« From the mosh pit with love » : On est allés au Hellfest 2013. Selon Philippe de Villiers et Christine Boutin, l’apocalypse n’a pas eue lieu le 21 décembre 2012, mais se déroule chaque année, à la fin du mois de juin à Clisson (Loire Atlantique). Cette fois-ci, c’était les 21, 22 et 23 juin que s’est tenu dans cette calme vallée le festival de l’Enfer que les légions divines n’ont, encore une fois, pas réussi à stopper.

Les auteurs de l’article : Jérémie « Zak » Barral et Martin Caye sont les animateurs de l’émission Black Roots Metallistic, tous les dimanches de 19h à 21h sur les ondes de Radio Dijon Campus. IIs en sont à leur quatrième Hellfest, sans encore avoir déclaré de cirrhose ou de maladie vénérienne. Pour vous, ils se sont immergés dans cette édition 2013, dans la plus pure tradition du journalisme total. Sparse.fr n’a même pas payé leurs tickets d’entrée. C’est dire leur dévotion à la cause métalleuse.

arbre hellfest credit Metalorgie.com

Tout, ou presque, a été dit sur le Hellfest. D’un courant musical marginal comme le metal (prononcez METAAAAAAL en hurlant), dont on a l’impression qu’il est destiné aux caves sombres et humides dans lesquelles sont perpétrés des sacrifices en la gloire de Lucifer, Belzébuth ou Asmodée, on attendait guère plus que quelques centaines d’allumés vociférants aux rythmes élevés de morceaux où on ne distingue pas tellement la guitare saturée de la voix hurlée du chanteur. Mais ça, c’était avant, comme dirait l’autre. Avant que le Hellfest s’incruste dans le top 3 des plus gros festivals en France (avec les Eurocks et les Vieilles Charrues) avec un budget de près de 8 millions d’euros autofinancé à 98%, brassant 115.000 festivaliers par an et propose des artistes uniquement de passage en France pour le festival comme Kiss, Alice Cooper, les Guns ou Judas Priest.

Alors, quand on est afficionado du genre (du genre ? lequel ? trash, sympho, hardcore, hard rock, death, black, stoner, sludge, doom, drone, folk, pagan, viking, rock’n’roll, punk ?), l’affiche peut clairement inciter à se serrer la ceinture et débourser les 160€ nécessaires à l’obtention du précieux sésame. Cette année, le festival affichait un line-up moins tapageur que l’année précédente : Kiss, Volbeat, Def Leppard, ZZ Top, Gojira, Jason Newsted (ancien bassiste de Metallica) mais aussi NOFX, Agnostic Front, Napalm Death, Sick of it All ou… Europe (allez, tous en coeur « It’s Ze Faïnôl Condtdowne, tududu du, tududu du du… »), mais on se motive, et finalement au diable les têtes d’affiche.

Dijon-Clisson, 6 heures d’autoroute en Renault Clio

Alors qu’est-ce qui motive à claquer un maximum d’argent et aller crever de chaud, de froid, de soif et de faim dans la petite ville de Clisson, en Loire Atlantique ?

L’envie. L’envie de s’arracher son tout petit corps, de pas dormir pendant trois jours, de connaître cet état second de fatigue où l’on n’a plus trop de ressenti…. L’envie d’aller au bout, de s’en prendre plein les oreilles et les tripes… Aller au Hellfest, c’est un peu un bouquet savoureux de passion, de violence et d’émotions. Quoi qu’il puisse se passer pendant ces quelques jours hors du temps et des réalités de l’autre vie on sait au fond de nous qu’on n’en sortira pas indemne… Qu’il y aura des larmes , de la sueur et du sang. C’est à peut prêt la seule certitude que l’on puisse avoir.

Alors, de la même manière qu’on le ferait pour un concert à une soirée électro ou une performance pendant One + One, on débranche son cerveau et on jouit de l’instant présent.

Dijon-Clisson, c’est 6 heures par autoroute, entassés dans une Clio plus vieille que chacun d’entre nous. Partis à minuit, arrivés sur les coups de 9 heures (pauses, changements de conducteurs, nationales…). Lorsque l’on coupe finalement le contact, on a déjà pénétré dans la quatrième dimension. Il faut bien avoir en tête que quand on arrive aux abords de ce charmant bourg, la fatigue de la nuit à tendance à s’estomper. Les premières crinières, les pantalons de cuir, les clous, les devantures de magasins qui se remplissent de promotions sur les packs de bières sont autant de preuve que ça y est, on est en plein dedans.

Les yeux noyés de fatigue et les jambes engourdies, on pénètre sur le site pour tout de même justifier d’avoir parcouru 600 km en allant voir quelques concerts. Là, il y a plusieurs écoles : ceux qui fréquentent les deux scènes principales (ou main stages) installées côte à côte en se délectant des têtes d’affiche du moment. Ou ceux qui passent leur temps dans les tentes et scènes subalternes que sont la « Valley », la « Warzone », la « Temple » et la « Altar », respectivement consacrées au stoner, punk hardcore, death metal et black metal.

Hellfest - entree (credit MC)
L’entrée du festival, avec ses vigiles, ses heures de queue et ses « pas de bouteilles à l’intérieur ». Photo : MC

On se sent harassés d’enchaîner directement le trajet et le déchargement des affaires de la voiture au carré d’herbe qui nous servira de maison pour ces 3 jours (2 km à parcourir chargés comme des mules entre le camping et le festival). Et ce vendredi ne sera pas une très très grande journée de concerts. On va voir Europe pour la blague, et on se dit que le festival commence vraiment pour nous au moment où retentissent les notes de l’intro de The Final Countdown. La journée passe et notre corps commence à entrer dans cet état d’anesthésie général que l’on recherche tant. On va s’entasser sous la « Valley » pour aller prêter une oreille à Sleep, trio américain faisant du très gros, très lourd et très hypnotisant rock. On se surprend à être emmenés très loin à travers un voyage cosmique, écrasé par des kilotonnes de décibels. On en sort grandis, comme après un rituel vaudou. Un des concerts du festival, de toute évidence.

Coreux, blackeux, glameux… c’est ça mon Hellfest

Notre parcourt nous emmène camper devant la « Warzone », histoire de ne pas rater 2 formations légendaires du hardcore made in New York City : Agnostic Front et Sick of It All, respectivement Papa et fils prodige (quoiqu’un peu vieillissant) du style. Sur le chemin, on s’extasie devant tous les membres de la famille metal et leurs codes :

  • Les coreux (amateurs de « core », contraction de hardcore) avec leur tatouages, leurs casquettes retournées et leurs écarteurs.
  • Les blackeux (plus tournés vers le black metal) avec leurs cheveux de jais, leurs maquillages et leurs patchs illisibles.
  • Les glameux (amateurs du glam metal, type Mötley Crue) avec leurs slims et leurs bandanas.
  • Les goths, leurs manteaux en cuirs sous le soleil et leurs lunettes noires sous la pluie…

Une grosse baffe dans la tronche plus tard, on retourne au camping. Rencontre improbable entre le camping des flots bleus deux étoiles et d’immenses bacchanales. Très rapidement, ce qui était encore récemment un joli champ d’herbe bucolique devient une immense décharge à ciel ouvert où packs de bière éventrés côtoient la fange humaine qui s’endort ivre à la belle étoile.

Hellfest - foin (credit MC)
Innovation 2013 : on pisse désormais dans des bottes de foin, par l’intermédiaire d’objet comme celui-ci. Photo : MC

Pour certains festivaliers, c’est le seul moment de l’année où lâcher prise est autorisé, et ça se sent. Blagues graisseuses, alcools en tous genres qui coulent à flot, du camping au site du festival, mais surtout la bière, grande favorite du métalleux, avec 135.000 litres écoulés pour cette édition 2013. Loin derrière (10.000 litres), on trouve le muscadet local, sorte de revanche liquide des vignerons du coin. Explications : les vignes dont sont issus les raisins destinés à la fabrication de cette spécialité locale sont directement attenantes au camping. Les toilettes, chimiques pour la plupart, étant rapidement saturées (avec cette douce odeur de merde à la fraise…), c’est tout naturellement et dans un esprit authentiquement écolo que le festivalier ira tranquillement soulager son transit intestinal et libérer sa vessie. Le cycle naturel de la campagne faisant son office, c’est donc les excréments des festivaliers de l’année passée qui sont vendus une fortune la bouteille à nos amis amateurs de gros son. Étonnant, non ?

– Jérémie « Zak » Barral  & Martin Caye

À noter que si, en attendant la seconde partie de ce report, vous trépignez d’impatience de vous plonger dans l’ambiance du Hellfest, sachez que Arte a filmé, monté, et mis à disposition une très grande partie des concerts qui y ont eu lieu.