Rich Aucoin, c’est le mec que tu voudrais que ta soeur épouse. Beau canadien de 29 ans, à la fois musicien et sportif, on l’a découvert en France avec « We’re All Dying To Live », album de synth-pop naïve mais néanmoins efficace. La véritable arme secrète de Rich se dévoile en live car plutôt que de soigner sa musique, il a choisi de tout miser sur le public. Avec lui, tout le monde est acteur : chorégraphie, chant, danse… Il n’hésite pas à descendre dans le public et sauter partout pour enrôler les plus sceptiques. On se laisse embarquer facilement dans ce monde de vidéos Youtube à la fois absurdes et touchantes, de textes remplis de bons sentiments et de lancés de paillettes. Un véritable show à l’américaine, avec peu de moyen, complètement Do It Yourself. Programmé sur le dernier festival GéNéRiQ, nous l’avons rencontré à la Ferronnerie, après son concert pour les kids. Il évoque avec nous les secrets de fabrication de son show, ses films d’enfance préférés et son implication au sein de différentes associations caritatives.

– ENGLISH VERSION –

Comment trouves-tu les noms des personnes du public que tu affiches sur l’écran au début de ton set ?
C’est de la magie.

Ton concert, qui ressemble plus à une grande fête, me rappelle les performances live de Gregg Gillis alias Girl Talk. Es-tu d’accord avec ça ?
Oui, j’ai déjà fait la première partie de Gregg et d’ailleurs nous sommes restés en contact. Je l’ai également vu joué plusieurs fois et ses shows se transforment toujours en grande célébration, bourrée d’énergie. On partage cette même intention de créer une véritable ambiance sur scène.

Comment choisis-tu toutes les vidéos qui sont projetées pendant que tu joues ?
En fait je compose la musique à partir de ces vidéos. Mon premier EP par exemple est basé sur le dessin animé « Comment le Grinch a volé Noël » et j’ai construit le deuxième single à partir de clips formés par quatre films passés dans le domaine public. L’entreprise Dr Seuss m’avait auparavant envoyé une lettre de mise en demeure pour le Grinch donc je me suis résigné à utiliser des données libres de droit. J’utilise maintenant des animations d’argile du Petit Prince pour un de mes morceaux, ce que peu de monde réalise puisque c’est le moment où tout le monde se retrouve sous le parachute… (rires) Les autres vidéos, comme celles compilées de Charlie Sheen ou des fantômes qui hurlent, ce sont juste des vidéos que j’ai sélectionnées après les avoir visionner. Tout le monde dans mon entourage sait que je passe beaucoup de temps sur Youtube donc je reçois énormément de liens de mes potes. Si ces vidéos m’inspirent quelque chose je les utilise ensuite dans mes sets. Charlie Sheen parle constamment de gagner, d’être le meilleur dans toutes ses apparitions publiques alors je trouvais ça marrant de les compiler en les entrecoupant de vidéos de mecs faisant des trucs à la fois bizarres et géniaux, comme un backflip dans un pantalon ou sauter au dessus d’un énorme trou en segway. (rires) J’essaie de trouver des vidéos propres aux pays dans lesquels je joue, comme celle de la bataille entre agriculteurs pour la France.

Toutes ces vidéos hallucinantes font presque passer la musique au second plan, non ?
On m’a déjà fait cette remarque parce que c’est assez rare d’avoir des artistes qui introduisent leur musique ainsi, ça peut surprendre. Ça ne me dérange pas. J’ai choisi de les présenter comme ça plutôt que d’arriver sur scène et de sortir un « Salut, voici mes morceaux… à plus ». Il se passe plein de choses musicalement également, mais c’est selon si les gens peuvent le percevoir… ou pas.

Je sais que tu as fait plusieurs tournées à vélo pour récolter des fonds pour la Fondation canadienne contre le cancer et plusieurs marathons pour la Fondation des maladies du coeur. 
J’ai fait une liste de tous les organismes dans lesquels je veux m’investir et j’espère bien pouvoir tous les rayer un jour de ce papier.

Pourquoi une telle implication ?
Parce que ça fait du bien. C’est juste une forme de bienveillance. Je fais aussi pas mal de concerts de charité et c’est agréable de se dire qu’on est là, en train de faire la fête et qu’au delà de cette satisfaction personnelle il y a un bienfait d’ordre plus général, pour une cause noble.

Tu as fait une attaque, très jeune. N’as-tu pas envie de te préserver un peu maintenant ? Quand on te voit sur scène on a l’impression que tu donnes tout…
Quand je monte sur scène, je joue toujours comme si c’était la dernière fois. Je me sens en bonne santé alors je donne tout et je sais que mon coeur aura récupéré pour la date suivante, grâce à la médecine et beaucoup de café. Il m’arrive de descendre un pot de miel quand je me sens à bout, ça te donne tout le sucre dont tu as besoin et ça protège aussi ta voix.

Tous tes textes ainsi que les messages diffusés sur écran sont très emprunts du message « carpe diem ».
Comme tout le monde, j’ai dû faire face à la mort de proches et d’amis et j’ai moi-même côtoyé celle-ci de près, que ce soit après un accident à vélo contre une voiture à Toronto, ou une autre fois en faisant du surf. On l’ignore trop souvent mais la mort n’est jamais très loin, je pense que c’est une bonne manière d’appréhender la vie.

Tu as pratiquement cassé un passage de câbles hier soir au Consortium (ndlr : interview réalisée fin novembre 2012). Ça t’arrive souvent ?
Évidemment, j’ai déjà cassé des choses pendant des concerts. Je fais toujours le tour des salles avant de jouer pour m’assurer que les éléments sur lesquels je m’appuie peuvent supporter mon poids. Un jour, en escaladant un balcon, je me suis pris un coin de table juste au dessus de l’oeil, j’aurais pu devenir aveugle. Dernièrement, au Divan Orange à Montréal, j’ai enjambé toutes les tables de la salle qui sont tombées les unes après les autres, alors qu’elles étaient pleines de verres. Un peu à la Indiana Jones, c’était complètement fou.

Dans ton clip « It », il y a beaucoup de références à des films des années 90 : Ghostbusters, E.T, Topgun… Certaines sont un peu ringardes, non ?
Ce sont mes films d’enfance préférés. Je sais pas si ringard est l’adjectif qui convient… Je pense toujours que ce sont des films incroyablement bien fait. Peut-être que Top Gun est ringard mais La Princesse Bouton d’Or je trouve ça génial. La manière dont la narration se construit est très cool.

Quelque part tu as donc gardé cet esprit d’enfant ?
Parce que tu penses que c’est possible de le perdre ? Tu as l’impression d’avoir perdu ces références ?

Non, bien sûr, mais la plupart du temps quand je regarde à nouveau ces films je suis déçue.
Certains ont mal vieilli, je comprends ce que tu veux dire. Mais ceux que je préfère sont très appréciables, même d’un point de vue d’adulte. Je suis à jamais fan des premiers Star Wars avec toute cette ébullition à l’époque avec l’arrivée de nouveaux réalisateurs et de nouvelles méthodes de production. Et je pense apprécier de la même manière un après-midi au musée qu’une soirée jeux-vidéo entre amis. Pour nos parents c’était différent, ils se devaient de grandir vite et de laisser de côté leur part d’enfant. La fin de l’adolescence est maintenant passée de 18 à presque 30 ans ; à 18 ans avant tu avais ton travail et tu commençais à construire une famille. Notre génération commence à se poser la question d’un avenir professionnel stable autour de 30 ans pour éventuellement faire des gosses à 35 ans.

Lors du concert pour enfants donné aujourd’hui, as-tu apporté quelques modifications à ton show ?
Je n’ai pas fait l’affichage de nom que je fais tout au début normalement et j’ai enlevé le morceau « Brian is A.L.I.V.E » qui pour moi ne s’intègre pas du tout dans un concert en journée. Mais avec les enfants, ou devant un parterre de gens ivres, ça fonctionne de la même manière ! Je pense qu’hier soir les gens étaient dans un état bien prédisposé pour faire la fête, à part six personnes qui étaient vraiment défoncées. Les mecs sont bourrés et donc super excités, même si au fond ils ne prêtent pas du tout attention à ce qu’il se passe sur scène. Si tu leur demandes de faire un truc comme mettre la main sur l’épaule de ton voisin, ils se mettent juste à hurler très fort. Un peu comme le mec qui en sautant sur scène hier a failli casser mon projecteur. Quand je suis allé lui dire que c’était le truc le plus cher de toute la scéno, il a retrouvé ses esprits et s’est engagé à surveiller l’appareil. (rires)

As-tu déjà joué devant un public impassible ?
J’ai pas encore connu d’échec cuisant… Je crois que la pire expérience c’était à Paloma, à Nîmes quand j’ai fait la première partie d’un groupe de folk à violon. En montant sur scène, j’ai réalisé qu’il n’y avait que des cinquantenaires et absolument personne ne voulait bouger. J’aurais dû jouer les morceaux qui ne demandent aucune énergie du public mais je me suis entêté et j’ai fait le show. C’était assez marrant parce qu’ils n’arrivaient pas à suivre les chants.

C’est un peu ta manière d’avouer que ta musique s’adresse avant tout aux plus jeunes ?
Oui, le public idéal pour moi a entre 14 et 40 ans.

Des projets en cours ?
De retour à Halifax, je vais m’attaquer au second album. Je joue déjà deux nouveaux titres en live, « Quatre ans de plus » et celle avec le parachute. Je vais rester dans ces ambiances là, des morceaux rapides, énergiques.

 

– Propos recueillis par Sophie Brignoli
Crédit photo : Louise Vayssié