Le 2 février dernier disparaissait Philip Seymour Hoffman. Une fois passée la couverture médiatique -parfois pathétique (« le film Capote »)-  du triste décès de cette légende du cinéma indé US, Sparse ne te dresse pas le portrait d’un homme visiblement tourmenté qui emporte son secret avec lui, mais te rappelle en quelques vignettes pourquoi il était considéré par beaucoup comme un Dieu vivant.

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Les esprits chagrins, les puristes, les ayatollahs du ciné toujours fourrés à l’Eldo ou au Devosge pleurnicheront peut-être parce qu’il manque telle référence à leur film culte. Le fait est que Seymour Hoffmann était très actif et qu’il a multiplié les rôles significatifs. Il paraît évident que de nombreux lecteurs le connaissaient, peut-être n’ont-ils pas vu toutes les oeuvres où il a officié, et nous recommandons vivement celles-ci. Cet article se destine aussi à ceux qui connaissent en revanche parfaitement chacun des films mentionnés pour leur rappeler les scènes marquantes où l’acteur fétiche officiait, et attirait l’attention malgré ou plutôt grâce à sa physionomie insolite. Bien sûr, les connaisseurs n’apprendront rien ici, mais je suis persuadé qu’ils se convaincront qu’il y a parfois de grands bonhommes à qui on a envie de rendre hommage.

 

Le valet embarrassé : The Big Lebowski, de Joel & Ethan Coen

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Il n’est peut-être pas utile de revenir sur le personnage de Brandt, qui cherche à suppléer son employeur dans l’affaire du kidnapping de Madame Lebowski, et qui est tout gêné quand celle-ci lui propose d’assister à la fellation qu’elle propose au Dude contre quelques centaines de dollars. Tout au plus pourrons-nous rappeler à quel point des seconds rôles peuvent être déterminants dans la réussite d’un film, peut-être même davantage qu’un méchant réussi, ceux de ce film étant tous plus fantoches les uns que les autres.

 

L’infirmier dévasté : Magnolia, de Philip Seymour Hoffmann

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Certains y voient le prototype du film choral too much comme Hollywood en a produit des dizaines au début des années 2000. Grand film malade et boursouflé, Magnolia met en scène des personnages bouffés par la culpabilité et l’angoisse existentielle. Le personnage de Phil Parma assistera la mort d’un salaud qui maltraitait son fils, mais qu’il ne peut s’empêcher d’aimer malgré tout. Jouer la compassion dans ces cas-là ne devant pas être forcément facile ni agréable…

 

L’arnaqueur angoissant : Punch-Drunk Love, de Paul Thomas Anderson

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Autant il pouvait paraître compassé et obséquieux dans le rôle de valet de Monsieur Lebowski, autant Seymour Hoffmann joue un personnage viril et audacieux dans ce faux film d’amour de P.T. Anderson : il harcèle financièrement et moralement le personnage principal qui a eu le malheur et la bêtise d’appeler un téléphone rose, avec une insistance infâme. Le genre d’interprétation qui annonce son futur rôle de manipulateur ultime dans The Master.

 

L’écrivain tourmenté : Truman Capote, de Bennett Miller

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On lui reproche ça et là (dans Les Inrocks si mon souvenir est bon) d’en faire deux tonnes dans ses rôles de composition, et cette critique s’accentuera à propos de ses collaborations suivantes, notamment avec Anderson. Il va de soi qu’il bouffe l’écran, ce qui lui permet de camper parfaitement le rôle de l’écrivain ultra-narcissique et maniéré qu’était Truman Capote.

 

Le frangin sans scrupule : 7h58 ce matin-là, de Sidney Lumet

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Alors certes, ce n’est pas le plus grand Lumet, mais en confiant ce rôle d’aîné manipulateur à Seymour Hoffmann, le réalisateur mythique s’offrait l’assurance de le voir camper un des personnages les plus dégueulasses du cinéma moderne. Les relations inauthentiques, malsaines, bouffent tout, jusqu’à la famille. Et Hoffmann semblait fait pour ce rôle de frangin monstrueux, sans aucun scrupule.

 

Le gourou / démiurge : The Master, de Paul Thomas Anderson

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On aurait pu rêver d’un point d’orgue, du climax d’une carrière pour un acteur de seulement 46 ans… On sait désormais que cela restera son chef d’oeuvre définitif. Seymour Hoffmann atteint une maîtrise hallucinante dans ce rôle de patriarche et chef de secte -littéralement Dieu le Père- accueillant et couvant du regard son « Fils » ombrageux et naïf interprété avec autant de talent par un Joaquin Phoenix crépusculaire. La dialectique entre les personnages est telle que la réussite du jeu d’acteur de l’un n’est pas possible sans l’autre. Cela tombe bien, c’est justement le sens ontologique du film. Du très grand cinéma.

– Tonton Stéph