Cette année la Route du Rock s’annonce dijonnaise. Pas parce que les organisateurs ont eu le nez creux en programmant des tas d’artistes d’ici, mais parce qu’on nous annonce un débarquement inédit de gars du 2-1 sur le littoral de la Manche. Bon, ça veut dire qu’on aura des trucs à vous balancer si ces gens se comportent mal, mais ça veux dire aussi qu’on sera moins pénards…

Comme l’année dernière, on va vous abreuver au quotidien de reports les deux pieds dans la boue mais « droits dans nos bottes ». On vous rappelle qu’on y va pour se farcir de fruits de mer et de galettes-saucisses mais aussi parce que, carré au creux du Fort de Saint-Père, la Route du Rock est le festival le plus cool de l’été. Pour cette nouvelle édition, la prog’ ressemble à un back to basics. Malgré son nom, le festoche en vrai, c’est la route de la pop. Après les agités Dirty Beaches et Crocodiles servis l’année dernière, la programmation s’envoie à fond sur… le calme. Bien entendu, on aura l’occasion de gigoter et de serrer les dents grâce à quelques artistes mais dans l’ensemble ça va être de la mise en son de neurasthénie et déprime. Des fois, ça peut-être bien… Quelques vieux sont de retour et c’est pas pour nous déplaire non plus.

Coup d’œil, tour d’horizon et écoute via le web 2.0 – player intégré, c’est à ça que sert l’article.

Vendredi 10 août

On attend énormément de The Soft Moon. On avait même calé le titre Total Decay dans notre best of single 2011. C’est noir, c’est tendu, ce sont des sonorités 1980 revisitées à la sauce 2000 et ça ne s’embarrasse pas de parole. C’est froid comme un croque-mort et raide comme une droite dans ta gueule. Serre les dents, écoute.

Spiritualized c’est beau, c’est chiant comme de la pop. C’est psyché comme du bon shoegaze. Je pense que le truc le plus intéressant et original, c’est que le groupe est issu de la ville anglaise de Rugby… Un truc de quadra sur le retour avec mèche et Converse en bandoulière. Bon.

Habitué du festival, et c’est bien, Dominique A jouera son dernier album en date Vers les lueurs. Espérons que le set sera moins laid que la pochette du skeud. Pour mémo, le gars rejouera aussi sa première galette (sans saucisse). Voir plus bas. Puisqu’on en est au CV, il vient de Provins, une vielle ville chiante de Seine-et-Marne. Pendant longtemps le maire c’était Alain Peyrefitte, quelqu’un qui a sûrement fait beaucoup dans la carrière de Dominique A.

Patrick Watson, c’est de la pop, nan ? Faut pas que j’oublie mon paquet de mouchoirs… Nan sérieux, le type a un groove du tonnerre et fait ce qu’il veut dans le genre nuance qui emballe les filles quand le feu de camp a été éteint. Y’a pas beaucoup d’électrac dans la musette du Pat’ mais ça reste un putain d’arrangeur. Pour l’anecdote inutile, c’était un super pote à feu Lhasa de Sela.

Les newbies, c’est Alt-J. Eux, pour le pedigree, viennent de Leeds. Une belle ville avec un club de football legends jusqu’en 2000. Leur musique c’est de la « pop tortueuse ». C’est le genre de gaziers à faire sortir de leur chapeau Kurt Weill, Ennio Morricone et Garfunkel. Autodérision ou fans de saut à l’élastique. A juger sur pièce avec deux-trois pièges comme les versions live de Fitzpleasures ou Bresselblocks.

On avait assisté à la Péniche Cancale au superbe concert des Civil Civic pour Novosonic. C’était vraiment bien, les mecs sont habités sur scène sur une musique tendue, répétitive et synthétique. En espérant qu’il pleuve pour leur concert.

Sinon il y a aussi Don Nino et Yeti Lane, à l’heure de la sieste et de l’apéro. Pertinent ? On vous dira.

 

Samedi 11 août

Breton, c’est un peu Metronomy qui aurait mangé un casio et qui ferait du dubstep. Comme ils joueront à la rentrée au Consortium, on vous dira si ça mérite le détour. Sinon, évidemment, c’est une bonne blague de les faire jouer en Bretagne, ces Anglais.

Mark Lanegan. Le genre de cowboy qu’on remarque jamais dans les westerns ou au mieux celui qui se fait péter sa guitare à coups de tiags par le héros pendant la poursuite avec les méchants. Pas vraiment la légende de l’Ouest mais ce pourrait être une bonne copie d’un Barry Adamson, par exemple, qui ferait des disques en attendant que l’original trépasse. Tiens c’est marrant son dernier opus s’appelle justement Blues Funeral.

Deux ans après un disque splendide, The XX joueront en avant-première leur deuxième album. C’est un exercice casse gueule de revenir quand le précédent disque a marché du feu de dieu. Le premier morceaux teasing de l’album nous laisse sur notre faim… On peut s’attendre à tout : l’effondrement du groupe parce que trop de pression ou la découverte de nouvelles pépites.

Grace à Sabotage et le festival Kill Your Pop, on découvrait la musique de Lower Dens en première partie de Deerhunter en 2011. C’est du rock psyché, lent, noisy et la chanteuse ressemble à un camionneur pour bien te faire comprendre qu’on est pas là pour pleurer ou rigoler. C’est chouette de les revoir.

Les Savages aiment beaucoup la coldwave et les années 80. Sur disque c’est pas mal, et sur scène ?

Encore un groupe qu’on a vu à Dijon, à l’Athé précisément : les Veronica Falls. De souvenir, ce sont pas les nanas les plus énervées de la terre. Le musique est très mode avec plein de reverb, ça reste de la pop. La bassiste est Française, ce qui simplifiera le truc si on fait une interview. Détail important, à Dijon elles jouaient en col Claudine. Très chic.

Willis Earl Beal. Lui, c’est le minot qui a fini les restes du festin entre Robert Johnson et le Diable. Il est de son temps alors il sample, coupe et rejoue sans arrêt. C’est rustre, du blues cuit à l’os. Quand il parle de monotonie, il joue la monotonie. S’embarrasse pas de principe le gars, mais ça peut faire son effet sur la nouvelle petite scène de la tour, surtout s’il pleut.

Les Français Egyptology attendent visiblement qu’un réalisateur ou qu’une boite de prod découvre leur musique. Le musique est la BO d’un film rétro-futuriste pas encore tourné. De là à se dire que vivement qu’ils trouvent leur réal et qu’ils arrêtent la musique… A écouter ici.

Rebelote Dominique A mais cette fois dans Saint-Malo intra muros, il jouera son opus La Fossette. Un bien bel album de 1992.

 

Dimanche 12 août

La nouvelle vedette de tous les rockers indé s’appelle Hanni El Khatib. Une espèce d’Amy Winehouse au niveau de l’intégrité et du revival, avec banane et au masculin. Ce qui reste classe c’est pas tant de défier la musique US avec un tel patronyme… En période de trauma post 11/09, ça a une certaine gueule. Il y a des muftis qui sont devenus glabres pour moins que ça. « Et ben, on va voir ce qu’il a dans le sac le rockeur ! »

Si tu aimes les affaires négociées en famille le dimanche après l’office et autour d’une bonne apple pie, The Walkmen sont fait pour toi. Tu mets le disque et c’est le Tennessee, comme on l’imagine à la française ou à New-York. C’est calme, c’est classe, c’est calme, c’est vraiment calme. C’est joliment fait, il y a plein de guitare douces et de lalala en guise de littérature. Seulement voilà ça n’a jamais fait danser Joe l’Indien ! À voir pour le warm-up, avec un demi frais à la main.

Honnêtement, c’est pour entendre enfin une fois en live la belle voix de Hope Sandoval qu’on sera au premier rang pour le come-back de Mazzy Star. Leur musique est plaintive mais aussi douce, charnelle, rêveuse. Une défonce à l’héroïne doit ressembler à ça. Le groupe avait splité au milieu des 90, et on n’arrivait pas à se consoler. Tu es jeune ? Tu as découvert la musique avec l’album Interstella 5555. Cette dame est âgée, ça pourrait être ta mère mais sa voix te rendra amoureux d’elle quand même. En plus, si t’es fan de Daft Punk, tu connais sûrement les Chemical Brothers. Ça tombe bien, avec eux elle avait fait le titre Asleep From Day, en 1999. C’est bon, tu replaces ?

On est obligés de vous dire que Chromatics c’est génial. Qu’ils font les choses bien mieux que les autres. Leur électro est vraiment fantastique quelque part entre Moroder et les meilleures heures de Cerrone. Un truc qu’on ne raterait pour rien au monde. En vrai, on va jeter un œil avant quelques bières. Le boss de Sparse refuserait de publier quelque chose d’insultant sur ce groupe (tout ce qui ne dit pas que c’est le meilleur groupe du monde, est insultant selon lui).

Stephen Malkmus & The Jicks. Ben là encore, c’est revival. Enfin presque. Tu te souviens Stephen Malkmus, c’était le boss de Pavement. L’album Slanted and Enchanted ? 1992 ? L’année du Didi de Cheb Khaled et de l’ouverture de Disneyland à Marne-la-Vallée ? Bref, Pavement. Roi des groupes indé, à l’époque tous les groupes étaient rois. Le gars sait toujours manier les riffs indies et les syncopes à faire secouer un fan de Neil Young qui ferait une cure de pop. À Saint-Malo, c’est avec son nouveau projet qu’il joue, The Jicks. Le son est vachement moins lo-fi qu’avant mais ce devrait rester cool entre Mazzy Star et les Chromatics.

Produit par Steve Albini qui veut pas lâcher les potards, les jeunots de Cloud Nothings chantent faux comme il faut, avec une assise bien lourde pour les faire passer pour des méchants. Kurt Cobain d’opérette ou vraiment démons sonores ? J’espère qu’on nous refera pas le coup du concert des Liars, l’année dernière. Rigolo là encore, le nom des gonz’, à la météo du 12 août pour voir ce qu’il veut vraiment dire.

Colin Stetson. Là, c’est le coup de cœur de Badneigbour. Le genre de trucs attendu les dents serrées. Stetson ne fait pas dans le chapeau mais dans le sax tonitruant et zig-zagueur. Il a baladé le sien du côté de chez Tom Waits ou plus récemment chez Bon Iver. Là il est en solo et fait des loops de malade avec son baryton. Comme sur son album au titre plus mystérieux qu’une recette de glace de chez Miko : New History Warfare Vol.2: Judges. Le type est signé chez Constellation, ce qui devrait déjà mettre la puce à l’oreille de tout écouteur qui a les yeux ouverts.

Judah Warsky. Lui, on nous dit qu’il joue de la main gauche. Billy The Kid faisait ça aussi. Ça porte pas forcément chance.

Sinon, il y a aussi des groupes qui joueront sur la plage, on ira voir ce que c’est et on vous racontera, dès le samedi 11 août pour le premier compte-rendu.

– Badneighbour & Martial