Chill out, Gal, let’s get down ! Samedi 26, dimanche 27. Redescente pour Théâtre en mai 2012. Pas de relâchement pour autant, au Kommintern, on cherche toujours à décoder la question centrale : celle de la communauté humaine désagrégée. Trois derniers spectacles pour y répondre.
Figure cycliste 1 : Astiquer les rivets de la selle.
Samedi 16h30, aller/retour pour Jerusalem. C’est Winter Family qui pilote, duo d’aujourd’hui donc métissé, formaliste et maniant l’échelle des degrés comme hier Virenque les seringues. Le projet de Jerusalem Plomb Durci est plutôt intéressant sur le papier, tout entier à dénoncer l’abus de commémorations sacrificio-télévisuelles, l’enrôlement massue-militari de sa jeunesse par l’état d’Israël depuis sa création en 1948. Le pays élu et martyr tape avec le dos de la louche pour faire pleurer les chaumières à chaque attentat/incursion/exaction palestinienne ou faire naître un sentiment patriotique plutôt costaud chez le moindre de ses ouailles malgré les résolutions onusiennes impuissantes. Pas vraiment happy, Jacob.
Mais voilà, l’audace du projet Jerusalem… reste de papier car en scène, c’est une démonstration sans pénible. Winter Family appartient à la hype du théâtre actuel, celle qui traduit spectacle par performance théâtrale documentaire et veut le faire savoir. Donc : 1. Winter Family a appris à manier la fragmentation pour parler d’un territoire morcelé, c’est louable. Lui reste à comprendre que le monde actuel en est à la superposition voire à l’effacement. 2. Winter Family porte à la vue la contradiction d’un pays comme Israël sans prendre le risque de la polémique en jouant avec l’ambiguïté. Pour le bon, il y a le corps rituel, maîtrisé et réellement émouvant de Ruth Rosenthal. Bon choix d’ironie froide face à l’amoncellement commémoratif aussi digeste qu’une assiette de Strudel aux pommes. Pour le moins bon, il y a l’espace qui ne fait aucun cas de son interprète, il y a l’écriture scénique qui se contente d’une collections d’évènements. Pour le mauvais, il y a ce parti-pris technologique que Xavier Klaine peine à faire fonctionner. Mauvais son, mauvaise qualité d’image. On perd la moitié des infos. C’est trop pour Gazza, imitant Claude Piéplu dans Rabbi Jacob, il me souffle : « Te fout pas de ma gueule, Pivert ! »
Figure cycliste 2 : Sucer la roue.
Samedi toujours mais plus tard, c’est à Mansart. Autre curiosité, la reprise d’un texte de Vinaver écrit en 76 par une bande de jeunes nés après la création du-dit texte. Le texte c’est Nina, c’est autre chose. Il fait partie du théâtre de chambre de Vinaver. Ça plastique sans en avoir l’air les habitudes affectives et laborieuses de la France giscardienne. C’est faussement feutré, aussi violent que du sucre dans un verre d’eau (merci m’sieur Barthes). Avec le boss de la petite bande invitée sur le festival, Baptiste Guiton, on oublie un peu ça. Dommage, sa version de Nina est super fidèle quant à la langue mais ne dérangera pas les voisins après 22h. Trop de feutre, trop de semelles anti-bruit. On entendrait presque le glissé des patins sur le parquet ciré. Le genre de spectacle avec la raie impeccable. C’est du boulot d’artisan honnête mais pas franchement folichon. Imagine, c’est comme vouloir courir Paris-Roubaix avec le maillot original de Duclos-Lassalle sur les épaules, c’est peut-être joli mais ça fera pas tourner le 54×13 plus vite.
Dimanche matin, je représente le team Sparse aux conversations critiques du festival. Pas le seul à dire du mal, ouf. Rencontre avec Dominique Darzacq, ancienne coco et critique à la verve jamais en berne. Chouette !
Figure cycliste 3 : Être à la planche.
Dimanche 19h30. Dernier tour de festival pour moi. Avec Gazza et Dzwoneck on file voir un quatuor terrible dans le jardin du musée archéologique. Et là, on a tout de suite pigé qu’on avait fait le bon choix (oh merde, encore du Giscard ?!). C’est le boss du Théâtre Dijon Bourgogne, le camarade Chattot qui se livre en compagnie de trois acolytes à une jolie série de pitreries anti-capitalistes radicales pour ceux qui auraient l’humeur proche de celle du bus revenant de Knysna. Ça défouraille tous azymuts sur la finance et les banquiers. Et le plus fort, c’est que tous les mômes pourraient recevoir une bonne fessée à voir ce quatuor vermeil en train de mettre le gros braquet et de s’agiter vertement dans son camion de marchand ambulant. C’est l’escalade dans la noirceur, la danse sur le vieux cadavre des illusions. Ça danse, ça chante, ça poétise à grandes brassées, ça vocifère des airs populaires et coprophages. Jamais vulgaire et terriblement vivifiant. Faut dire qu’il y a Jean-Louis Hourdin dans l’histoire. Le genre de boss de fin de niveau théâtral. Le genre de classe que tout financeur aimerait croire fini ou appartenant à une époque révolue mais qui danse encore sur le malheur. Malgré le titre à rallonge, Et si on s’y mettait tous !, l’objet est super vivace et vous entortille les boyaux autour du sternum. On est resté longtemps avec Gazza et Dzwoneck, après la fin du spectacle, heureux comme des gosses qu’un directeur de CDN se permettent ça, redoutant aussi que le prochain ne l’ose pas. Sur le chemin, Dzwoneck s’est mis à siffler Know Your Enemy.
– Badneighbour