Claude Correia et Romain Rousseau sont architectes à Saulieu. Collègues de boulot, ils participeront les 17 et 18 mai à l’Oxfam trailwalker dans le Parc naturel régional du Morvan. Le principe ? Une marche à but humanitaire, par équipe, de 100 kilomètres pour un effort total de 30 heures. Entretien croisé avec ces deux sportifs volontaires, certainement un peu zinzins.
Depuis quand participez-vous à l’Oxfam ? Claude : Depuis 5 ans. Les deux premières éditions avaient lieu à Saulieu. Depuis la troisième édition, le départ se fait depuis Avallon. On est architectes à la base, on a une agence à Saulieu, une douzaine de personnes au total. La première année on s’était dit : « C’est super ça part de Saulieu, on s’inscrit ». Et cette année, on a trois équipes au sein de l’agence qui participent à cette marche.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être dans l’aventure ? Romain : Déjà, le fait que ce soit à Saulieu. (rires)
Claude : Et puis c’est un défi physique, un challenge, c’est chouette. Il y a aussi le but humanitaire. On a un boulot qui vise à secourir l’être humain, le protéger des ambiances extérieures. (rires) Lors de cet événement, il y a une ambiance super ! C’est la plus grosse organisation internationale par équipe au monde. Cette année, il y a 250 équipes de quatre. Plus les accompagnateurs, donc au total des milliers de personnes dans le Morvan. Pour nous c’est génial, parce que le Morvan, c’est notre terrain de jeu. C’est là qu’on fait la plupart de nos projets. Enfin, ce qui est intéressant, c’est également de faire des choses ensemble.
Comment avez-vous formé les équipes ? Claude : Je suis le patron ! Je ne suis pas despote mais je décide. (rires) Non… mais on a proposé cela au sein de l’agence, Romain était tout de suite partant. C’est le seul qui participe avec moi depuis 5 ans. Les autres ont tourné un peu chaque année, car c’est vraiment une épreuve physique. On suit un entrainement important. On ne peut pas faire des séances longues tous les weekends, ça demande beaucoup de temps. Et puis il y a quelques blessés parfois, qui ont du mal à s’en remettre. Alors les gens interviennent, deviennent accompagnateurs, et soutiennent.
Il y a une grande collecte de dons pour intégrer l’Oxfam, comment est-ce que vous vous y êtes pris ? Claude : On a dû rassembler 1.500 euros par équipe. On a la chance d’avoir un relationnel important avec les entreprises. C’est un don, alors fiscalement elles récupèrent 66% de la somme sous forme de crédit d’impôt. Du coup, c’est pas forcément un gros investissement pour l’entreprise. Comme on a obligé les gens du bureau à venir marcher, on oblige les entreprises a faire des dons, autrement ils ne travaillent plus pour nous. (rires) Non… beaucoup sont partantes, elles nous soutiennent parce qu’elles nous connaissent et sont sympas. D’autres aussi parce qu’Oxfam est une association caritative très connue dans le monde. Pas trop en France. Et qui est présente sur tous les sites où il y a des problèmes : les zones de guerres, les endroits où il y a des catastrophes naturelles. Ils sont présents sur le terrain.
« L’an dernier c’était assez terrible, il avait plu pendant tout l’hiver, les chemins étaient très humides, voire impraticables pour certains. Et j’avais un bras cassé. »
Tout à l’heure vous me parliez de l’entraînement. Comment ça se passe concrètement ? Claude : Comme on marche depuis 5 ans, ça devient un peu une drogue. On marche tout le temps. Disons qu’on a un entraînement un peu plus spécifique à partir de l’hiver. En fait, Oxfam envoie un programme d’entrainement, qu’on ne suit pas forcément car il faudrait marcher trois fois par semaine ! Nous, on essaie de marcher dans notre coin le soir, le week-end, quand on peut, puis on essaie de se retrouver de temps en temps. Là, ça fait plusieurs marches qu’on organise en soirée. Certains n’ont pas l’habitude de marcher la nuit, et c’est surtout ça que les gens craignent. C’est toujours difficile de se retrouver tous ensemble mais il y a quand même des petites équipes qui se forment pour marcher. Mais c’est surtout un entrainement personnel, au final.
Les membres de l’équipe ont un rôle particulier ? Comment ça s’organise pendant la marche ? Claude : Il n’y a pas de relai, donc tout le monde doit faire obligatoirement les 100 km. On n’a pas de rôle prédéfini. On part ensemble, on arrive ensemble. On a des points de contrôle obligatoires, des bracelets inviolables avec des codes barre qu’on doit présenter à chaque point. En fait, l’état d’esprit varie sur les 30 heures. Il peut y avoir des moments de faiblesse, et c’est la personne la plus costaude qui va remonter le moral des autres. Par contre, on a un planning à suivre. On sait exactement à quelle heure on doit arriver à tel point de contrôle parce qu’au préalable, on a estimé des temps de vitesse de marche en moyenne. Si on n’est pas dans les temps, ça risque de compromettre le reste du parcours.
Est-ce qu’il y a malgré tout une notion de compétition dans cette aventure ? Claude : La première compétition, c’est d’arriver. Il y a très peu d’équipes qui arrivent au complet. Environ 10%.
Il se passe quoi quand l’équipe n’est pas au complet ou perd un membre ? Claude : Il y a des règlements de sécurité : une équipe ne doit pas abandonner quelqu’un au bord de la route. C’est pour ça qu’ils exigent qu’on soit quatre, et pas moins de trois. Il ne peut pas y avoir d’équipe de deux. Si une personne ne va pas bien, il faut l’emmener à un point de contrôle. Si une équipe se retrouve à deux, elle doit en rallier une autre. En général, nous sommes les bons samaritains et nous ramenons beaucoup d’équipes. (rires)
Comment on se remet d’un tel effort, physiquement et mentalement ? Le lendemain, ça doit piquer un peu… Claude : Moralement c’est déjà une grande joie de réussir. On a une semaine pour s’en remettre réellement physiquement. Mais bon, dès le lundi on a des rendez-vous… C’est une épreuve physique, mais qui n’est pas du tout insurmontable. Il y a une grosse part de volonté. C’est sûr qu’il ne faut pas se dire qu’on fait 100 km. On se dit qu’on fait le premier tronçon, qui fait 17 km je crois. Ensuite, on vérifie ce qu’il se passe, et on va faire un deuxième petit bout. Sur le chemin on a des masseurs, des médecins qui nous accompagnent. On peut se doucher. On règle les petits bobos, on se nourrit, on boit, puis on repart sur un nouveau parcours.
C’est un sport que vous pratiquiez avant, la marche ? Romain : Oui, mais je ne faisais pas de parcours aussi longs. Juste des 20 / 30 km.
Claude : C’est vrai que faire 50 km dans la journée, en une dizaine d’heures, il faut être physiquement un peu entraîné.
Et vos supporters, quel est leur rôle ? Claude : On a toute une équipe de supporters et d’encadrement. On doit se doucher assez fréquemment. Par exemple il ne faut pas avoir de chaussettes humides, sinon ça entraîne des ampoules, etc. Il peut faire froid, il peut pleuvoir. L’an dernier c’était assez terrible, il avait plu pendant tout l’hiver, les chemins étaient très humides, voire impraticables pour certains. Et j’avais un bras cassé. (rires)
À la bonne heure. Claude : J’avais dit à mon épouse que je n’allais pas le faire. Que je ferais les 10 km au départ, et une fois l’équipe partie, que j’arrêterais. Et en fin de compte je ne suis pas rentré : j’ai fait les 100 bornes. Sinon, l’an dernier, il y avait avec nous l’un de nos collaborateurs, Maxime. Un footballeur, très sportif, donc on comptait vraiment sur lui. Au bout d’un moment, on l’a trouvé un peu devant, arrêté au pied une croix, un calvaire, la tête dans son sac à dos sur ses genoux. Complètement anéanti. Là il a fallu le motiver pour arriver. C’est aussi un rôle psychologique important, on est sans cesse en train de remonter le moral de ceux qui faiblissent. Ça peut être juste une petite phrase et hop ça repart.
Instant promo. Le nom de votre atelier, c’est quoi ? Claude : L’Atelier Correia. On travaille sur le Morvan mais aussi sur Dijon, par exemple on a fait le bâtiment de la Minoterie. Tout à l’heure, tu me demandais s’il y avait un aspect compétition. Non, nous ce qu’on veut, c’est arriver à 9h le matin parce que c’est à ce moment là qu’il commence à y avoir des journalistes. Alors que ça ne sert à rien d’être là à 7h, personne ne nous attend. (rires) Non… plus sérieusement, pour nous, c’est vrai que c’est important qu’on parle du Morvan. On s’aperçoit qu’à Paris il y a des panneaux partout dans la ville, dans le métro. On parle de cette région, c’est vraiment bien.
Propos recueillis par P.-O.B
Photo : (c) Oxfam France