Ce qu’il y a de bien avec le festival de Sundance c’est qu’on découvre chaque année de jolies petites pépites. Le premier film de Sean Durkin en fait partie.

Martha, Marcy May, Marlene désigne en fait trois prénoms, celui d’un seul personnage, l’héroïne tourmentée du film. Prénommée Martha à l’état civil, renommée Marcy May à son arrivée à la « ferme », et appelée Marlene quand il s’a­git de répondre au téléphone depuis cette ferme, un lieu au cadre idyllique… Du moins en apparence car on devine immédiatement (sans forcément connaître le pitch de départ) qu’il s’agit d’une secte. Cette première grande famille qui accueille notre héroïne est trop bonne pour être honnête. Mais elle est séduisante, elle recueille les âmes perdues, de pauvres gamins en recherche d’identité, dont tout le monde se fout. Des proies parfaites en somme.

Plutôt que la mise en scène, attardons-nous sur la construction temporelle du film. Elle jongle entre présent et passé, des souvenirs troublants qui hantent notre jeune héroïne complètement paumée. Après avoir fui la secte, Martha est accueillie par une seconde famille : sa sœur et son mari dans leur maison de vacances. C’est à partir de là que les flash-back surgissent, en crescendo. Un rythme musical intéressant car on peut le considérer comme un signe de l’impuissance de l’héroïne à retrouver ses esprits, à savoir qui elle est vraiment. L’horreur de cette secte est ainsi révélée progressivement, une horreur personnifiée par son gourou, interprété brillamment par le rachitique John Hawkes, une vraie gueule de cinéma, tout aussi inquiétant que dans Winter’s Bone l’an dernier, autre film lauréat du festival de Sundance.

La secte… et la difficulté d’en sortir

Dans la « ferme » il ne s’agit pas ici de prendre votre argent mais votre identité, voire même votre liberté de penser. Une secte qui par le bourrage de crâne prône un retour à la terre, au travail en communauté, mais aussi au droit de cuissage du gourou, où le viol est considéré ici comme une première étape d’un « nettoyage ». On retient aussi cette scène très violente où une bande de jeunes enrôlés entre par effraction dans une luxueuse maison, se retrouve face à son propriétaire et l’issue n’est pas sans rappeler celle d’un fait divers qui avait fait trembler l’Amérique dans les années 70 avec la bande du terrible Manson.

Parmi tous les films américains à label indépendant, Martha Marcy May Marlene sort du lot dans le sens où peu de films traitent des sectes et de la difficulté d’en sortir. On n’avait pas vu ça depuis Holy Smoke, de Jane Campion, et encore celui-ci restait soft. Sean Durkin ne joue pas la carte du film à message et ne s’essaye même pas à expliquer les faits. On en retient en tout cas un profond malaise, distillé par la paranoïa latente de son héroïne et une atmosphère inquiétante.

Alice Chappau

P.S : Le film a été également présenté au sein de la sélection « Un Certain Regard » lors du festival de Cannes 2011.