Retour de Gian Alfonso Pacinotti alias Gipi avec Bons baisers de la province, un album qui compile deux histoires de 2005 et 2006 inédites en France.

Bons Baisers de la provincePlus je regarde ses livres et plus je me dis que Gipi est un peintre, une espèce d’aquarelliste, un encreur. Avec ses dessins, il pourrait me raconter n’importe quoi. Ce qui me scie, c’est son pinceau. Dans le première histoire, Les Innocents, à l’encre de chine, il donne des couleurs incroyables à ses images. Toutes les profondeurs du noirs s’y trouvent, et toutes les gammes du marrons aussi.

Ses dessins sont finalement très simples, très fins, dans la tradition de la ligne claire. Mais une fois encore, c’est bien ses couleurs qui rehaussent le tout.

Ses deux récits des nouvelles de la rue, des aventures de bandes, de jeux d’ados ou même d’enfance. Mais avec toujours en toile de fond, la mafia ou l’Italie des années de plomb.

À la lecture de la première histoire Les Innocents – à la fin des années 1970, deux flics anti-terroristes débarquent dans une ville de province plutôt pépère. Je me disais qu’on ne mesurait pas vraiment de ce côté-ci des Alpes le poids au quotidien et dans les détails (c’est là que le diable se cache parait-il) de ces années de plomb quand les réseaux italien d’extrême droite, sous le haute protection d’officines étatiques, manipulaient et jouaient au chat et à la souris, en manipulant l’extrême gauche. C’est beau, à tel point qu’au bout d’un moment je regardais plus les couleurs, les lavis, les applats que les planches.

La deuxième histoire, On a retrouvé la voiture, est beaucoup plus classique : un bon polar tout droit. Mais grosse différence, Gipi a lâché le marron, l’encre de chine pour le bleu. J’aime moins, beaucoup moins, mais ça donne une patine, une atmosphère interlope. Les Innocents, la première histoire, date de 2005. Soit exactement en même temps que son excellent Local ou Note pour une histoire de guerre qui lui valu un prix à Angoulême.

Bons Baisers de la province comble un vide pour les fans, ces histoires n’avaient été publiées qu’en Italie, et s’inscrivent déjà dans ce qu’on pourrait appeler la période dorée (on espère pas la seule) de Gipi. Une bédé par un aquarelliste, pour le plaisir des yeux

– Martial Ratel

Bons baisers de la province – Futuropolis, 72 pages, 16 euros.