Aujourd’hui, direction l’Espagne, les États-Unis, la France des années 1920 aux années 1980 et les grands espaces métaphysiques.

Je sais pas pour vous, mais moi, j’ai une sorte de « panthéon personne » avec mes artistes préférés, mes radios chéries, tout un tas choses et j’aime pas trop qu’on touche à ceux que je mets dedans. En dessin, peinture et autres trucs comme ça, là haut, tout en haut, je place Picasso. C’est pour ça que je n’ai pas ouvert une bédé récente sur mon Pablo Picasso. Imaginez l’espèce de fausse bonne idée : dessiner des tableaux, dessiner des dessins. La période bleue reproduite et tout le mystère de la période Bateau Lavoir… Non, c’est trop pour moi. Pourtant il parait qu’elle est très bien cette bébé, mais c’est moi, je verrai plus tard.

 

Dans la même logique après Picasso, voilà qu’on s’attaque à Dali. C’est Baudouin, Edmond de son prénom, qui nous propose son Dali. Alors, Dali est quelque part dans mon temple perso, je ne sais pas où mais forcément moins haut que Picasso. Dali, pour moi, c’est l’art au service des bourgeois. C’est Breton qui le vire des surréalistes et qui l’appellera Avida Dollar. Dali, c ‘est aussi le type qui sera reçu par un pape, sera décoré par Franco et se piquera d’Amanda Lear.

Mais Dali, c’est malgré tout le surréalisme poussé à l’extrême, le délicieux délire de la paranoïa critique. Les films, avec Bunuel, L’Age d’or ou Un chien andalou, des choses moles et drôles et puis c’est surtout le Poulidor de l’art espagnol, le Rolling Stone de la Mancha, l’insupportable second rôle derrière Picasso. Un mec qu’on finit par aimer tellement il veux qu’on l’aime.

Vous comprenez pourquoi c’est sans problème et finalement avec plaisir que j’ai ouvert ce Dali par Baudouin. Enfin, avec quand même un frein à main perso encore : les bédés de Baudouin, c’est quand même souvent suicide avenue ou « comment à coté du vide de l’existence, comment je me sens triste ».

Et, bonne surprise, le livre est bien. Un peu trop didactique à mon goût mais comme il est co-édité par les éditions du centre Pompidou, on ne peut pas leur en vouloir pour ce souci scolaire, explicatif. Mais grande question : comment rentrer dans l’œuvre de Dali ?

Pour Baudoin, ce sera tout simplement par la porte des tableaux. Il suit pas à pas la vie de Dali, de son enfance à sa fin en le situant dans les horizons métaphysiques ou géographiques intimes de ses tableaux. C’est pas bête et ça marche. Faut quand même pas vous attendre à trouver pile poil les œuvres de Dali. C’est interprété par Baudouin, c’est noir et blanc, parfois avec un peu de couleur, très joli, stylisé encre de chine.

Baudouin tente quand même à sa façon de percer le mystère Dali. Pas facile et ça passe forcément par l’explication psychanalytique. Une des clefs, c’est la mort de son frère, son cadet de quelques mois à peine et prénommé Salvador. Le genre de truc qui d’entrée de jeu sabote une partie de ton destin.

Lui, ne serait que l’enfant de remplacement. Lui, devra se faire désirer pour ce qu’il est, il faudra qu’il en envoie pour deux. C’est pas le premier à utiliser ce fil pour expliquer Dali. Mais ça fonctionne. Et puis deuxième piste, Gala. La femme, la muse de celui qui est resté puceau jusqu’à ses 24 ans. Une espèce de maman-madone qui en plus de l’inspirer semblait régenter la vie du roi de la moustache. Il y aurait un livre à faire sur elle parce qu’elle est vraiment très énigmatique. Le bouquin évite aussi de trop s’appesantir sur  toutes les anecdotes spectaculaires de Dali. Forcément, il y en a quelques unes comme le coup de la corne du narval et le rhinocéros avec son obsession pour la dentellière de Vermeer. Pour nous faire l’histoire, on a un joli petit couple qui nous narre Dali sur le mode de « il était une fois ». On oublie et on range cet artifice au rayon didactique de tout à l’heure, hein, c’est pas la grande réussite de ce bouquin, ça.

Et puis, pour finir, comme un bouquin papier, c’est aussi un truc physique, je dois vous dire que ça fait plaisir de lire quelque chose qui sent bon l’encre comme ça et qui qui est édité dans un joli format, vertical. Un bon livre de Baudouin. Une bonne bio-graphie avec un vrai regard d’auteur qui ne chamboule pas mon panthéon, à qui j’ai donné sa chance, mais qui n’arrive pas encore à me donner envie de plonger dans la bio dessinée de Picasso.

– Martial Ratel

Dali, par Baudouin – Baudoin – Dupuis, autour de 20 euros

La chronique bédé est un partenariat avec Radio Dijon Campus.