Après avoir fait deux gros magasins du centre-ville, il y a quelques semaines, j’ai enfin trouvé (grâce à un charmant libraire) l’unique exemplaire de la revue Papier ! J’espère que depuis les librairies se sont réalimentées…

papier

Dans un article précèdent, je vous avais signalé cette nouvelle revue trimestrielle dont le but est de publier des histoires courtes, sur une dizaine de pages maxi, d’artistes connus ou inconnus. Des histoires courtes parce-que plus aucun éditeur ne voudrait sortir des petits formats, trop casse-gueule économiquement. Pourtant, dix pages ou même une page bien troussées peuvent raconter de très belles histoires. En plus du jeux de la contrainte du format court, Papier impose une thématique aux auteurs. Pour ce numéro 1, la thématique est « un animal mort », une idée comme une autre. Et du coup, nous, lecteurs, on observe comment l’auteur se dépatouille, esquive ou assume la régle. Et, et… c’est pas mal. En tout une dizaine d’auteurs –  Jérôme Anfré, Jean Bourguignon, Elosterv, Florence Dupré La Tour, Dylan Meconis, Jennifer Meyer,  Lewis Trondheim, Grégory Panaccione et Bastien Vivès –  proposent des histoires qui évoluent entre fiction, humour ou autobio.

Bastien Vivès invente une histoire dérivée du Livre de la jungle : pour le coup les animaux, ce sont les humains. Les dessins, les encrages sont à tomber par terre. Ce mec est un génie de la palette numérique (je crois que je l’écris à chaque fois). C’est beau en noir et blanc, comme toutes les autres histoires. Bonheur des yeux, comme toujours, avec une histoire tendre qui contraste de plus en plus avec l’avatar numérique de Vivès, acteur trash des réseaux sociaux.

Le deuxième mec qui pèse dans Papier, c’est Lewis Trondheim, un des deux patrons de la revue. Une histoire assez drôle : deux types, crétins ou pas qui se battent à coup de photos sur Facebook. Plutôt ou parce qu’ils ne peuvent se cogner dessus, ils photographient l’autre en légendant par exemple : « gros naze qui prend une posture débile ». C’est gentiment critique de l’ère 2.0. Il y a aussi un joli petit récit de Florence Dupré La Tour. Quelques autres histoires ne n’ont pas spécialement emballées mais globalement cette revue mérite le détour. Tous les trois mois maintenant on attendra la publication de quelques petites pépites. Rendez-vous en janvier 2014, même si c’est un peu dommage que les deux qui m’aient tapé dans l’œil soient des auteurs déjà confirmés.

La ligne droite : une belle histoire
d’amour sans mièvrerie

La ligne droiteDeuxième lecture du moment, La ligne droite dessiné par Marie Caillou et scénarisé par Hubert. Une bédé complètement gay-friendly. La ligne droite est l’histoire de deux ados qui découvrent leur penchant homo, leur attirance mutuelle alors que tout semblait les opposer. C’est très bien raconté, avec une très grande délicatesse. Une belle histoire d’amour sans mièvrerie. Nos deux ados se côtoient dans un bahut privé catholique. L’un est l’intello de la classe et aussi le souffre-douleur des autres, l’autre est le type le plus populaire, le beau gosse fort en sport et qui a une copine.

Forcément, leur amour va s’ébruiter et leur relation partira en sucette. On peut peut-être trouver l’histoire un peu manichéenne, un peu facile dans les oppositions catho – homo. Moi, je ne crois pas, je pense que malheureusement beaucoup de tarés -et on les a vu y a pas longtemps à l’œuvre- pensent que ce genre d’amours relève de la maladie et doit être soigné. C’est ce que le CPE ou le principal conseille à l’un des deux enfants.

C’est un livre du coup revendicatif, sans être bassement militant. La trame narrative est bonne, les persos crédibles et les dessins de Marie Caillou, comme toujours, somptueux : des aplats de couleurs, comme des feuilles de papiers découpés. Ses personnages sont statiques, on a l’impression qu’ils flottent dans leurs cases. Ça appuie forcément le côté tristoune de l’histoire, quasi dépressif mais c’est beau. Les couleurs, même quand on est dans les gamme pastels, explosent. Ça mélange à la fois l’esthétique manga et comics US.

Une très belle histoire, un roman graphique d’apprentissage qui, en plus de procurer un plaisir de lecture, pourrait servir un, deux, trois gamins qui se sentent bizarres dans leur peau d’ado. Et puis, comme c’est l’actu, cette bédé est à lire en complément/à la place (à vous de barrer le mot en trop) de Le Bleu est une couleur chaude qui ressort ces jours-ci.

– Martial Ratel

La ligne droite – Marie Caillou et Hubert, Glénat, autour de 22 euros.
Papier – 192 pages, Delcourt collection Shampoing, 10 euros.

Retrouvez “Le Bullodrome” chaque mardi vers 8h40 en direct sur Radio Dijon Campus.