peut acheter un « kit dégustation ». On a le droit a un verre + un système de bracelet qui fait qu’on prend une conso par point de dégustation, qui sont au nombre de sept. C’est facile de calculer. Ça limite.
Des gens saouls ce week end, on a dû en croiser quatre
On s’y prend tôt (11h du matin) pour vivre le truc pleinement. On passe avant tout à la procession, décoration huile, tout le tintouin. Y’a beaucoup de monde, le chapiteau installé dans la Cour d’honneur de l’hôtel de ville est plein comme un œuf. Ça sent la cohue dans toute la ville… mais non. En, fait c’est le seul moment où ça sent la cohue. Les mini-villages dégustation de la St Vincent, c’est une tente pour te vendre les verres, et deux tentes pour boire du vin. Qui t’est servi par des bénévoles, aussi sympathiques soient-ils, mais pas des viticulteurs. Tant et si bien que quand on leur demande ce qu’on est en train de boire, bah ils lisent l’étiquette… comme toi. « Ah ça, c’est du… côte… de… Beaune ! ça vous va ? »
On commence notre petit tour : côte de Nuits place de la Libération, Bourgogne derrière Notre-Dame, un peu de monde sans plus, deux-trois saltimbanques médiévaux. « Ils se maquillent, ils marchent au ralenti, ils crachent du feu… c’est 40.000 euros de tes impôts ». On commence à faire de belles rencontres. « C’est une figure imposée ou quoi de marcher au ralenti chez les saltimbanques ? »
Les gens sont étrangement silencieux. On continue, côte de Beaune place du Bareuzai.
C’est vrai qu’il y a du monde ; mais on se rend compte que la foule est un mélange de joyeux drilles de la St Vincent et de badauds de fin de soldes, qui sont tout étonnés de voir des gens verres à la main en centre ville. D’ailleurs les verres sont en verre, forcément, ce qui inquiète beaucoup les régisseurs. À l’heure du tout plastique recyclable dans les événements culturels, ça ferait tout drôle que les participants commencent à se les casser sur la tête, ou à s’effondrer dessus… mais pour ça, il faudrait encore que les gens soient saouls. Parce que des gens saouls ce week-end, on a dû en croiser quatre. Ça nous change des St Vincent du début des années 2000 (type Chablis, Meursault ou Buxy) où la norme était de s’effondrer le plus tôt possible, éventuellement avant les Hollandais venus par cars entiers.
C’est pas plus mal pour la sécurité publique. C’est forcément moins bien pour l’ambiance.
C’est pas faute d’avoir lancé dans la ville des meutes de groupes folkloriques : les vendangeurs de Quetigny (big up !), les enfants du Morvan… faut bien les sortir en dehors des fêtes de la vigne, sinon, ils rouillent. On termine notre tour, et quatre verres de vin, à jeun un samedi matin, ça commence à se sentir. On passe par le stand des côtes chalonnaises situé dans le jardin de l’hôtel Bouchu d’Esterno. The place to be du parcours : cadre bucolique, serveurs sympathiques, Mercurey, Givry premiers crus… Les côtes chalonnaises, c’est le bon rapport qualité-prix du pinard bourguignon. Moins prétentieux que Beaune et Nuits. On reste un peu. On réussit à échanger notre ticket crémant (on ne va certainement pas boire de crémant, on a une dignité) contre du Mercurey. Oulah… le serveur a la main lourde : « ils vont pas se laisser aller les gamins ».
Y’a des petites expos et des conférences autour du vin et des climats, au chaud, dans l’hôtel. The place to be. Il va falloir manger… on passe vite fait par le « village » mâconnais. Ou plutôt le ghetto mâconnais. Sur un parking, en bord de route. Bon ok, c’est entre deux jolies églises. On lève plus la tête à Dijon. On finit par l’espace Chablis et Yonne, qu’on essaye de nous faire passer pour un vin de Bourgogne. On se laisse pas piéger ; on dit qu’il est mauvais même si c’est pas vrai. C’est comme ça. Fin du bracelet. Se nourrir, le plus vite possible.
Malgré nos sept verres, le froid est là. Ça aurait été plutôt cool que le patron des viticulteurs soit St Jean (21 juin la fête, pas con le gars). C’est drôle de se trimballer en ville un verre à la main sans complexe. La 8-6, c’est sale, mais un verre de vin, c’est tellement chic… que fait la brigade anti-ivresse ?
On a trouvé le 8ème village (officieux) de la St Vincent
On s’arrête chez A tout va bien, brasserie du marché. Pot de rouge, forcément, boudin blanc, bavette… il fait chaud, on est bien. On essaye de repartir dans le froid, mais il est déjà 16h30, c’est la fin de la dégustation. Pas un ban bourguignon, pas un chant paillard, pas une bagarre… C’est propre. La St Vincent Suisse. On se fait une petite pause avant la parade de 17h, qu’on ne verra jamais pour cause de gueumage (piquage de nez) non-contrôlé sur canapé.
Dommage car la parade de poupées géantes et le spectacle des tambours de feu accrochés comme un mobile de Calder au bout d’une grue place de la Lib’ ont fait l’unanimité. Du vrai bon « royal deluxe-like » qui marche de 7 à 77 ans (Ravensburger, les jeux de société). On émerge vers 19h et de on se dirige vers la « 5ème tribune » du stade Gaston Gérard. À savoir le bar Le Crocodile, rue Berbisey. Un bar où il ne se passe rien, absolument rien, à part la retransmission des matchs du DFCO. C’est là que se trouvait le 8ème village officieux de la St Vincent, celui des bières alsaciennes. Bon c’était pas dans le programme, celui là c’était du off.
Après une bonne vieille défaite des familles de notre équipe locale face à Lyon, on décide d’aller au bal pop, sous le chapiteau de l’hôtel de ville. Une première à Dijon. La couleur est annoncée dès le début : 22h30 on ferme. Ça a fermé plus tard en fait et… et c’était pas mal du tout. Un public chauffé à blanc par un orchestre de baloche bien efficace. À base de vieux standards pourris, mais dansants, et drôles. Avec des mecs sur scène qui ne se prennent pas au sérieux, et ça, ça fait du bien. Belle fête populaire. Par contre, le constat crado de la soirée, c’est que quand t’as un bal gratuit, un samedi à Dijon sous un chapiteau chauffé… le public doit se compter à 250 personnes maxi. Y’avait de la place pour danser, et on peut pas faire venir Sinclar ou Garnier 2 fois par ans.
23h, fin de journée St Vincent, lâché dans la ville. Il a bien fallu terminer… alors on a fait le job. Le lendemain, dimanche, on y est retourné. Mode hangover, pas plus de chaleur dans les rues, un verre, Stade 2, et au lit.
Une St Vincent lounge. Bien rasée et en chemise. Dégagée derrière les oreilles. Allez, y’avait des gens dans les rues à Dijon. Même dilués dans la ville. On prend. Il paraît que ça a été une victoire pour la Bourgogne et les climats… Ok, on vous croit. Mais bon un live de Tom Waits en piano solo, c’est mieux dans un caveau… pas dans un Zénith.
Ladoix Del Rey
Photos : (c) imprévus