Suite de la virée GéNéRiQ dans le far-est. Avant Besançon, on a flirté avec les frontières. De l’aventure.
« Qu’est -ce que tu vas foutre à Mulhouse ? » Même ma grand-mère ne comprend pas ce qui peut nous obliger à y aller. Pour moi, Mulhouse c’est : gris, usines, mecs qui parlent en Alsaco. Allez-y, trouvez-moi un mec connu de Mulhouse ou un club ? Je vois bien Thierry Omeyer, mais c’est tout. Ah si, Kobe Bryant y a résidé 8 mois quand son père jouait au club. Pis c’est tout. Par contre, on s’est bien renseigné : Mulhouse c’est bien en Alsace (on avait placé Montbéliard dans le Haut-Doubs… la honte)
À peine passé Dole, le temps devient franchement degueulasse. De bonne augure. On repasse par Belfort. Salut Peugeot! On pousse jusqu’à Mulhouse qui n’est qu’à 40 bornes de Belfort en fait. À côté. Oooh. Ya un tram à Mulhouse. Il est tout jaune. Tchou tchou. On rejoint nos correspondants sur place, les mecs de Radio Campus Mulhouse, dans leurs locaux situés dans une ancienne fonderie réhabilitée en faculté. Classe.
Bon, déjà… ici les gens parlent français. D’ailleurs, nos potes ne savent même pas parler allemand. Ils ont plein de blague sur les teutons aussi. On se parle de GéNéRiQ. On leur dit qu’on était au Moloco la semaine d’avant. « Au quoi ? » Le Moloco, la salle de Montbéliard. « Ah, on n’y va pratiquement jamais à Montbéliard ». À Belfort non plus. Y’en a 2-3 qui connaissent la Poudrière mais c’est tout. Quand ils bougent, c’est plus Strasbourg ou Bâle en Suisse. Ça doit être ce qu’on appelle l’axe rhénan en géologie. Les mecs suivent le Rhin.
Les gens de la Poudrière nous l’avaient déjà dit. Les Belfortins vont plus à Besac. Les Mulhousain à Stras’. Les jeunes vont à la fac là-bas. Des habitudes se créent. On est partis au concert-apéro scène colombienne. Ici ça se tient au Bar’A’Normal. Ah non, ça a fermé. Le bar a tenu 6 mois et a mis la clef sous la porte. Du coup, ça se tient à l’Aventure, bar du centre-ville. Le groupe est calé dans un coin de la seule pièce du bar.
Tiens, Zalama Crew ! Ils vont croire qu’on suit leur tournée. Ça fait 3 fois qu’on les voit dans des villes différentes. Pour avoir discuté avec des Colombiens, on sait que les Zalama viennent du ghetto de Cali, ils ont des textes ultra revendicatifs et politisés. Avec le sosie de Kevin Garnett en MC.
Encore une fois c’est le show sur scène… mais juste sur scène. Au début du set, il devait y avoir 10 spectateurs. Le patron nous explique que c’est compliqué de bouger les gens sur Mulhouse. La veille, il n’y avait personne non plus. Le mec est déçu, mais il garde le moral. C’est lui même qui va présenter le groupe sur scène.
On doit filer au concert du soir. La Smac du coin, c’est le Noumatrouff. C’est une salle qui est encore gérée par une association Hiéro. Pour les plus jeunes, Hiéro est une fédération d’associations qui géraient pas mal de salles -bien alternatives en général- et programmait dans pas mal d’endroits, surtout dans l’est de la France, dont la Vapeur à Dijon. Il en reste très peu maintenant, ça marche encore à Mulhouse apparemment.
Mais ce soir, ils la jouent hors les murs. On n’aura donc pas l’occasion d’y aller. Dommage. Ce soir ça se passe à St Louis, à 30 bornes de Mulhouse. C’est facile à trouver sur la route, c’est le seul nom de ville qui ne finit pas par -sheim. St Louis, c’est exactement à l’angle de l’Alsace. À 500 mètres t’as la Suisse, à 500 mètres t’as l’Allemagne. Zone de non droit. Encore, l’Allemagne, on veut bien faire des blagues sur nos copains… mais la Suisse, non ! Pas de discussion. Ça fait flipper ! Super accueil, encore une fois décidément, des gens du Noumatrouff qui gèrent cette soirée à St Louis et des techniciens. On nous file des tickets où il est marqué « Free Pussy Riot ».
Petite salle de 250 places, au jugée. En fait c’est une salle de la Mairie. Heureusement, il y a des pendrillons, un petit fond de scène, ça va. Ce soir, c’est First Aid Kit et Idiot Wind. Groupes suédois, leur seule date. En fait, First Aid Kit a été choppé par les programateurs en tournée. Et Idiot Wind, c’est la première partie de la tournée de First Aid Kit.
Y’a déjà une bonne centaine de personnes dans la salle au début de la soirée. Pas mal d’Allemands, dont un très grand. Calé juste devant la scène. Sosie de Fred Weis, le basketteur, pour ceux qui s’en rappellent. Il nous gênera toute la soirée.
On a besoin de clopes. Mon collègue se propose d’aller en chercher en Suisse. Y’a que là que c’est ouvert. Il revient soulagé de 20 euros pour 2 paquets… je t’avais dit de pas y aller. Début du concert d’Idiot Wind. Personne ne sait comment éteindre les néons de la salle de la mairie. Ça crée une ambiance particuliere.
Idiot Wind, c’est Amanda Bergman. Seule au piano ou à la gratte : elle avoue au public ne pas savoir très bien en jouer et s’en excuse. C’est chou. Petite folk toute douce, la demoiselle a un petit chapeau, la gueule de Neneh Cherry, et la voix éraillée de Feist. Elle nous fait un set de 30 minutes. C’est plutôt bien fait, le public est conquis. C’est pas très original mais ça fonctionne.
Petit entracte. Comme on est dans une salle de la mairie, on ne vend ni à boire ni à manger. On va au kébab du coin. Ça parle allemand, turc, français, alsacien. C’est cool, on voit qu’on est à un carrefour. L’alsacien, pour toi, c’est comme l’allemand… mais si tu dis ça à un Alsacien, et bein il te défonce. Ce qui est drôle en Alsace, c’est quand tu dis « merci » à quelqu’un, il te répond « s’il vous plait », comme en Allemagne. Mais ça si tu lui dis, il te défonce.
Commence le set de First Aid Kit, quelqu’un a trouvé comment éteindre les néons. Ils sont 3 sur scène. Johanna et Klara, 2 sœurs suédoises de 19 et 22 ans qui ont crée le groupe et qui composent, et un batteur, Niels. Guitare, batterie et clavier. Ce qui est dommage parce que sur l’album, il y a pleins d’autres instruments : basse, accordéon… tout ça a été mis en boite et sort du clavier pour le live. Ça n’a pas le même goût, balot.
First Aid Kit, c’est des ballades pop folk. Les 2 filles sont toutes mimi, un peu beatnik avec tuniques et fleurs dans les cheveux. Elles parlent un peu français avec le public. C’est super bien fait, mais elles ne sont pas des bêtes de scène. Ça bouge sur 2-3 morceaux, c’est tout. C’est doux comme un bain chaud. Le tout avec un jeu de lumière assez agréable. Elles nous feront aussi un titre complètement acoustique en bord de scène. Classe. Dernier morceau, elle reprennent un Paul Simon, « Best songwriter ever ». On comprend mieux leur musique avec ça. Idiot Wind les rejoint pour le rappel.
Il est temps de rentrer. En 2h15, on est à Dijon. Pas plus loin que Lyon, plus près que Paris. Pour peu que tu aies l’argent pour prendre le TGV (ou alors un crédit Cofinoga), t’y es en 1h10. À proximité, tu peux aller à Freiburg, élu meilleure ville allemande par Monsieur Pop, prince de la culture dijonnaise. Tu peux aussi aller à Bâle, mais là, on ne pourra plus rien pour toi.
– Mika Pagis
Photos : POB