Oops !… I Did It Again… Comme les gondoles à Venise, les crêpes à la Chandeleur, le festival du mouvement subjectif continue d’attirer le chaland à Dijon. Retour une fois de plus tout à fait aléatoire sur une sélection en forme de figure quasi-imposée. Si la semaine précédente, Art Danse livrait l’idée du couple aux caprices thermiques et organiques de la quadrature. Cette semaine, les plateaux livrent du solo, du duo et du quatuor. Chez Sparse, nous avons aimé ça. Tant pis pour la morale, ce n’est définitivement pas pour cette année.
Avis de tempête
Vendredi 23. Fin d’une semaine dense en danse. Résultat : tiercé dans l’ordre et Cécile Loyer se fout complètement du terrain lourd et de savoir si elle a dépassé les deux autres d’une tête ou d’un cheveu. Nous aussi, mais on la place d’emblée sur la première marche du podium de l’inédit. Rire avec une salle comble qui s’esclaffe face à de la danse intelligente et joueuse. Bingo !
Danseuse habituée des plateaux d’Art Danse, Loyer revient ici en chorégraphe façon méduse, façon regarde-ici-je-te-ferai-voir-là-bas-ce-que-j’avais-décidé-avant-que-tu-tournes-la-te-tê. Sa version de la Tempête du Grand Will, livrée à quatre corps, tient de la poupée gigogne. Ici aussi tout s’emboîte à merveille. Le vrai, le faux, Shakespeare (ou presque), un naufrage en suggestion, un léger caprice de diva et la solitude des plages désertées par le reste de l’humanité. La petite épiphanie de ce spectacle n’est surtout pas liée au fait que tout cohabite sans broncher sur le plancher de l’atheneum, encore moins au fait que le très beau côtoie le très drôle dans un mouvement fluide et rapide. Non, mais, à notre sens, au fait que sa Pièce Manquante puisse avoir lieu à mains nues, naître à hauteur d’hommes et tutoyer des concepts philo assez pointus comme l’immanence avec un physique assez pointu lui aussi. Cécile Loyer use de la répétition comme un exégète des notes de bas de page. Tout sous les frondaisons participe à l’ouverture du sens de son spectacle.
Il y a ensuite cette belle idée où chaque mouvement possède d’abord son esquisse. Les discussions montrées à la table de travail ne servent qu’à créer le vertige de l’illusion et des passages entre danse et théâtre. Il y a le comédien qui livre son brouillon, le personnage qui en trouve la voix et le danseur qui lui livre la voie. Ces trois dimensions dansent à la volée et fournissent le spectateur en vertiges de bonheur comme ceux qui explosaient dans les boucles brunes de Joël Bats version 1986.
No comment
Lundi 26. Il y a des gaziers qui veulent toujours un peu trop et finissent par tirer une balle dans la branche sur laquelle ils sont assis. Fabrice Lambert et l’Expérience Harmaat ont titré leur pièce Im-Posture. C’est aussi notre avis.
Vice de forme
Lundi 2 février. Premiers pas à l’Auditorium pour cette édition. Clôture du festoche et c’est Michèle Noiret qui régale. Avec du réchauffé de la veille, du qui se mange mieux le lendemain, un peu comme le Hachis Parmentier de la gentille dame du premier. La veille, c’est 1997, le réchauffé c’est sa choré titrée Solo (là aussi, ça tombe bien, la danseuse est seule en scène) : création dansée sur deux pièces du teuton Lächelnlos Karlheinz Stockhausen, Tierkreis et Musik Im Bauch Für Spielhuren (NDLA : pour des conseils de prononciation, contacter le coordinateur de l’usine Sparse).
Seulement voilà, un dénommé Knauff a filmé le solo de danse et l’a montré à Dame Noiret qui, du coup, s’est toquée de refaire la chorégraphie live de Solo. Voici donc ce qu’on appelle en littérature un palimpseste. C’est donc le titre du spectacle de 2015, c’est aussi notre avis. « Un palimpseste est un manuscrit dont on a fait disparaître les inscriptions pour y écrire à nouveau » : un peu comme les inscriptions sur les murs près du Deep Inside, ou tes dessins sur le papier peint de ta chambre de gosse.
Si le film de Knauff reste proche de l’indigence cinématographique, quelques plans de mouvement de mains terribles mis à part, la nouvelle version de Solo est assez fascinante. Non pas par la prouesse chorégraphique pure, elle pourrait avoir lieu sans doute et présente quelques signes d’ancienneté, à voir le reste des projets présentés ici ou encore pour le festival Instances à Chalon.
Non, ce qui est beau dans ce projet, c’est la toute dernière minute où Michèle Noiret avance, impérieuse, vers le public jusqu’à devenir une ombre et un murmure. Et de faire disparaître avec elle, la présence de son corps de danseuse entre 1997 et 2015 dans une seule et puissante persistance rétinienne. Ophtamologiquement impressionnant !
– Badneighbour