Théâtre en mai 2013, deuxième mi-temps. Fin de festival loin d’être en roue libre, carénée comme un fixie sortie des usines Cinelli, traquant la mémoire, les amours interdites, le mythe et la face pop du jeune théâtre international. Sous le bazar apparent, il y a du profond. Revue de troupes avec, une fois de plus, une mauvaise foi à faire tomber un sioniste d’un cèdre du Liban.
Try to remember
Mercredi et jeudi, c’est retour de mémoire. Se souvenir de Violetta ausculte l’amour éternel à Mansart et Voyageur 51723 scalpe le devoir de mémoire à la Bourse du Travail. Deux facettes de théâtre, deux jeunes équipes, deux salles, deux ambiances, comme pour les bals à papa. Première salle, en haut, celle des grands qui cherchent les imports dans les magasins de musique. Violetta séduit terrible sur le papier et donne carrément envie mais pêche par l’attitude en scène, difficile d’être convaincu par cette maison de poupée qui assène, proclame et monte sur ses ergots. Très léché, très calibré pour la carrière. Malgré le beau geste de Lucas Partensky et la douceur inaliénable de Ruth Nüesch, on s’ennuie beaucoup avec Gazza et Dzwoneck. Du coup on est partis voir Dominique A à la Vap’. Concert de patron et rappels à rallonge qui rattrapent la journée.
Voyageur 51723, c’est la salle du bas des boîtes à concert, celle ouverte à tous les vents alternatifs. Morgane Arbez et Julien Romelard font le pari de se mettre la déportation du grand-père Arbez sur les épaules. Et ça tient. Ça tient même parfois du miracle tellement ça reste fragile, ténu et beau. Le devoir de mémoire en prend une derrière l’oreille grâce à une sorte d’insolence naïve qui caractérise le boulot émouvant du duo. Pas de leçon et plein de tentatives de faire du théâtre en direct avec une modestie indéboulonnable.
Ça passe crème, gros !
Vendredi soir, c’est le vrai-faux hip-hop revu par La Quincaillerie Moderne. Rixe / Le Vernissage : relecture façon sales gosses du street-art et des codes des battles qui ramène Théâtre en mai sur la côté du rire, notable. Ça phagocyte grave et ça se vautre dans les clichés West Coast. Mention spéciale aux vocalises sous vocoder de Bronsolini façon Bouba. C’est bon jusqu’au retournement final qui agace certains et réjouit les autres, on reste avec ceux-là avec Dzwoneck (qui finit la soirée en essayant de prononcer Jay-Z avec les dents serrées).
Kolossal !
Samedi, Don Juan façon Teuton. Umbdenstock versus Langhoff, forcément, le match est inégal. Expérience, moyens de prod, on mettra ce qu’on voudra pour le déséquilibre de la balance, reste qu’on fera l’impasse sur le Don Juan version Epik Hotel qui porte pourtant une insolence populaire pas dégueu, dont Umbdenstock est coutumière. Manque juste un peu de souffle dans les voiles.
Pour Langhoff, c’est le versant solaire de son Oedipe tyran vu en début de festoche. Autant l’équipe ruskoff battait le noir, le glacial avec des baguettes en acier trempé dans la Volga gelée, autant l’équipe roumaine expatriée en Hongrie tape dans le crépuscule, dans la comédie et dans l’universel. En résumé, une tonne de plomb fondu sur la gueule. De quoi faire avaler sa cutie au moindre orthodoxe théâtral. Ce Don Juan, rebaptisé Cène Solennelle, fait déjà date dans l’histoire de Théâtre en mai et fait la pige haut la main au Don Giovanni cryogénisé par Jean-Yves Ruf à l’auditorium en mars dernier. En sortant on râle forcément contre les couards rebutés par les 3h45 et la langue étrangère mis en scène par Langhoff. Gazza et Dzwoneck étaient restés au lit face au Dortmund/Bayern. Samedi, finalement, c’était Teutony Planet, et ça a scoré au fond des cages. Remember Maginot…
Théâtre pour tous
Dimanche, c’est jour de clôture. Hetero se jouait à l’atheneum et c’était bien. Le genre de spectacle que Martial pourrait chroniquer ici à côté des BD de Marc-Antoine Matthieu. Ça fait le grand écart entre Jackson Pollock, Buster Keaton, le vaudeville et Molière. Le seul spectacle joué par une bande de mecs entre eux sans causer foot. Explosif et jouissif (oui oui, au théâtre, c’est possible, juré). Dzwoneck, qui tire la gueule pour cause de Dortmund-Kaputt, me glisse revanchard : « j’ai jamais vraiment aimé Jacqueline Maillan, moi… » Je vois toujours pas le rapport avec Hetero. Plus tard, c’est mon dernier spectacle de ce festival : Guns ! Guns ! Guns ! des grecs du Blitz Theatre Group. C’est du radical pop culture appliqué à l’histoire du XXème siècle, c’est drôle, très drôle et dans la longueur, ça prend le goût d’un Malabar de 86.
En sortant je me fais quasi-molesté par la présidente dijonnaise du fan-club de Patrick Swayze, pas du tout d’accord avec les lignes écrites sur Call Me Chris. Scribouillard chez Sparse, sport de combat ? À chaque année, son ennemi…
– Badneighbour
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