Pop turque, top 10 Beatport et musique acoustique… Guido Minisky et Hervé Carvalho -Acid Arab- sont chauds comme des baraques à frites et fument les dancefloors avec ce projet mêlant acid-house et musique orientale. Entretien croisé avec les deux larons lors de leur passage à La Vapeur pour le Tribu festival, où il est question notamment d’un prochain album… et d’un live.

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C’est quoi cet engouement pour les musiques électro-orientales ?
Guido : Il y avait déjà un truc avant qu’on commence et c’est probablement ça qui nous a poussé vers la concrétisation de cette idée. Tout est parti de soirées qu’on faisait. Je pense que le courant « oriental » est venu au départ avec les ré-éditions de morceaux turques, de pop, de disco…

Hervé : Ou aussi les compilations de musiques électroniques un peu barrées, de Sahel Sounds…

Comment vous bossez ? Y’a-t-il un mode opératoire précis pour Acid Arab ?
Guido : Il y a beaucoup de choses, on trouve des disques sur le net et puis on est tombé dans le digging de vinyle, ce qui est malheureusement très cher et très chronophage. Quand on a l’occasion d’aller voyager à l’étranger, on va fouiller dans les bacs à disques et trouver parfois des choses étonnantes… Pas toujours dans les endroits auxquels on aurait pensé. Par exemple, c’est en Suisse que j’ai trouvé les trucs les plus stupéfiants ces derniers mois.

L’aventure a débuté avec une page Facebook sur laquelle les gens partageaient des morceaux… Sans les réseaux sociaux, est-ce que le projet aurait pu naître, est-ce que vous auriez pu trouver autant de morceaux ?
Guido : Absolument pas, et il n’y aurait pas eu d’ouverture vers cette musique sans internet. Les gens âgés comme moi savent très bien qu’en grandissant, on n’avait pas accès à cette musique. C’était un monde caché. Il fallait avoir les moyens d’aller acheter des CD à la FNAC sans savoir ce qu’il y aurait dessus. Maintenant ce n’est plus le cas et c’est probablement pour ça qu’elle est devenue populaire.

À quel point c’est compliqué de trouver ce genre de musique ?
Guido : C’est pas compliqué, c’est devenu cher. (rires) Aujourd’hui, ce ne sont plus les genres soul/funk qui sont les plus chers, comme il y a 10 ans, ou le Krautrock comme il y a 5 ans. Les disques libannais et égyptiens se vendent très très chers…

Quel est le ressenti en Afrique du Nord ? En France et en Europe, Acid Arab marche plutôt très bien mais quels sont les retours là-bas ?
Hervé : On y retourne justement la semaine prochaine, on va à Casablanca. Mais on a eu une expérience assez compliquée et bizarre en Tunisie… La musique qui intéresse la scène tunisienne, c’est la deep-house, le top 10 de Beatport, Ibiza, Guetta… Du coup, ils attendaient un pied techno 4×4 pour se mettre à danser, c’était un peu étrange. Au contraire, l’Egypte a été une expérience hallucinante, on a joué dans une soirée Electro Chaabi avec la star locale, DJ Figoo : une soirée gratos avec énormément de Cairotes… des mecs surtout. En trois disques, c’est devenu vraiment fou. La rave devant nous.

Guido, toi qui est un touche à tout, journaliste, ancien directeur artistique de clubs (Chez Moune, le Pulp…), quel regard tu portes sur la scène électro en France ? On parle de renouveau, de retour de la rave justement.
Guido : En arrêtant mon travail de directeur artistique chez Moune et en me concentrant plus sur Acid Arab, j’ai moins pu observer… Mais j’ai l’impression qu’il y a une éclosion géniale de tout une équipe de vingtenaires qui ont envie de faire des fêtes de la manière la plus noble qui soit. C’est à dire en mettant en avant de la musique, des goûts, de l’éclectisme, de la recherche. Alors qu’avant, on avait souvent à faire à des gens qui disaient « ok on va gagner notre vie en faisant des soirées » et qui ne le faisaient pas forcément bien, qui faisaient jouer ceux qui ramenaient des gens ou qui essayaient surtout de vendre à boire. Ça change un peu.

Hervé : C’est une nouvelle génération de jeunes hyper intéressés par la musique, ouverts musicalement. La plupart avaient 15 ans quand Ed Banger explosait, l’offre était alors réduite. Il y avait le Rex où ils ne pouvaient pas rentrer et le Social Club. Aujourd’hui, ils ont 20 ans, ils ont grandi dans la musique électronique et le club, ils ont découverts qu’il y avait de la musique de qualité en club, une offre variée. C’est génial.

Guido : C’est cyclique aussi, il y a des modes. Il y a 10-15 ans on disait exactement la même chose de Paris, au moment où les soirées Respect éclataient. Puis ça a tourné, c’était Londres, puis Berlin et maintenant à nouveau Paris.

Le futur pour vous, c’est quoi ?
Guido : Un vrai album du groupe Acid Arab.

Comment ça se passe, vous samplez, vous avez les droits à gérer ?
Hervé : On ne sample pas énormément. Le sample est utilisé pour créer de la matière, en fond, pour donner une ambiance… Mais ce n’est pas un sample mis en avant comme dans le hip-hop. En général, on évite de sampler.

Est-ce que le son va s’endurcir ? Vous avez sorti un EP chez Turbo… le label de Tiga, plus techno.
Hervé : Ça dépend, aujourd’hui on était en studio avec des rappeurs Cairotes (qui jouent à l’Institut du Monde arabe ce soir d’ailleurs) et on a fait un morceaux hip hop avec eux. Donc on n’est pas à l’abris d’une mauvaise rencontre (rires)

Des morceaux déjà finalisés ?
Guido : Pas forcément, on a le dernier EP de la série Collections qui va sortir prochainement chez Versatile, un remix pour Etienne Jaumet qui va sortir dans pas longtemps. Et on prépare le live, le premier sera à la Gaité Lyrique le 10 octobre. On fait donc des nouveaux morceaux pour le live, on a des idées… Des idées d’artistes avec qui on veut collaborer. On essaie de ne pas faire trop de stratégie, juste d’avancer…

Ce soir, vous jouerez de nouveaux titres ?
Guido : Oui justement, il y en aura au moins deux qu’on va tester chez vous. Notamment le morceau avec les rappeurs du Caire dont on parlait. On va jouer aussi un morceau qui sera sur le nouvel EP, qui n’est pas très techno, quelque chose de très différent. Qui n’est pas acoustique car tout est fait avec des machines mais qui sonneraient presque comme quelque chose joué par un groupe. Et avec un beat volontairement éloigné de quelque chose de binaire. Quelque chose d’un peu transe, fou et sauvage.

Hervé : Entre les Doors et Omar Souleyman. Entre du krautrock et de la musique irakienne… Très perché.

Vous n’auriez pas envie d’aller un peu dans l’acoustique, d’aller chercher un joueur de flute et l’enregistrer ?
Guido : Si bien sur en terme de production. Pour le live, c’est une question qu’on se pose régulièrement. Mais on n’a pas envie de tomber dans une espèce de fusion de l’électronique et de l’acoustique sur scène.

L’appellation « world » vous fait flipper ?
Hervé : Surtout l’appellation « fusion ». Du coup, on a une approche assez radicale. J’aime les musiques acoustiques orientales, bien sûr. Mais ce qui me fait partir en couille, c’est vraiment l’utilisation des synthés et des boites à rythmes dans la musique orientale. Omar Souleyman en tête de proue de ce truc-là. C’est pour ça qu’on n’a pas de percussionniste en live. On a peur de retomber dans la house des années 90 avec le saxophoniste sur scène ou les congas…On bosse avec un percussionniste en studio qui enregistre pas mal de phases sur les morceaux, mais on retravaille les lignes de percu et on les utilise différemment.

Guido : En gros, on essaye de présenter une musique qui soit un mélange de musique arabe et de musique électronique. Mais on ne fait pas de la musique arabe, on n’est pas arabe, on ne sait pas le faire. Essayons de faire quelque chose qui nous ressemble vraiment avec le matériel qui correspond à ce qu’on est et d’où on vient.

En dj set, quel est le feeling entre vous, comment vous vous organisez ?
Hervé : Bah moi je mets tout le temps le disque de gauche… (rires)

– Propos recueillis par Sophie Brignoli, Mister B et Pierre-Olivier Bobo
Photo : D.R.