Saint-Malo, Route du Rock, jour 2. Journée tombée sous le coup du bizarre : on aura vu le Ché marcher rue des Antilles, vu le type classé avant-dernier au concours de Jack Sparrow faire pleurer un môme et la mort en personne s’amuser à nous souffler sur la nuque en plein pogo. Ssshhh… Heureusement, suite à une tentative de raccourci par Badneighbour en plein chantier naval, on a chopé le code d’accès du Mayday Boat (info sous pli discret pour toute demande à la rédaction).
Djinns toniques
Levés suffisamment tôt pour louper le concert de Jackson Scott sur la scène des remparts. C’est con, on saura pas si le mec d’Asheville et son couteau suisse ont renouvelé le petit miracle monté par Dirty Beaches, il y a deux ans ici même. Nos limiers enquêtent.
Après c’est Woods qui ouvre sur la grande scène, nous on est allé s’asseoir près du stand de galette-saucisses et petit wrap : le combo tendance américana champêtre et brooklynienne passe vachement bien sur grand écran. Ça tire certes pas mal du côté des Byrds et de Neil Young mais sans le Crazy Cheval du dernier. Au pays du western, les gaziers psy-folkeux, emmenés par un falsetto qui cherche autant l’atmosphère que l’envolée, ne seraient pas très dangereux. Pas le genre d’indiens qu’on surnomme Petit Tonnerre encore moins Loutre Vaillante. Re-sssshhhh…
Pour se changer les idées, on monte à l’espace presse voir si le Mouv’ bouge encore. C’est conf’ de presse pour les Zombie Zombie, ça tombe bien. On va pouvoir vérifier si le speaker le plus swag après Daniel Mangeasse tient toujours la forme. À la question : « Et sinon, est-ce que vous répétez avant de jouer ? »… Drapeau vert, noyade autorisée.
On redescend voir Efterklang chercher eux-aussi les ambiances éthérées et polaires. Badneighbour trouve ça aussi ennuyeux qu’un baiser du bout des lèvres, Docteur Lovelace, lui, leur sauve la mise en glissant dans l’élégance atmosphérique de leur musique. Revenu de ses expés electros des débuts, Efterklang pose un set aérien à la mélancolie suspendue façon eighties. C’est un peu le leitmotiv de la soirée, l’atmosphérique, on reverra ça plus tard avec Zombie Zombie, aussi bons qu’au Consortium au printemps, mais en mieux.
Quand Efterklang attaque Black Summer, la pluie malouine fait son entrée, C’est malin. On se retrouve sous casquettes et ponchos en train d’essayer de retrouver les paroles d’El Condor Pasa… Direction le set des Allah-las où un gadjo du public tente vainement de résister à la bronca collective : « parapluie enculé ! »
Twang orange
22 plombes et la Route du « … » devient enfin la Route du Rock. Enfin presque. Les trois faussaires californiens ressortent les cadavres sixties du placard et balancent leur pépites ciselées à coup de reverb et de lumière. C’est Ennio Morricone parti dîner chez les Beach Boys. C’est con, il aurait su, il aurait apporté du vin. Le set sent un peu la peau de bébé et ne nous ramènera pas Question Mark And The Mysterians. En même temps, personne ne demande à Pierre Rolland d’avoir la classe de Bahamontès dans le Galibier. Les quatre poulains de Nick Waterhouse se sont rencontrés chez un disquaire, c’est aussi un disquaire qui agite le canal historique du rock garage l’après-midi au Théâtre Chateaubriand. Christophe Brault, air guitare en main et accent briton approximatif des fondus du rock, fait partie des murs du festoche. Impecc’ comme d’hab’, son show-conférence est encore une fois nickel.
Retour au Fort. Le laid-back un peu branleur des Allah-Las fait stopper la pluie. Grande scène, 23h00, Godspeed You ! Black Emperor commence toute lumière éteinte. Dix minutes plus tard, la deuxième note est jouée. Re-re-ssshhhh. Grand calme dans le Fort et les Godspeed se soucient aussi peu du public que du retour de Toulalan en sélection nationale. Le set sera long, 1h30 pour 4 morceaux (et 2h30 de balance), le set sera beau, vidéo vintage pour seul éclairage, le set sera puissant et contestataire. Normal. D’abord plus tentés par la branche noisy minimale, les 8 coco-canadiens finissent pourtant dans un mur de son énorme, liquide et incendiaire. Terrible.
1h30 au cadran. Bass Drum Of Death vient du Mississippi pour donner l’assaut. Le rock est vraiment de retour cette fois-ci. Pour nous, c’est pogo à donf’ dans la fosse qui a l’air quand même d’avoir attendu ça depuis deux jours… Grosse impression de fête secouée, de corps levés et crashés. Le power trio de John Barrett n’est pas fait pour les it shoppin’ girls et ça se voit. Ça balance toute vélléïté intello-rock dans la stratosphère : fast and furious ! Pour l’instant, pour nous, la grosse claque surprise du festival.
On sèche TNGHT (note du rédacteur en chef : OK, vous pouvez oublier votre prime) et c’est barquette de frites, retour au B&B. On attend encore cependant la visite de Jacques Danniel au bar Vipe et le groupe avec une fille à la batterie. Demain ça continue.
– Badneighbour & Docteur Lovelace
Photos : Docteur Lovelace