Difficile de résumer le Printemps de Bourges en quelques lignes. Le Printemps de Bourges, c’est un poids lourd de la musique en France, c’est là où tu peux retrouver tout ce qui est bien mainstream et à la mode mais aussi tous les artistes émergents qui tourneront près de chez toi dans les prochains mois. Le Printemps de Bourges, c’est des rencontres, des discussions, des interviews et surtout des découvertes musicales hors du commun.
Alors en gros, qu’est-ce qu’on a fait, mis à part être accroché au bar et financer les vacances à Hawaï des actionnaires de Kronenbourg, le partenaire boisson officiel du festival ? Bourges 2015, ça a commencé avec la conférence de presse de Juliette Greco. Ce n’est pas tous les jours que tu as l’occasion d’adresser la parole à une dame dont les proches étaient Brel, Vian, Gainsbourg… Cette femme, c’est la mémoire vivante de la musique française. Du haut de ses 88 ans, elle entame une tournée d’adieu internationale sobrement intitulée « Merci ». A peine la conférence de presse commencée, elle a calmé tout le monde en déclarant : «A un moment on se rend compte que la fin approche et il faut l’accepter… ». C’était un beau moment, touchant. Juliette Greco n’a rien de la vieille sénile, elle est une dame, elle est Paris, elle fait preuve d’une prestance et d’une élégance presque venue d’une autre époque.
Après avoir un peu zoné dans l’espace pro, grillé quelques clopes et vidé quelques verres, direction le Nadir. Le Nadir, c’est un ancien hangar qui sert de salle de spectacles géré par l’association de projets culturels Emmetrop. Le lieu est classe et l’équipe super cool. On a vu la Colonie de Vacances. Puisque tu étais forcément à leur concert à La Vapeur il y a un an et demi, tu sais déjà que le set de ces quatre groupes qui jouent tout autour de toi est énorme. Il faut quand même noter que, puisque le concert était complet à 21h, les quatre groupes -Papier Tigre, Pneu, Electric Electric et Marvin- ont donné un autre set à 17h30. Ça c’est rock : enchainer deux concerts au même endroit parce qu’il y a une demande du public. Et puis, ça a été l’occasion de croiser le sosie d’Yves Jamait au bar qui nous a proposé un super spectacle de jongle avec des tickets boissons.
Le dimanche 26 nous a offert deux belles découvertes : Darjeling Speech et Perfect Hand Crew. Darjeling Speech, c’est un mec qui vient de Rennes, qui a beaucoup squatté à Istanbul. Ses textes oscillent entre contestation sociale et déclaration fantasque d’amour à la nuit. Nuit de sexe, de drogue et d’alcool. C’est super bien écrit et ça pousse à la réflexion quand il balance : « J’ai envie de butter un Rom parce que TF1 m’en donne le droit. »
Perfect Hand Crew, c’était fat. Deux MC et un DJ venus de Perpignan. C’est en Angleterre qu’ils sont tombés amoureux du courant grime et honnêtement, des frenchies avec un flow pareil, ça claque. Le set est calibré, millimétré, une performance quasi chorégraphique. Bref, une grosse baffe musicale qui tabasse en live.
On pourrait aussi longuement évoquer Dam le lundi 27, groupe de hip-hop Palestinien dont l’un des tubes est Who is the terrorist ? Il ne faut pas un doctorat en géopolitique pour comprendre de quoi il est question. On a eu le plaisir de les rencontrer avant leur set. Fatigués, un peu à cran, ils se sont énervés quand on leur a demandé pourquoi ils n’évoquaient pas la paix dans leur texte. La réponse a été simple : « Nous ne connaissons que carnage, massacre, disparition et violence. Pourquoi on devrait nous demander de chanter la paix ? C’est pas nous qui sommes contre. » Sinon, il y a eu les moments d’émotions durant le concert d’Hindi Zahra, le souvenir mémorable du concert de Jeanne Added ou encore la prestation des jeunots de Last Train, vus par ailleurs au festival GéNéRiQ à Dijon. Encore une fois, c’est compliqué de tout citer. Dadyguel, La Fine Equipe ou The Bohicas étaient autant de découvertes à ne pas manquer. Sympa, Bourges.
– Zak Arkel
Photos : Z.A.
Les plus du festival : la prog’ dans l’ensemble est vraiment cool pour les curieux musicaux, surtout sur les petites scènes. Le site est bien pensé, bien agencé. La Rock’N’Beat, grosse soirée électro du samedi soir avec notamment cette année Rone, Joris Delacroix ou encore Jeff Mills.
Les moins du festival : si toi aussi tu aimes payer tes demis de Kro à 3 euros, tu seras très heureux à Bourges. Le tarif des concerts en général. La bouffe n’est vraiment pas top.