Pour un Dijonnais, se rendre à Chalon dans la Rue, c’est un peu la promesse de sortir d’une certaine langueur. C’est également l’assurance de croiser d’autres Dijonnais, qui trahissent le temps d’un week-end leur lieu de villégiature (de pauvre).
Ce focus spécial sur la journée du samedi est assuré par Tonton Steph, nouveau reporter de terrain chez Sparse, qui va te faire un petit résumé de son odyssée dans les rues de Chalon. Entre les jeux d’adresse, les ferronniers d’art, les saltos… et Didier Super.
– Lire la première partie du reportage –
Il faut l’avouer, c’est surtout assez déconcertant tout ce monde. On n’en voit guère autant par chez nous, si ce n’est à l’indispensable fête de la musique. On y retrouve cette odeur mêlée de hot dogs et de kebabs dans les rues, les familles en goguette, les cadres sup’ en bras de chemise avec poussettes. Chalon dans la Rue, c’est aussi la fortune assurée pour les superettes, qui assurent indifféremment la vente de 8-6 ou de Cristalline aux usagers plus ou moins à jeun. Par chance ce week-end, on n’a pas croisé beaucoup de CRS patibulaires, comme si l’ère Perben n’avait été qu’un mauvais rêve.
Notre début d’escapade se fait par une nouvelle zone du festoche semble-t-il : Les Docks. Alors qu’on aperçoit que L’Abattoir sera de toute évidence fermé cette année -une sombre histoire de non-financement par la mairie de gauche, apparemment- on arrive vers les quais de Saône, dans un endroit très actif avec des chapiteaux et différents stands pour la boustifaille et la glute. On imagine que c’est probablement une assoc’ qui a eu la bonne idée de proposer différents jeux anciens mettant à l’épreuve l’adresse légendaire des festivaliers titubants.
Macao et Cosmage. Direction à présent la place du Châtelet, dans une des zones les plus impratiquables pour les piétons : rues étroites, spectacles de qualité plus ou moins discutable – de l’école de hip-hop locale aux comiques troupiers peu attirants. Dans ce tohu-bohu, une compagnie de Lorraine (la S.O.U.P.E. Compagnie) s’est servie dans un livre d’images assez célèbres pour nous raconter une petite histoire tout à fait rousseauiste sur le paradis perdu. Le dispositif narratif est assez inventif, puisque il engage chacun à écouter de douces musiques, synchronisées au propos qui nous est déroulé par l’artiste. Havre de paix en pleine rue criarde, ce n’est pas du luxe. L’ensemble est un peu mièvre, mais là aussi, cela fera gentiment contraste avec ce qui nous attend. A recommander donc à ceux qui ont un chiard à occuper.
No molestar, trabajo ! (Travaux, ne pas déranger !). On est rarement déçus par les spectacles présentés place de l’Hôtel de ville. Cette année, on a pu assister aux épatantes cabrioles d’une troupe andalouse : Vaivén Circo. Deux gaillards, un chétif et une Carmen y représentent les joies et dangers d’une journée de travail, façon Les Temps modernes, à l’aide de grandes formes en bois avec lesquelles ils vont jouer de multiples manières toutes plus impressionnantes les unes que les autres.
Audace et grâce, il suffisait de regarder l’hébétude des spectacteurs, plus particulièrement des mioches, pour voir que c’était une belle réussite. Ce, autant de par l’aspect burlesque de certaines scènes que par la délicatesse et la poésie d’autres. Certains saltos sont décidément vertigineux, et l’ensemble est rondement mené malgré la durée du spectacle.
La cour de l’école de l’Est. C’est un peu le lieu où tu viens t’effondrer comme une grosse merde après ce que tu oses considérer être l’équivalent d’une rando. Bon, tu sais également que c’est un spot vidange. Entre deux sandwichs, on a eu l’occasion d’entendre brailler un improbable artiste faisant apparemment feu de tout bois par amour du son.
Chalon dans la Rue est en effet bien souvent l’occasion, pour des ferronniers d’art, d’exposer leurs talents.
Didier Super. En s’y prenant tôt, on a pu assister à la somptueuse comédie musicale de celui qui a fait du cynisme bon marché son fond de commerce. En bons connaisseurs -non pas de son « oeuvre », mais du cynisme- on peut tranquillement vous annoncer qu’il n’y a pas de quoi réveiller Francis Kuntz de son trône en croûte de porc. C’est souvent comme ça avec la logique jusqu’au-boutiste.
Annonçant autant que possible par des périphrases qu’il va nous choquer, le déjanté débarque en se vautrant de BMX, s’en prend aux handicapés, aux punks, aux gauchistes, aux beaufs de droite, aux gros et aux arabes… Jusqu’à décréter qu’il allait désormais se prendre un procès en s’attaquant aux juifs ! On s’attend alors effectivement au pire, mais le brave homme n’a pas osé la moindre blagounette, préférant crier « Juif ! » des dizaines de fois avec une voix à la Cartman, sans guère choquer son monde au final. Enfin, si, on a vu quand même quelques regards interloqués par la mise en scène de sa comédie musicale, où son doudou mastubatoire joue un rôle crucial.
Finalement, au-delà de ses farces attendues, on a préféré le voir se vautrer lamentablement en BMX et avec une croix christique dans le dos, façon Pouf le cascadeur ou Jackass. On retiendra quelques vannes marrantes sur des gros et des gars bourrés cherchant à s’extirper du public. Enfin, un de ses acteurs au look d’autiste portugais a su remporter tous les suffrages de la débilité gratuite.
Bilan : la question à la con qui revient depuis des lustres : à quand un festoche équivalent, aussi populaire, à Dijon?
– Tonton Steph