Aujourd’hui, deux livres très différents. L’un est sorti il y a quelques jours : Les fantômes du Louvre selon Bilal. L’autre est sorti il y a quelques mois. Une histoire sur… l’alpinisme, à la fin du 19ème, qui s’appelle L’Invention du Vide.
L’invention du vide par Nicolas Dabon, au dessin et au scénario. D’abord, graphiquement c’est très beau. Un dessin qui tend vers un pastel bizarre. Le dessin travaille énormément les jeux de lumières, forcément en montagne le soleil et les nuages, ça joue beaucoup. Durant les presque 80 pages, on est plongé dans une atmosphère brumeuse, flottante tout à fait agréable. En plus Dabon prend son temps, quand il a besoin de pages entières pour planter son action, il ne se gène pas. Il y a un beau va-et-vient entre la verticalité des montagnes et les angles de vues : plan serré, contre-plongée, plan large… bref, tout y passe sans avoir l’air d’y toucher.
Le bouquin aurait très bien pu s’appeler L’Eloge de la lenteur. Parce qu’entre le côté minéral des rochers, de la montagne, le dessin est étrangement statique, comme fixé par le vertige des exploits à accomplir. Même dans les scènes d’escalade, ce n’est pas la lutte contre la nature, la matière, c’est le contournement de la difficulté qui nous est montré, pas l’agression.
Cette bédé, c’est aussi la contemplation : contemplation de la nature et contemplation de ces pages d’histoire de l’alpinisme des premières heures qui s’écrivent sous nos yeux, les Alpes comme décor et Chamonix comme rampe de lancement.
L’histoire prend comme toile de fond les écrits d’Albert Frederick Mummery, Mes escalades dans les alpes et le caucase publié en 1895. Là, notre Albert Frederick en compagnie de deux guides suisses, Alexander Burgener et Benedikt Venetz, se lance à l’assaut de l’inaccessible aiguille du Grépon, un truc tout lisse en caillou qui culmine à 3482 mètres dans les Alpes françaises. Y arriveront-il ce 5 août 1881, avec leurs chausses, leurs pantalons doublés de cuir, leurs cordes de charretier et leur tronches d’aristos à l’heure du thé ? Réponse dans la bédé.
Bilal, le Louvre et les fantômes : à fuir ?
Deuxième bouquin, après les moments d’histoire des valeureux alpinistes : Les fantômes du Louvre d’Enki Bilal. Comme tous les ans à peu près, le Louvre ouvre ses portes à un auteur de bande dessinée : Marc-Antoine Mathieu, De Crécy, Prudhomme et d’autres.
Là c’est la star intergalactique qui s’y colle, Bilal. Et entre nous, c’est pas bien du tout. On oublie la bédé classique à papa, on est dans une tentative graphique. Bilal a pris en photo des œuvres qui lui parlaient. Et si ces Victoire de Samothrace, Joconde ou autre Dürer, Delacroix ou casque antique Corinthien -en tout 22 œuvres choisies- ont retenu son attention, c’est parce qu’un fantôme était là et lui parlait, à notre Enki. Jusqu’à présent vous me direz pourquoi pas. Sauf que Bilal va sortir ses photos sur toile et va peindre dessus ces fantômes.
Et il va nous raconter l’histoire de ces esprits qui hantent les œuvres, genre le sculpteur, forcément anonyme, de la Victoire de Samothrace ou la fille qui a fait les pigments dans tel tableau classique. C’est lourd, c’est répétitif et très franchement ça n’apporte rien. Ce livre est à fuir, il m’est tombé des mains. Dernière chose qui, peut-être, peut sauver le livre : si vous aimez par dessus tout le graphisme de Bilal, vous trouverez au moins de jolis portraits.
– Martial Ratel
Les fantômes du Louvre, Bilal – Futuropolis et le Louvre, 25 euros
L’Invention du Vide, Nicolas Debon – Dargaud, autour de 17 euros
La chronique bédé est un partenariat avec Radio Dijon Campus.