« Quiconque a sondé le fond des choses
devine sans peine quelle sagesse il y a à rester superficiel. »
Hé bien, ils n’ont pas eu besoin d’avoir lu Nietzsche pour appliquer ce type de maxime : nos amis les rappeurs prennent en effet bien le temps de soigner leur look, plus ou moins discutable, plus ou moins novateur… Le rappeur est en tout cas toujours tributaire de ce fétichisme de la marchandise qui fait prendre de la camelote en polyester pour une idole à l’aura irremplaçable, la sape de marque consistant de plus une espèce de signe de reconnaissance, voire de noblesse, qu’elle soit fabriquée en Asie à des millions d’exemplaires ou pas. La gratification narcissique ressentie est à ce point importante, qu’il en arrive même depuis quelques années à rédiger des espèces d’hommages à sa propre façon de s’accoutrer, se voyant même décerner le titre de styliste comme le brave Pharrell, ou de clown international quasi glam comme l’épouvantable Riff Raff. Quelque part entre le playboy et le mac, le MC ne s’interdit à vrai dire pas grand chose au niveau vestimentaire, et le fait savoir. Se décrétant ayatollah du goût, esthète absolu, il prétend légiférer en matière de coupe de jean ou de dégaine acceptable, portant aux nues ce qu’il déclarait impitoyablement obsolète quelques mois avant. Et puis, il s’oublie, et en arrive à déclamer « les sapes, c’est la vie », comme le plus péremptoire d’entre eux, Teki Latex .
Idéalement, le rappeur ferait de son appartement un Foot Locker, et il ne jouit jamais autant que lorsque une marque décide de faire de lui son homme-sandwich, devenant par excellence le porte-parole d’un capitalisme qu’il ne lui arrivait de toute façon plus guère de dénoncer, préférant y patauger avec délectation de la casquette aux baskets. Brand ambassador, c’est une forme de consécration comme une autre ; et puis, cela en a rendu quelques-uns riches, comme Jay-Z avec Rocawear : un des premiers a avoir senti le filon. Tout comme Dr Dre qui a récemment amassé des millions en vendant des casques gigantesques à tous les ados de la planète, qui se sont littéralement exécutés lorsque on leur a intimé de suivre cette énième mode.
Et puis bon, avoue-le, t’avais toi-même bien kiffé à ta première casquette des Charlotte Hornets, ton manteau de marin Helly Hansen et quand Kris Kross avaient mis leur futal à l’envers sur leur pochette d’album. C’est que quelque part, l’allure t’a toujours concerné, y compris et surtout lorsque tu fais mine d’en avoir plus rien à battre…
Pour écouter la playlist, ça se passe ici.
Avec RZA, Grems, RiFF RAFF, Big T, Mac Miller…
– Tonton Stéph