Après le magnifique faux western L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, le Néo-zélandais Andrew Dominik s’attaque à un autre genre cher au cinéma américain : le polar. Aux côtés de son fidèle Brad Pitt, il adapte le roman noir des années 70, Cogan’s Trade, une histoire de gangsters revue comme le portrait désenchanté d’une Amérique à l’aube d’une crise financière majeure.

La scène d’ouverture annonçait pourtant du bon avec cette allée jonchée de déchets dans, on le devine, un quartier pourri, image d’une ville déchue entrecoupée de plans du générique, sur fond de bribes du discours de la première victoire d’Obama. Un lieu de rendez-vous miteux à l’image de deux petites frappes à l’origine d’un braquage foireux et toutes ses funestes conséquences. Il y a un peu des frères Coen dans ces deux truands à la petite semaine. Car on sait bien entendu qui seront les dindons de la farce.

Killing Them Soflty aurait pu être un sympathique polar absurde mais Andrew Dominik s’égare dans la longueur interminable de ses scènes. Un film de gangster ultra bavard qui devient rapidement sans rythme, un peu comme une succession de sketchs répétitifs et sans chute… La violence surgit alors quand on ne l’attend plus, et comme les dialogues 10 fois trop longs, elle peut devenir assez chiante, notamment lors de la scène d’abattage et d’accident de voiture, en ralenti abusif.

Des gangsters vieux et essoufflés

On ne crache pas sur la BO (Johnny Cash, Nico et Cie), mais les dialogues sont un vrai problème dans ce film d’1h37 qui semble en faire 3… Certes les bandits tuent, trafiquent, baisent et picolent mais ils bavassent aussi comme de vraies pies. Tarantino réussit parfaitement ce genre de scène, quand des braqueurs peuvent discuter pendant 10 min sur le sens d’une chanson de Madonna. Mais dans Killing Them Softly les discussions dérivent tellement que ça en devient flou et inaccessible, comme si les personnages s’écoutaient parler et se regardaient un peu trop le nombril. Difficile ainsi de se marrer un peu et de rentrer dans l’histoire !

Le début de la crise en filigrane n’a rien de très subtil, avec ces TV et radios qui nous accompagnent tout au long du film. Les discours des politiques, à savoir Bush et Obama, sont évidemment en antinomie totale avec la dure réalité, merci, on s’en doutait un peu. Eh oui la crise touche aussi les gangsters, c’est une époque bien sombre…

On aime par contre son casting d’acteurs vieillissants, dont les visages marqués ont aussi marqué les fans du genre, qu’il s’agisse de Ray Liotta des Affranchis ou de James Gandolfini des Soprano. Sauf que là, les gangsters sont vieux et essoufflés. L’un se fait rapidement avoir tandis que l’autre n’est plus que l’ombre de lui-même, abîmé par l’alcool, le trop plein de cul et les regrets. Une belle mise en abyme d’un genre peut-être lui aussi essoufflé qui se doit d’évoluer.

Avec une intrigue on ne peut plus minimaliste, Andrew Dominik donne une vision bien singulière du film noir américain, mais son film reste chiant et poussif. Dommage…

– Alice Chappau