Cette semaine, une bédé qui nous emmène dans la Rome antique: Scipion contre Carthage : Les voleurs de Carthage, le tome 2 –  La nuit de Baal Moloch. On pourrait croire avec ce titre ce qu’on va retrouver d’Alix et Enak. Tsssshh, tsssshhh malheureux, non ! Il s’agit là d’une bédé récente. Oui, c’est vrai que le titre est trompeur, hein. Je vous préviens, éloignez les enfants et les spécialistes des articles objectifs, du journalisme neutre. Là, je vais faire preuve de mauvaise foie incroyable dans ce papier.

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Cette bédé donc, deuxième tome, est l’œuvre d’Hervé Tanquerelle et Appollo. Alors voilà, j’ai trouvé cette bédé quand même scandaleuse. Honteusement scandaleuse. À deux doigts de la contrefaçon. Bon, d’accord, vous pouvez tout de suite discréditer mon propos, je n’ai pas lu le tome 1. Vous pouvez penser que je ne savais pas que les deux personnages principaux étaient des voleurs de trésors, malgré le titre. Que comme je n’imaginais pas pourquoi deux personnages losers, associés à un philosophe grec et une prêtresse de Tanit, se retrouvaient crucifiés dès le début du livre, je ne saurai profiter de la magnifique histoire qui allait se dérouler devant mes yeux.

Alors, là je vais vous poser une question m’sieurs dames, je vais vous impliquer dans ma chronique. Qu’attendez vous d’une bédé ? Ahahahah. Je vous laisse réfléchir… La question est dure, n’est-ce pas… C’est bon ?  La question est pas super dure. Je relève les copies. Vous attendez « du plaisir ». Vous comptez sur les 48 pages syndicales pour vous divertir. Une bédé… ça doit… faire passer un bon moment ?

Ok, je vois. Depuis toutes ces années que je me fatigue les yeux à lire des bédé chelous, compliquées, voir expérimentales ou du moins de qualité, j’ai ces retours. Parfait. Jetez-vous sur cette maigre bédé. Alors là vous allez passer un bon moment. Sans réfléchir.

Vous y verrez des bébés sacrifiés. Des soldats en armes. La belle Carthage reconstituée. Vous découvrirez peut-être même que Carthage était l’égale de Rome, juste en face sur la méditerranéenne, sur le côte Est tunisienne. Une ville avec ses doubles remparts et son port tout rond, une perle de l’antiquité, rasée. Vous vous rincerez l’œil sur quelques naïades, prêtresse dénudées. Vous trouverez même une ou deux bonnes idées, ce qui n’arrive pas dans toutes les bédés d’aventure. Peut-être serez vous surpris par le dessin, par le caractère ou le profil des personnages.

N’allez pas plus loin, Les voleurs de Carthage sont pour vous. Si vous surfez sur la branchouille « bédé d’auteurs, inventeurs de formes, de concepts, nouvelles générations de scénaristes, de dessinateurs », vous pourrez aussi vous y retrouvez. Hervé Tanquerelle, le dessinateur, a un lourd passé dans ce milieu français talentueux. Dès 1998, il est publié à l’Association. Ensuite, il dessine avec Joann Sfar Le Professeur Bel, trois tomes, rien que ça. Il s’accoquine avec les très respectables Gwen de Bonneval ou  Fabien Vehlmann pour créer la revue Professeur Cyclope. Rien que du bon et du conseillable.

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Alors, c’est quoi le problème de ce livre ? Qu’est-ce que tu nous fais ? Hé bien monsieur le juge, le problème, c’est que cet homme Tanquerelle, que j’imagine fin et intelligent, nous prend pour des buses. Comme si, en tout cas moi, j’allais laisser passer ses grosses ficelles. Carthage +  Moloch Baal +  le héros gaulois. Mais c’est pas des clins d’œil. C’est des plagiats, honteux. Ça pardon, mais c’est Jacques Martin et Alix. Ahhhh, oui, Carthage, bien entendu, est la seule citée où planter l’histoire… bien sûr. Les déesses Tanit à Carthage, c’est Le Spectre de Carthage, publiée en 1977. À moins, on me glisse dans l’oreillette, que ce ne soit Flaubert et Salambo… bien sûr. Et c’est Carthage parce que Appollo, le scénariste, est tunisien ? Très bien alors qu’Appollo nous fasse découvrir autre chose : une autre citée ou un autre aspect de cette ville, parce que le siège de Carthage en bédé, c’est encore du Jacques Martin.

L’orientalisme des prêtresses dénudées, pardon, mais c’est ma mauvaise foi qui se saisit de moi, comme une crise de goûte qui vous fait pousser des cris, c’est tout bonnement des personnages à la Joann Sfar.  – Aïe, ouille ! c’est ma goûte –  mais bien sûr il ne connaît pas Sfar, il a juste dessiné trois bouquins avec lui… Les vagues sentences philosophique qui habillent le livre, idem. Et ses persos sympathiques comme tout, longilignes à grands nez – Ouille, aïe, ma goutte – mais ce sont des persos à la Christophe Blain… Et quelle est la caractéristique de son gaulois-long-tarin ? Il est vaguement libidineux, comme les trois quart des persos de Blain. Un type pas connu du tout.

Donc ce livre est un scandale. Un livre à lire les yeux fermés. Un livre sans talent, parce que sans auteur. Ou 100 talents, parce que trop nombreux.

– Martial Ratel

Les voleurs de Carthage, tome 2, La nuit de Baal Moloch, autour de 14 euros (Dargaud)