Dire que Gravity est une claque visuelle relève de l’euphémisme. C’est rare d’être bluffée par un film qui fait autant de buzz et qui réussit à obtenir l’unanimité au sein de la critique. Et pas besoin d’un scénario alambiqué ni de partir dans le spectaculaire pour faire un film de SF efficace.
On doit ce petit chef d’oeuvre de science fiction (même si la volonté de réalisme prend le pas sur la fiction) au mexicain Alfonso Cuaron, déjà responsable du film d’anticipation Les Fils de l’Homme et du meilleur épisode de la saga Harry Potter (le 3). Lui et son fils Jonàs écrivent le scénario, soit l’histoire on ne peut plus basique : un survival de 2 astronautes dont la principale mission sera de revenir sur terre avec pour seul kit de survie sa combinaison et 10% de réserve d’oxygène. Au-delà du film de survie, Gravity est un huis-clos anxiogène, dans l’univers paradoxalement infini. On se retrouve enfermé dans un cadre, mais aussi dans le scaphandre, ce qui a de quoi nous rendre claustro. Mieux, Gravity est un film toute en (haute) tension. Le suspens s’étire sur une longue échelle dont certains barreaux cèdent, pour nous cramponner un peu plus à notre siège. Ils se comptent sur les doigts d’une main les moments où l’on peut souffler un peu.
Comme dans Les Fils de l’Homme et comme dans Harry Potter, Cuaron maîtrise parfaitement sa caméra, tout en mouvement. Une caméra virtuose qui nous donne le vertige, au point de nous immerger totalement dans l’espace où la gravité n’est plus, parmi une multitude de déchets de satellite pulvérisés. Le travail, brillant, sur le mouvement, est plus que visible dans les plans séquences. Il y a une telle impression de fluidité dans ce film, que le réalisme n’en est que plus affirmé. Alfonso Cuaron fait partie des rares cinéastes à avoir pu mettre en image le corps humain en mouvement dans l’espace. Un corps enveloppé, prisonnier, qui virevolte comme une poupée de chiffon, sans pouvoir s’arrêter, s’éloignant de notre planète, avec pour seuls « repères » le son d’une respiration saccadée.
Cette mise en scène, qu’on passerait sûrement des heures à analyser, n’est pas le seul bon point de Gravity. La qualité de la photo, spatiale en l’occurrence, est éblouissante. Le responsable est Emannuel Lubezki, qui a déjà travaillé sur Les Fils de l’Homme ou sur Tree of Life. N’oublions pas évidemment le son. Un vrai challenge quand on veut faire un film réaliste sur une expédition spatiale qui tourne mal. Comment rendre à l’écran ce qu’on entend justement pas dans l’espace ? La musique composée par Steven Price, oscillant entre d’impressionnantes infrabasses et des interludes mélancoliques, s’accordent avec le travail méticuleux de l’équipe de Freemantle.
Parlons aussi de la 3D. Même les plus déçus d’entre vous (et j’en faisais partie) approuveront enfin un film qui utilise ce système, souvent trop utilisé à des fins purement commerciales. Or, dans le cas de Gravity, la 3D est un élément essentiel. Elle reprend son rôle de base : à savoir donner du relief à l’image et servir au mieux la réalisation. Il suffit de voir la longue séquence d’ouverture pour comprendre à quel point la 3D est utilisée quand et comme il faut. Comme l’espace est le personnage principal de ce film, la 3D n’est pas un élément accessoire, elle est l’un des supports pour une vision parfaite de chaque plan.
Au risque de spoiler, Alfonso Cuaron se sert de la SF pour signer un grand film sur la renaissance, au même niveau que Kubrick et son 2001. Ajoutons que voir une femme (Sandra Bullock, dont le travail sur ce film bluffa James Cameron) dans le rôle principal d’un film d’ « action », c’est assez rare pour être souligné…
Pour la petite histoire, Gravity a nécessité un travail impressionnant de près de 4 ans et demi. Ça valait vraiment le coup d’attendre.
– Alice Chappau