Alors voilà, c’est reparti pour un 24ème tour. Les théâtreux posent temporairement leur suffixe et se déclarent gens de théâtre. Et ça va durer presque dix jours. Théâtre en mai, c’est un peu comme le critérium d’après Tour de France sur les allées du parc, le parcours reste le même mais tu sais jamais qui fera le sprint de bonif’. Le TDB brouille encore les cartes avec le nouveau dirlo. Théâtre en mai version Benoît Lambert, c’est forcément pop, jeune et politique.
Pour le reste, c’est encore cantine à la Maison Saint-Jean, débit de Volnay rouge pas cher, débats dans les files d’attente. Chez Sparse, on aime ça alors c’est reparti pour deux retours de kick bien tapés de l’extérieur du pied. Sélection très personnelle, en toute mauvaise foi.
Handsome Devil
Décidément entre Matthias Langhoff et le Théâtre Dijon Bourgogne, c’est une histoire qui dure. On aura du pire (Quartett en décembre dernier, Femmes de Troie il y a une paire d’années) et le meilleur (Richard III, il y a une autre paire d’années, Hamlet en 2008). Mais toujours la constance du monstrueux, de l’épique, du décadrage scénographique et de l’enfonçage de plexus chez le spectateur. Faut dire que Meister Langhoff est un rejeton de Bertolt Brecht, un genre de gazier aussi important pour l’histoire du théâtre que Sly & The Family Stone l’est pour le funk et la pop moderne. Pour les cours d’histoire, faudra relire André Degaine, c’est bien fait et y’a presque que des dessins (mon pote Gazza adore la page 282, celle où « on dirait le logo des Chicago Bulls ! »).
Bref, retour de Langhoff, donc. C’est avec Oedipe et une équipe russe que l’Allemand guttural ouvre le festival. Quoi, du Grec traduit en Russe et mis en scène par un teuton ? Y’a un prix Catherine Trautmann à gagner ? Nan. C’est juste que Langhoff sait ce qu’il cherche dans le monde et son théâtre s’en fait l’écho inamovible. Là, c’est une bande de ruskoffs assiégés par la lâcheté et la peste, l’aveuglement et le tabou. C’est pouvoir et divination en carafe, Oedipe en finira les yeux crevés.
Après, il y a que ce Langhoff-là est problématique. Dense, statique, maladroit dans les sources musicales mais dense, lapidaire et terriblement efficace dans le regard qu’il vous assène. Idée magnifique, les enfants en scène, quasi walking dead children, ne disent rien, vous regardent du fond de leur tombe déjà ouverte et annoncent le boulot qu’il va falloir se décider à mettre en œuvre pour faire de ce monde, un monde.
T.O.C. (répéter trois fois)
Avec Gazza et Dzwoneck, on est partis ensuite voir les 2h10 de Turandot par le T.O.C. Beaucoup en parlaient, dans les files d’attentes, alors on a vu. Et bien vu, bien ri aussi. Ça défouraille gentiment, ne prenant rien au sérieux, les huit comédiens-metteur-en-scène-dramaturge-casseurs-de-brique joue en 4-4-2 et fissa un Brecht autant irradié qu’irradiant (cf. Degaine toujours, page 345, Dzwoneck l’aime bien celle-là parce que Brecht, on dirait Raymond Kopa). Tout est ouvert, les hommes sont des femmes, les coulisses et les changements de plateau sont à vue de spectateur et le rythme tient sans se faire la malle avec la déférence. Nickel. Avec une demie-heure de moins, on aurait tapé dans le dur et vu un petit joyau. Mais, il s’agit avant tout de tentative de faire théâtre en direct, et ce qu’il faut retenir, c’est que ça marche vent debout. Et on est allés fêter ça à l’after dans le bal monté. Et là, surprise Les Derniers Hommes animaient la boum et lançaient un défi de western en tentant de faire du Suzettes 2.0. Ça va saigner sérieux quand les deux combos DJ vont se croiser, on entend déjà l’harmonica.
Reprise de volée
Lundi soir, on s’est fait retourner comme des crêpes (suzettes, là encore). Faut avouer le truc, Call Me Chris, on y allait un peu à reculons, redoutant l’aspect contempopo du projet, façon sous-pull colorés et trempe socio-politique du sujet. Et bing, dans les gencives, ce truc est terrible, joué rubis sur l’ongle, sans fard et en subtilité. Ça nous laisse comme un battiston en 1982. Groc choc frontal, pas une faute, l’arbitre endormi et ça score au fond des cages. Pour moi, le meilleur spectacle du festival à cette heure (Gazza et Dzwoneck étaient partis mater une rediff’ de L’Aile ou La Cuisse). Et cocoricococo, c’est un combo dijonnais qui pose le bijou sur la table. Classe, très classe les filles d’Idem Collectif !
Vis ma vie
Mardi soir, c’est polar. Monsieur BCG (les initiales ont été changées par respect de la vie privée) se plaint que la bougie de son scooter a été noyée volontairement dans la cour de l’atheneum. On enquête. C’est con, à l’athé y’avait justement une pièce qui bossait sur la vidéo-surveillance. Sous-Contrôle, ça s’appelle, c’est bien fait, c’est très malin et très bien joué. C’est drôle, refroidissant aussi, souvent. Pas rigolo l’avenir des images qui nous entourent, selon Frédéric Sonntag. Mais on a quand même l’impression qu’on le savait déjà avant d’entrer dans la salle, ça. Impression étrange de pas assez.
Mardi soir, c’est aussi la flotte qui pourrit tout, jusqu’au plaisir de revoir La Vieille qui lançait des couteaux de Martin Petitguyot. Plein air oblige, Martin est obligé d’annuler. Lui, venu l’annoncer aux spectateurs, costumé avec sa classe habituelle dit : « Ce soir, nous nous inclinons. » Beau geste, saleté de temps. Demain, ça continue.
– Badneighbour
Crédits photos : Oedipe tyran (Andrey Lapshin), DR (Turandot), Wilfried Lamotte (Call Me Chris), DR (La Vieille qui lançait des couteaux)