Nous voici de nouveau sur les routes de France, direction Besançon cette fois-ci pour la fin du festival GéNéRiQ. Ça a du bon les festivals, ça te permet de te rendre dans des lieux où tu ne serais jamais allé de ton propre chef. D’ailleurs, sur l’autoroute, dès qu’on croise le panneau Franche-Comté, on se met tout de suite dans l’ambiance: la température extérieure vient de chuter violemment, et notre moral avec. Cette région qui regroupe notamment le département du Doubs et du Jura compte parmi les zones géographiques les plus froides de France. Imaginez-vous : des forêts de sapins, des montagnes, coincées entre le ballon d’Alsace, le Mont d’Or et la Suisse. Brrrrrrr.
« On commencera par une anecdote autoroutière. Invités à un buffet danois avant le concert de samedi soir à la Rodia, nous avons lamentablement échoué à quelques centimètres de ce repas. On peut aujourd’hui le dire et la colère nous mord encore la nuque : ce fail, c’est de la faute de cette jeune Doubiste qui n’a pas eu l’option « paye ton péage » lors de ses cours de conduite. Après dix minutes interminables pour essayer deux cartes bleues (dont trois essais dans le terminal de paiement des camions), elle finit par mettre ses warnings, appuie sur le bouton « j’appelle le responsable invisible » et scanne son chéquier (???). Mais pourquoi ce genre de trucs nous arrivent à nous hein ? Pourquoi hein ?
Quand tu arrives aux abords de Besançon, tu te retrouves obligé d’emprunter la N57, c’est un peu comme le Orbital Motorway qui te permet de circuler autour de Londres, en bien moins grand évidemment. Et forcément, sans GPS, on se plante de sortie, obligés alors de reprendre cette nationale plus loin, nous faisant perdre, à nouveau, une bonne vingtaine de minutes. Donc on a un peu la haine. La N57.
Pilotis et tampons invisibles
19h50, on arrive enfin à la Rodia, superbe Smac toute neuve construite sur pilotis, sur le Doubs, au pied de la Citadelle. La salle est canon. On nous annonce une capacité de 900 places ! Hé oui, les Bisontins qui ne représentent qu’un tiers de la population dijonnaise ont droit à une Smac plus grande que chez nous, ici, avec la Vapeur… Alors c’est génial, on te met un tampon invisible, qui ne se voit qu’au passage du sas sous lumière noire pour rentrer dans la salle, et t’as même une voix suave qui t’annonce le début des concerts.
Complètement 2.0 cet endroit. Petit bémol tout de même, l’entrée dans la salle se fait par l’avant de la scène donc très vite, les gens s’agglutinent à cet endroit précis. Et quand l’endroit se remplit, tu es tiraillé entre l’idée d’aller te faire une place au milieu, pour profiter de la scéno et de l’acoustique et ta soif intangible de bière blonde. Tu restes donc là, comme un con, à côté des portes pour pouvoir aller te ravitailler quand bon te semble. La circulation se fait mal, y compris au bar situé dans le hall, qui n’est pas très large. Il s’avère très difficile d’approcher le comptoir. Pour ce qui est de se rendre aux toilettes, situées tout au bout du zinc, avec 500 personnes dehors entre les concerts, tu n’y penses même plus et envisages sérieusement d’aller uriner dans le froid. Dans le Doubs. Si tu as un pénis. À part ça, les mecs de la sécu sont assez drôles. À notre première pause clope, on leur demande s’il n’y a qu’une seule porte pour entrer et sortir. « Ben non, il y a un toboggan au deuxième, mais vas-y pas trop fort, sinon tu finis dans la rivière ». Nous voilà fixés.
Pinkunoizu, le bijou
Bon, et les concerts ? Pinkunoizu sont les premiers à passer. Ils sont quatre sur scène pour une formation guitare-guitare-basse/clavier-batterie, avec trois mecs et une fille, qui pour une fois, ne fait ni les voix, ni le tambourin (dédicace aux Dandy) mais accomplit un travail hallucinant avec ses baguettes derrière una batterie qui fait deux fois sa taille. Ils nous refont un peu l’histoire du rock, parfois prog, souvent pop, les morceaux se scindent en plusieurs parties, commençant par une production assez intimiste, pour finir dans un brouhaha hypnotique bourré d’effets avec des choeurs à la Animal Collective. Bonheur. On repense aux grandes heures des prod’ à rallonge d’Archive, à la sincérité de Bon Iver, à l’audace des Flaming Lips. Il n’y a pas grand monde encore dans la salle. On ne le saura que plus tard mais Pinkunoizu, c’était le bijou de la soirée.
Reptile Youth, l’arnaque
Ivre, un membre de l’équipe de Sparse tente de rentrer dans les loges pour sauver quelques hypothétiques restes de buffet danois et se fait kicker immédiatement. Bien essayé quand même, c’est un esprit du risque qui t’honore.
Suite des hostilités musicales. On peut penser sans risque de se tromper que les excellents programmateurs danois (rappel, GéNéRiQ s’est acoquiné avec le Spot festival) ont amené avec eux un intrus. Et c’est intrus est Reptile Youth. Parce que là franchement, non, c’est pas possible. Jusqu’ici on avait vraiment apprécié les groupes du pays du Légo mais ce groupe là doit prendre cher et nous venger de notre échec à quelques minutes simplement du buffet danois. Il faut vous dire que Reptile Youth est un cauchemar total : un chanteur qui a toujours vénéré Jim Morrisson et pense qu’il en est la réincarnation scandinave, un bassiste qui ressemble à s’y méprendre à un pompiste de la grande banlieue de Vesoul et un batteur à pull à ramages. Il faut bien tout ce beau monde pour faire une bouillie qui veut absolument faire rencontrer Blur et les Doors. Rien que ça. Dix minutes plus tard, on retourne fissa mater le Doubs qui nous assure qu’on en verra d’autres. Que tout ça c’est pas grave. Le Doubs est un fleuve cool. La Citadelle aussi en a trop vu pour ce soir, 23h30 elle s’éteint semblant nous dire « Hey c’est bon j’en assez vu moi ». Derrière la forteresse s’endorment les tigres, les singes et les impalas. Into the Wild.
Dandy Warhols, 20 ans plus tard
Les Dandy Warhols sont déjà sur scène quand on re-rentre dans la grande salle de la Rodia. Premier truc qui choque, le chanteur a pris un bon coup de vieux, cheveux long, t-shirt Star Wars et Ray-Ban de vue, on dirait un nerd qui a raté le tournant du siècle. Les trois autres ont la pêche, le batteur a toujours ses rouflaquettes à la Richie Blackmore et la claviériste remue pendant tout le concert comme si elle faisait un lap dance sur un cowboy imaginaire, elle frappe son tambourin contre sa cuisse. La zic des Dandy est restée sexy.
On ne sait pas si c’est le froid bisontin, mais la voix est tamisée, ça manque de puissance, voire de conviction. On retrouve quand même ce truc particulier, ce truc bohême urbaine comme le disait si bien un de leurs albums. Ils sont là pour faire le taf’ mais ils savent ce qu’ils font, et si on compare à d’autres groupes de ce soir ou du festival, qu’on ne citera pas (BRNS ou Wu Lyf, ce qui est sensiblement la même chose), ça ne sert à rien d’hurler pour faire passer un truc. En fait, après ce qu’on a pris la veille au soir et le réveil tout juste avant de sauter dans la voiture à 18h, on est aussi fatigués qu’eux donc ça va.
On a quand même assez d’énergie pour avoir envie de frapper le lighteux. Des lasers en forme de soleil, sérieux ? Il nous aura bien flingué les rétines toute la soirée. Le public bisontin aussi a dû en prendre une vendredi soir, ça ne bouge pas, beaucoup de quadras, la fosse sautille de temps en temps, un type tente un slam minable mais rien de très rock’n’roll. Les dandies de l’Oregon servent au final un set très ambiance, assez psyché, ils prennent le temps sur les intros et les outros, gros moment quand ils enchainent Bohemian Like You et Get Off. Courtney Taylor-Taylor nous dit qu’il leur reste juste assez de temps pour un dernier morceau. Ils nous servent une très jolie ballade country à l’harmonica et au bottleneck. Bilan, on est loin des folies de DiG! mais c’est un bon concert pour un dimanche soir… pardon, un vendredi soir.
Retour dans le 2-1
Un mot sur Battlekat, quatrième groupe dans le club de la Rodia, pur produit scandinave. Un truc dingue entre le The Do (en bien) et The Knife avec un viking Aghori en tunique aux commandes d’un mac. Ouf !
Il est temps de rentrer. Merde, on a encore raté la bonne sortie pour reprendre l’autoroute. On a la N57. Sur un pont qui enjambe le Doubs (un fleuve qu’on aime tous, pour une raison encore inexpliquée) une jeune fille est allongée, ivre morte, nez sur le bitume… il fait moins dix degrés. Tout va bien.
– Par Sophie Brignoli, Emmanuel Pop et Anthony Ghilas
Photos : EP
Suite et fin de notre road trip sur les routes du festival GéNéRiQ, demain, même lieu même heure. Avec des gouttes de sueur, de la barbe et des chemises à carreaux.