Avec toujours la volonté de donner la parole aux personnes qui ne l’ont pas, nous sommes allés à la rencontre d’une sœur carmélite. Sur les hauteurs de Flavignerot à quelques kilomètres de Dijon, cachés au beau milieu d’une colline, vivent une dizaine de carmes et carmélites dans le silence le plus complet. Le Carmel ? Un ordre religieux consistant à accompagner Dieu grâce à l’oraison, une prière silencieuse pendant laquelle on « s’entretient » avec lui. Nous avons fait la connaissance de sœur Claire-Marie, avec qui nous avons papoté longuement. De son parcours et de son point de vue sur la société.

IMG_1799D’origine bretonne et de parents chrétiens pratiquants, Claire-Marie a baigné dès son enfance dans le monde de la chrétienté. Très vite, elle se sent différente de ses amis et des personnes qui l’entourent, la plupart étant athées. Cependant, elle continue ses études et fait une école de commerce à Nantes, qu’elle réussit brillamment. Au lieu de chercher un job d’été, elle part durant les grandes vacances à la rencontre de moines afin de trouver réellement sa voie et des réponses. « Le fait d’avoir des amis non croyants m’a stimulée à entretenir ma foi ».

Entrer au Carmel est très sérieux, cela engage une vie, une vocation. Et comme dans tout jeu de société, on ne s’engage pas n’importe comment : il y a des règles. On ne peut devenir sœur sans avoir déjà travaillé. Sortie requinquée de ses travaux d’été et avec la volonté de jouer le jeu du Carmel, elle part travailler à Metz au journal local Le Républicain Lorrain où elle passe deux ans avant de passer la vitesse supérieure.

Après avoir fait un pèlerinage en terre sainte et dit au revoir à ses proches, elle entre au Carmel de Flavignerot le 25 mars 1988. Sa vie prend une tournure autre, elle devient une sœur carmélite. Depuis 26 ans, sœur Claire-Marie suit un planning strict commençant à 5h50 du matin et qui se termine à 22h30. Prends ça, les 35 heures. « On se me met à l’écart, en retrait de la civilisation afin de rechercher le silence de Dieu », confie t-elle. Une vie atypique où les grâces de Dieu ne sont pas sans pesanteurs : porter la croix du Christ, c’est aussi faire une croix sur sa vie de famille. « J’assume cela, la seule chose qui me manque, c’est l’océan ».

Une citoyenne comme une autre                      

Mais être sœur, c’est aussi faire son devoir de citoyen, se retirer du monde n’empêche pas Claire-Marie d’être allée voter aux récentes élections municipales. Pour se tenir informer de l’actualité, pas de télévision ni de radio, elle lit La Croix ou Le Bien Public. «Cela me permet d’avoir du recul sur les événements ». Une actualité où l’Église a, selon elle, encore voix au chapitre : « On sent bien qu’on est une minorité, mais une minorité qui a quelque chose à dire, sur la famille, le mariage, l’éthique indépendamment de la foi ».

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La loi sur le mariage pour tous ? Elle suit la règle de l’impartialité selon Christine Boutin : «Le terme union aurait été préférable. Le mariage, c’est entre un homme et une femme ». Mais condamne « la dureté envers les homosexuels ». En 26 ans, la société que sœur Claire-Marie a connue a fondamentalement changé mais le rejet de l’autre, la discrimination et le racisme la peinent et l’alarment. « On n’a pas vu une telle haine depuis 39-44… » Consciente que l’Église intéresse de moins en moins les jeunes, le virage d’Internet sur les réseaux sociaux doit être bien négocié. « Il y a un réel enjeu, un tournant essentiel à prendre ».  N’est-ce pas Pontifex ?

– Florian Berger
photos : F.B.