Matthieu Casteran bosse sur le contrôle des mouvements et le vieillissement. Il est l’un des huit étudiants-chercheurs qui animeront ce dimanche la nouvelle édition de l’Experimentarium. Installés au centre des sciences du goût, ils présenteront tout l’après midi leurs travaux de recherche au grand public. On a voulu tester la résistance du jeune chercheur face à nos questions de rookies.
Photo : une étudiante équipée de capteurs doit reproduire à l’aide de différents pads une musique jouée par sa voisine. Les caméras situées autour d’elle vont permettre d’enregistrer de manière très précise l’ensemble de ses mouvements.
Quel est ton parcours ?
J’ai une licence STAPS « entrainement sportif et planification à la haute performance » à Nancy et je suis parti sur un master Maths-Info où je faisais de la programmation informatique, de la modélisation 3D. Ça peut sembler très différent, ces deux formations, mais en réalité c’est complémentaire. Je suis arrivé à Dijon il y a 3 ans pour mon stage de master 2 et je suis aujourd’hui en troisième et dernière année de thèse.
Comment as-tu choisi ton sujet de recherche ?
En master 2 on cherche des stages pour valider l’année et j’ai demandé à l’université de Bourgogne s’ils avaient un sujet qui pourrait correspondre à mon profil. Ici à Dijon, on fait beaucoup de STAPS, pas trop de traitement mathématique au niveau de l’informatique donc mes connaissances dans ce domaine se sont révélées utiles. C’est grâce à ce stage que j’ai commencé à m’intéresser à la recherche.
Tu fais partie du laboratoire de « motricité et plasticité »…
Alors le nom a changé, maintenant c’est « cognition, action et plasticité sensori-motrice ». Dans ce labo on essaie de mieux comprendre comment le cerveau commande notre corps. La plasticité par exemple, c’est la capacité du cerveau à évoluer, à pouvoir remodeler face à un déficit ou de nouveaux apprentissages.
Ton sujet de thèse, c’est l’étude des effets du vieillissement sur le contrôle de l’équilibre et des mouvements. De quoi s’agit-il concrètement ?
Quand on est enfant, on apprend à coupler les mouvements, sans perdre l’équilibre. C’est l’exemple de l’enfant qui commence à marcher, si on lui donne un ballon, il va tendre les bras et risque de tomber sur les fesses parce qu’il ne sait pas encore comment réaliser l’action dans sa globalité. On regarde comment on arrive à l’apprendre, si ça évolue dans le temps, si ça se transforme ou disparaît. Concrètement, on réalise des expériences avec des jeunes et des personnes âgées à qui l’on fait répéter une action, comme par exemple se baisser pour ramasser quelque chose. Ils doivent l’exécuter à plusieurs reprises et à des vitesses différentes. Ils sont équipés de capteurs et nous avons des caméras opto-électroniques qui enregistrent les mouvements en trois dimensions. Il s’agit ensuite de rentrer ces données dans un programme pour les analyser et pouvoir ensuite sélectionner les informations intéressantes…
On peut perdre cette capacité de coupler les mouvements et l’équilibre, une fois acquise ?
C’est un peu plus compliqué que ça. On utilise des stratégies qui sont différentes avec l’âge, on ne va plus le réguler de la même façon parce qu’on n’a pas les mêmes capacités physiques.
Sommes-nous tous amenés à connaître ce changement ?
On vieillit tous, oui. Mais nous ne sommes pas tous touchés de la même manière. Différents facteurs sont à prendre en compte : il y a une part de génétique mais aussi l’entretien physique, le niveau d’étude, le régime alimentaire de la personne… Le niveau d’étude par exemple influe sur le traitement de l’information, le raisonnement. Plus on a une activité intellectuelle régulière et plus on arrive à conserver des capacités importantes dans le temps.
À quoi ressemble une journée type au labo ?
En ce moment elle commence assez tôt, j’arrive vers 7h-7h30 au labo, parce que je travaille mieux à cette heure là. Je prends déjà le temps de répondre aux mails qui sont arrivés durant la fin de journée et la nuit et puis après on commence à bosser. En ce moment je suis en train de traiter des données de patients que j’ai fait passer sur des manip’, et je prépare une présentation pour « l’Université pour tous » de Chalon sur Saône sur tout ce qui est imagerie fonctionnelle.
Ce sujet, c’est le travail d’une vie ?
On découvre constamment de nouveaux développements, de nouvelles maladies, il reste énormément de choses à faire encore. Surtout que les personnes vont vivre de plus en plus longtemps, il ne faut pas non plus négliger l’importance des évolutions technologiques, les évolutions de nos modes de fonctionnement… Sachant qu’on travaille de plus en plus sur ordinateur et tablette et qu’on n’écrit presque plus, ça risque aussi d’entraîner des changements.
Que comptes-tu faire après cette thèse ?
Je pense faire un post-doctorat, partir un peu à l’étranger et faire de la recherche, pas forcément sur le vieillissement mais sur le domaine clinique pour pouvoir appliquer les techniques que je connais et emmagasiner d’autres choses pour compléter ma formation.
Qui finance ces recherches ?
On peut avoir des financements privés comme les bourses Alzheimer, Parkinson… Il y a des fondations privées, des laboratoires, les projets européens, les bourses accordées par les pays… Moi je touche une bourse de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale). Je touche à peu près autant que mon frère qui fait un BTS en alternance. C’est peu, en même temps nous ne sommes encore que des étudiants.
Selon toi, comment faut-il faire pour rendre la science plus accessible, plus attrayante au plus grand nombre ?
Pour que la science soit attractive, elle doit donner du rêve. Les grandes découvertes suscitent toujours de la fascination, c’est sûr que les plus petites recherches qui peuvent aussi aider les gens, on ne va pas forcément les voir. Mais bon, ils en auront le bénéfice un jour où l’autre. Des événements comme l’Experimentarium permettent aux gens de découvrir ce qui est fait dans leur région. Peut-être qu’un investissement des médias, de la presse locale pourrait aider à cette vulgarisation.
– Propos recueillis par Sophie Brignoli
Photo : S.B.